Eglises: ces petits vols qui coûtent si cher
Les églises de Collombey et Muraz (VS) subissent des vols depuis plusieurs mois. Elles ne sont pas les seules touchées dans la région. Assez courants, ces petits larcins cumulés représentent, au final, un préjudice non négligeable. Ils posent aussi la question de la fermeture des églises la journée.
«Les vols étaient jusque là passés inaperçus. C’est le Conseil de gestion qui m’a alerté sur la forte baisse des recettes des lumignons ces derniers mois», explique l’abbé Jérôme Hauswirth, curé des paroisses valaisannes de Collombey et Muraz. Les troncs des tables d’offrandes des églises ainsi que de la chapelle d’Illarsaz ont été régulièrement volés depuis des mois. Récemment des troncs ont été forcés et des cadenas brisés. L’abbé Hauswirth n’est pas le seul concerné dans la région.
Alors qu’il priait dans l’église, le Père Yves Frémont, curé d’Aigle (VD), a surpris deux hommes en flagrant délit de vol, il y a environ trois semaines. Une autre paroisse fait également l’objet de vols aussi discrets que réguliers depuis un an. Là aussi le différentiel des recettes des lumignons a donné l’alerte. Le curé, qui tient à garder l’anonymat tant que l’affaire ne sera pas éclaircie, est étonné de l’absence de traces d’effraction.
Des outils sophistiqués
Ce n’est en revanche pas le cas de Claude Masserey, un vendeur de cierges et de fournitures liturgiques pour les églises, basé à Sion. Il travaille dans les cantons du Valais, de Vaud et de Genève. Bon connaisseur du terrain paroissial romand, il évoque, presque blasé, les astuces des voleurs pour ne pas laisser de traces. «Ils n’ont pas de ces gadgets qu’on voit dans les films. Ils font preuve d’un certain génie pour fabriquer des outils sophistiqués avec du matériel acheté dans des grandes surfaces de bricolage», détaille le Sédunois. Il évoque les outils classiques détournés de leur fonction première et même du matériel chirurgical modifié. «Certains n’hésitent pas à sortir les tables d’offrandes et à passer derrière l’église pour les forcer en toute tranquillité, à l’abri des regards».
Un phénomène répandu
Le cas de Collombey-Muraz n’est de loin pas isolé. «Ces cinq dernières années, sur les trois cantons où je travaille, je suis intervenu suite à des vols dans une cinquantaine de paroisses «. Pour Claude Masserey, le phénomène est répandu. Il cite les voleurs de passage qui ramassent tout ce qu’ils peuvent sans s’attarder dans les zones où ils opèrent. Les toxicomanes qui doivent se procurer de la drogue et qui occasionnent beaucoup de dégâts. Le voleur régulier enfin, qui subtilise de petites sommes mais régulièrement et dans plusieurs églises. «Certains opèrent à deux. Le premier, muni d’un natel, fait le guet à l’extérieur pendant que le second vide le tronc. En cas de passage, il donne l’alerte à son complice», explique Claude Masserey.
Les églises situées dans les zones rurales ou dans les vallées reculées sont des cibles de choix pour les cambrioleurs. Ils sont sûrs de ne pas être dérangés. Interrogé sur des vols possibles dans l’église, le curé de Monthey ne connaît pas le problème de son confrère de Collombey-Muraz. L’église, située au centre-ville, connaît une fréquentation régulière toute la journée. «Le risque est quasi nul dans les grandes agglomérations où, en plus du passage, on rencontre souvent une personne qui assure une permanence d’accueil», précise Claude Masserey.
Petits vols et grands frais
Ces larcins empoisonnent la vie des paroisses. Les réparations du mobilier endommagé par les voleurs indélicats se chiffrent à plusieurs centaines de francs, quand le montant moyen du vol ne dépasse guère les 20 francs. L’abbé Hauswirth a décidé de porter plainte. Sur la durée, le préjudice subi par la paroisse représente au moins 3’000 francs, estime-t-il.
L’absence de traces d’effraction peut également engendrer la suspicion au sein des paroisses. Mais Claude Masserey est catégorique: même s’il a parfois eu vent d’affaires impliquant une complicité interne, la quasi totalité des vols sont commis par des personnes de l’extérieur. Ce qui rend ces affaires difficiles à élucider. D’autant plus que les paroisses ne portent pas toujours plainte.
En l’absence de statistiques, il est difficile de faire une estimation précise, mais l’ensemble de ces petits larcins représente au final plusieurs milliers de francs dérobés aux paroisses valaisannes chaque année. Un préjudice auquel s’ajoutent les frais de réparation. Un tronc à refaire peut coûter jusqu’à 900 francs. Une table d’offrandes entre 300 et 700 francs, avec les troncs incorporés.
Eloigner l’argent
«Pour décourager les voleurs, j’incite les curés à mettre des affichettes indiquant que les troncs sont vidés chaque jour… et à le faire!», relève Claude Masserey. Le spécialiste reconnaît qu’il n’y a pas d’installation sûre à 100%. L’idée est d’éloigner l’argent des cambrioleurs et de leur compliquer la tâche en réduisant les fentes des troncs au minimum, en renforçant les serrures ou en posant des «chicanes» métalliques internes.
Certaines églises sont équipées des toboggans installés dans les troncs muraux. Ces glissières permettent d’évacuer la monnaie vers la sacristie voisine ou dans le sous-sol. «Cela empêchera le vol mais pas l’effraction», admet Claude Masserey. Il reste une option: fermer les églises la journée.
Ce que refuse catégoriquement le curé de Collombey. «Il faut laisser les églises ouvertes. En les fermant, nous les empêchons de jouer leur rôle», lance-t-il en ajoutant que les fidèles devraient passer plus souvent pour prier et profiter de leur église. La prière serait en somme le meilleur des antivols. (cath.ch/bh)