Egypte: les «non-monothéistes» privés de cimetière
Les autorités égyptiennes, suivant un avis du Grand Imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayyeb, ont refusé d’octroyer des places dans les cimetières aux personnes n’appartenant pas aux trois grandes religions monothéistes (islam, christianisme et judaïsme). La décision a suscité l’inquiétude de l’organisation Christian Solidarity Worldwide (CSW).
Ahmed el-Tayyeb, l’une des plus grandes autorités de l’islam sunnite, avait été sollicité en juin 2021 par le gouverneur d’Alexandrie pour se prononcer sur la conformité religieuse de l’attribution de parcelles funéraires à des non-musulmans, des non-chrétiens et des non-juifs. Car la constitution égyptienne ne reconnait que les trois religions monothéistes.
L’Egypte compte une minorité d’autres appartenances, tels que les Ahmadis (une secte réformiste musulmane), les baha’is, les humanistes et les athées.
Dans sa réponse, le cheikh a déclaré que ceux qui n’appartiennent pas à l’une de ces trois religions ne peuvent pas disposer d’un lieu de sépulture propre. Leur octroyer un cimetière séparé de ceux des autres religions provoquerait la division et la discrimination des Egyptiens, a-t-il estimé.
Des ONG alarmées
Sur la base de cet avis, le gouvernorat d’Alexandrie a refusé l’affectation de parcelles aux personnes considérées comme appartenant à la quatrième catégorie religieuse du pays. L’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (IEDP), une ONG affiliée à la Fédération internationale des droits humains (FIDH), a saisi le tribunal administratif d’Alexandrie pour renverser la décision. Une requête jugée irrecevable par l’instance, le 27 décembre 2021. L’IEDP a contesté le jugement et a interjeté appel auprès de la Cour suprême administrative, la plus haute instance judiciaire d’Egypte. Dans un communiqué, l’ONG a rappelé que du milieu du 19e siècle à la fin des années 1960, des cimetières dédiés aux non-croyants ont existé en Egypte.
Pour sa part, Christian Solidarity Worldwide (CSW), une ONG chrétienne basée à Londres, s’est dite «profondément préoccupée» par la décision des autorités et du tribunal. Elle pourrait, selon CSW, avoir «un grave impact» sur la vie des Egyptiens appartenant aux groupes non reconnus. L’ONG demande que la décision soit annulée, et que le gouvernement «mette fin à toutes les pratiques discriminatoires qui font du tort à l’engagement personnel du président Sissi à lutter contre le sectarisme et la discrimination religieuse». Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, a, depuis son élection en 2014, favorisé la liberté religieuse dans le pays, en régularisant notamment nombre de lieux de culte chrétiens. (cath.ch/ibc/com/rz)