La bienheureuse Elisabeth de la Trinité (1880-1906)  (photo domaine public)
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Elisabeth de la Trinité, illuminée par le soleil de Dieu

La canonisation d’Elisabeth de la Trinité le 16 octobre 2016, à Rome, illustre un paradoxe. Comment, à l’instar de sa quasi contemporaine sainte Thérèse de Lisieux, cette jeune religieuse carmélite cloîtrée, morte en 1906 à l’âge de 26 ans, a-t-elle pu avoir un rayonnement aussi intense bien au-delà des murs de son couvent de Dijon et de son époque?

«Elisabeth, explique la prieure actuelle du Carmel de Flavignerot, aux portes de Dijon, a été illuminée par le grand soleil de la présence de Dieu et elle l’a dit de mille façons. Ce n’était pas une théologienne, mais la Trinité, elle l’a vécue. Des générations de prêtres ont été formés avec sa prière à la Trinité. Elisabeth ne draine pas des foules à la manière de la petite Thérèse, mais beaucoup de gens, de toutes conditions, la prennent comme une amie».

Elisabeth Catez est née près de Bourges, le 18 juillet 1880. La famille s’installe à Dijon en 1882. La fillette révèle un très fort tempérament, colérique, doté d’une volonté inébranlable. Dès l’âge de sept ans, elle exprime première fois sa volonté d’être religieuse. Quelques mois plus tard, son père meurt subitement. Cette mort est l’événement le plus grave qu’elle ait vécu. Ce décès entraîne le déménagement de la famille. Elisabeth et sa sœur Marguerite sont alors éduquées par leur mère.

Sabeth, comme on la surnomme, reste marquée par un caractère turbulent. Elle commence le conservatoire de musique où elle se révèle être une enfant douée. Encouragée par sa mère, elle se montre très vite coquette, aimant porter des gants et des bijoux.

Premiers appels

En 1891, elle fait sa première communion. La supérieure du Carmel lui offre alors une  image avec l’explication de son prénom, Elisabeth, c’est-à-dire «Maison de Dieu». Elle en fera la trame de sa vie spirituelle. A l’âge de 14 ans, elle ressent toujours plus fortement l’appel à se consacrer à Dieu, et fait alors vœu de chasteté. Elle désire entrer au Carmel, qu’elle observe du balcon de sa chambre. Sa mère n’est cependant pas convaincue de sa vocation et pousse discrètement sa fille à découvrir la vie mondaine de l’époque. Elle se montre brillante en musique au point d’obtenir le premier prix du conservatoire à l’âge de 13 ans. Elle participe aux soirées où on lui demande de jouer au piano, art dans lequel elle excelle.

Dans le même temps, elle participe aux activités de la paroisse: elle enseigne le catéchisme, participe à la chorale, entraîne des jeunes à l’église pendant le mois de Marie. Elle passe souvent les vacances en montagne dans les Pyrénées, le Jura, les Vosges, les Alpes suisses ou au bord de mer. A l’âge de 18 ans, elle commence à écrire un journal de vie. Elle y montre son goût prononcé pour la montagne, mais aussi pour les belles robes. Cette période de sa vie est aussi marquée par une lutte contre son tempérament emporté. Elle note quotidiennement dans son journal ses victoires et ses défaites.

Alors qu’Elisabeth avait à de nombreuses reprises fait part à sa mère, de sa volonté de devenir carmélite, celle-ci lui propose de se marier à un bon parti. Elisabeth lui répond en réaffirmant sa volonté d’entrer au Carmel, et sa mère l’autorise finalement à rencontrer la supérieure du couvent.

Découverte de Thérèse d’Avila

Au plan spirituel, Elisabeth découvre une nouvelle façon de faire oraison. Elle est très touchée par la phrase de Thérèse d’Avila «Il faut me chercher en toi». Elle visite régulièrement le Carmel de Dijon, et rencontre un dominicain, le Père Vallée, qui la rassure sur ses élans mystiques. En 1899, la mère d’Elisabeth accepte que sa fille entre au monastère lorsqu’elle sera majeure. Elle rencontre alors régulièrement Mère Marie de Jésus, supérieure du Carmel, qui l’aide et lui sert de directrice spirituelle jusqu’à son entrée au couvent.

