«En tant qu'aumônière d’aéroport, mon grand défi est la flexibilité»
Andrea Thali est aumônière à la chapelle de l’aéroport de Zurich Kloten depuis de nombreuses années. Elle n’a jamais envisagé de changer d’emploi, car son travail est extrêmement varié et la place sans cesse devant de nouveaux défis.
Sandra Leis, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden
L’enthousiasme pour son travail se lit sur son visage. Andrea Thali, aumônière à Zurich Kloten depuis 1999, se sent à sa place: «Dans un environnement aussi dynamique, le service d’aumônerie est très enrichissant. Je suis en contact permanent avec les collaborateurs qui exercent les professions les plus diverses à l’aéroport, avec les voyageurs, les requérants d’asile, ou encore les visiteurs».
Un travail imprévisible
La théologienne catholique romaine conçoit sa mission d’aumônerie de manière globale, en se préoccupant aussi bien du corps que de l’âme de son interlocuteur. «Je demande si la personne a soif ou faim, je réserve des vols si nécessaire et j’observe son état psychologique».
Il y a souvent des situations complexes de prise en charge, par exemple lorsque des passagers sont bloqués ou lors d’une tentative de suicide. Même si la personne désespérée est au centre de l’attention, de nombreux échanges sont alors nécessaires avec les proches, les témoins et la police, explique Andrea Thali.
Le plus grand défi en tant qu’aumônière d’aéroport est la flexibilité. «Le travail est imprévisible et les demandes humaines sont très variées. Il faut donc pouvoir changer d’approche d’un moment à l’autre et être totalement présente.»
La nécessité du lâcher prise
Contrairement au travail dans une paroisse, où une aumônière accompagne généralement les personnes sur une longue période, la clientèle de l’aéroport change constamment. A la question de savoir si cela peut être frustrant, Andrea Thali répond fermement: «Non. Notre devise est ‘In Transit with you’. Nous faisons ce que nous pouvons avant de laisser les gens poursuivre leur route. Le fait de lâcher prise a aussi quelque chose de libérateur».
Même si l’anglais est une langue universelle, tout le monde ne le parle pas. Comment se faire comprendre des personnes d’Afghanistan, de Chine ou du Japon qui demandent de l’aide? «Il est étonnant de voir à quel point on peut comprendre et écouter quelqu’un même si la communication linguistique n’est pas optimale, assure Andrea Thali. J’ai vécu des expériences très fortes, où, malgré le fait que le dialogue était très compliqué, une rencontre intime a eu lieu». Et si la communication ne fonctionne pas du tout, on trouve toujours parmi les nombreux collaborateurs de l’aéroport quelqu’un qui parle la langue souhaitée.
2001, l’année de tous les drames
L’équipe centrale œcuménique de la chapelle de l’aéroport, composée de trois personnes, est également présente pour les collaborateurs: environ la moitié du temps de travail leur est réservée. Ces entretiens spirituels portent souvent sur des difficultés au travail, des crises relationnelles ou des problèmes de dépendance. Des cadres répondent également régulièrement à cette offre.
A peine la chapelle de l’aéroport était-elle fondée, en 1997, que des événements majeurs avaient marqué la Suisse. Andrea Thali se souvient notamment de l’attentat contre des touristes à Louxor, en Egypte, qui avait fait 36 victimes suisses. Un an plus tard, en 1998, un avion de Swissair s’était écrasé à Halifax, au Canada.
Il y a eu également l’année catastrophique de 2001, qu’Andrea Thali a déjà vécue en tant qu’aumônière de l’aéroport de Zurich, marquée par les attentats contre le World Trade Center, le grounding de Swissair, en octobre, et enfin le crash d’un avion Crossair à Bassersdorf, en novembre. «On avait l’impression d’être sans arrêt dans une situation d’exception.» L’agente pastorale se souvient encore du calme inhabituel qui régnait peu après les attentats du 11 septembre, les gens fixant avec stupeur les écrans dans les halles de l’aéroport.
L’angoisse de la pandémie
La pandémie de Covid-19 a également été marquante: soudain, les passagers ont disparu, le personnel est resté chez lui, à quelques exceptions près; et le personnel de nettoyage a lui aussi été réduit au minimum. «En très peu de temps, de nombreuses vitres de la zone de transit étaient pleines de fientes de pigeons, et un vide angoissant s’est installé dans les locaux, ce qui était profondément oppressant», raconte Andrea Thali.
Mais cette période est terminée, le secteur de l’aviation se rétablit plus vite que prévu, le nombre de passagers remonte au niveau d’avant la pandémie. «Le balancier revient – les gens veulent à nouveau voyager», affirme l’aumônière. A la question de savoir si la honte de prendre l’avion est un thème à l’aumônerie de l’aéroport, elle répond: «Non, pas jusqu’à présent». La crise climatique mondiale est cependant un problème urgent, et Andrea Thali en est elle aussi très consciente. Mais en tant qu’aumônière d’aéroport, elle se doit de gérer du mieux qu’elle peut les sujets délicats, et être avant tout présente pour toutes les personnes qui ont besoin de son soutien et de son aide. (cath.ch/kath/sl/rz)