Elle entre au Carmel de Dijon en 1901. Le début de son noviciat est marqué par des grâces sensibles, et Elisabeth se montre joyeuse. Dans ses lettres à ses proches, elle affirme être accueillie et soignée «comme un bébé». Elle montre son amour du silence du Carmel, qu’elle considère comme être «seule avec le Seul».

Angoisses et doutes

Cette période n’est cependant pas sans angoisse à cause de la politique anticléricale du gouvernement du ‘Père Combes’. Elisabeth demandera même à sa mère de lui envoyer un habit civil en cas d’exil forcé des sœurs. Le 8 décembre 1901, elle fait sa profession temporaire, elle prend l’habit et reçoit son nom de religieuse d’Elisabeth de la Trinité.

Peu après, elle connaît une période beaucoup plus aride de doutes, d’impuissance, et de lassitude. Elle découvre les écrits d’une petite carmélite morte à l’âge de 24 ans, quatre ans auparavant, Thérèse de Lisieux, qui la marquent profondément. Ce n’est qu’à la veille de sa profession perpétuelle, le 21 janvier 1903, qu’elle parvient à dissiper ses doutes.

«La vie d’une carmélite, c’est une communion à Dieu du matin au soir et du soir au matin. S’Il ne remplissait pas nos cellules et nos cloîtres, comme ce serait vide !» écrit-elle à ses amies. «Mais à travers tout nous Le voyons, car nous Le portons en nous et notre vie est un ciel anticipé.» Le 21 novembre 1904, lors de la fête de la Présentation de Marie au Temple, Elisabeth écrit d’une seule traite une prière qui deviendra le symbole de sa spiritualité Ô mon Dieu, Trinité que j’adore. Pendant ses années de Carmel, Elisabeth écrit de nombreuses lettres, ainsi que des poèmes et des écrits spirituels.

Maladie et mort

En 1906, pendant le Carême, elle a les premiers symptômes de la maladie d’Addison, une insuffisance surrénalienne. Le 19 mars 1906, elle entre à l’infirmerie, où elle continue à écrire alors que sa maladie progresse. Les médecins sont impuissants, car il n’existe pas de médicaments à l’époque. Sa maladie est l’occasion pour Elisabeth de s’identifier au Christ crucifié. La mère supérieure lui demande d’écrire une retraite sur le thème de la «Louange de Gloire». Au cours du mois d’octobre 1906, la maladie empire. A la Toussaint, Elisabeth reçoit une dernière fois la communion. Elle meurt après neuf jours d’agonie, le 9 novembre 1906. Elle a seulement 26 ans.

Reconnaissance de l’Église

À la mort d’Elisabeth, Mère Germaine, supérieure du Carmel de Dijon, décide de publier une circulaire, petite biographie de quatorze pages, diffusée aux différents carmels. Cette circulaire est très vite épuisée. Mère Germaine décide alors de publier un livre sur Elisabeth intitulé «Souvenirs». Publié en 1909 à 1’500 exemplaires, il connaît de nombreuses rééditions et compte plus de 100’000 exemplaires en 1956.

En 1931, le dominicain Marie-Michel Philipon décide de consacrer sa thèse de théologie à Elisabeth de la Trinité. La publication du livre du Père Philipon, qui compte quinze éditions et est traduit en neuf langues, contribue à répandre la richesse mystique de la jeune carmélite. Le grand théologien suisse Hans Urs von Balthasar lui consacre également un ouvrage.

En 1931, l’évêque de Dijon ouvre un procès de béatification d’Elisabeth de la Trinité. L’évêché rassemble alors tous ses écrits, qui sont transcrits par quatre sœurs du Carmel. Elisabeth de la Trinité est béatifiée le 25 novembre 1984 par le pape Jean Paul II. La bienheureuse est fêtée le 9 novembre.  (cath.ch-apic/mp)

La bienheureuse Elisabeth de la Trinité (1880-1906) (photo domaine public)
13 octobre 2016 | 14:52
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 5  min.
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