Ecône: la dépouille de Mgr Marcel Lefebvre transférée le 24 septembre
La dépouille de Mgr Marcel Lefebvre (1905-1991), fondateur du séminaire traditionaliste Saint-Pie X à Ecône (VS), qui repose dans le caveau du séminaire, sera transférée dans l’église adjacente le 24 septembre 2020. Un mouvement décidé par l’abbé Davide Pagliarani, supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Des théologiens catholiques critiquent cette action.
Jacques Berset, cath.ch, avec Raphael Rauch, kath.ch
Le transfert dans la crypte de l’église du Cœur Immaculé de Marie va être mis sur pied à la suite du vœu du Chapitre général de 2018. La FSSPX espère que cela «favorisera l’accès au tombeau du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, en le mettant à l’honneur».
«C’est un lieu plus digne pour un évêque», affirme l’abbé Christian Thouvenot, secrétaire général de la FSSPX. «Chaque jour des gens viennent visiter le tombeau. De quelques dizaines à plusieurs centaines», affirme-t-il.
Conception incomplète de la tradition
La Fraternité espère attirer une foule de sympathisants à Ecône à cette occasion – «le plus grand nombre de prêtres, de frères et de religieuses» -, qui sera également la célébration du jubilé de l’ouverture d’Ecône. Le 5 octobre 2019, à Fribourg, le séminaire Saint-Pie X fêtait les 50 ans de sa fondation.
Sur la dalle du tombeau de Lefebvre figurent les mots «Tradidi quod et accepi» : «J’ai transmis ce que j’ai moi-même reçu» (1 Co. 11, 23), selon les mots de saint Paul. Pour la théologienne Eva-Maria Faber, qui enseigne la dogmatique et la théologie fondamentale à Coire, l’inscription du tombeau montre l’image traditionaliste que les membres de la FSSPX ont d’eux-mêmes. «Le pape Jean Paul II a reproché aux membres de la FSSPX d’avoir une conception incomplète et conflictuelle de la tradition», estime la théologienne d’origine allemande.
Le pape polonais affirmait sans ambiguïté que l’Eglise continuait de se développer «sous l’assistance de l’Esprit Saint». Mgr Lefebvre voyait les choses différemment et rejetait les réformes du Concile Vatican II, affirme-t-elle. La théologienne pense que les membres de la FSSPX veulent, par cette action, plutôt valoriser la personne de l’évêque schismatique et consolider le schisme plutôt que provoquer un rapprochement progressif, pour lequel il y a eu plusieurs tentatives ces dernières années».
«L’église d’Ecône n’est pas une cathédrale»
Professeur de Sciences liturgiques à l’Université de Fribourg Martin Klöckener voit lui aussi d’un œil critique la réinhumation de l’évêque rebelle. De fait, les enterrements dans les églises sont aujourd’hui «seulement habituels pour les évêques dans leur cathédrale. L’église d’Ecône n’est pas une cathédrale…»
Ainsi, estime le théologien de Fribourg, la réinhumation est censée promouvoir la vénération de Mgr Lefebvre. «On ne peut pas parler de culte des saints, bien sûr, car le fondateur de la FSSPX n’est pas un saint de l’Eglise, pas même parmi les schismatiques. Mais ce n’est un secret pour personne qu’il est vénéré comme un saint par ses disciples».
Vénéré comme un saint par ses disciples
Lors des funérailles de Mgr Lefebvre, en 1991, l’abbé allemand Franz Schmidberger avait demandé la béatification de l’évêque rebelle, excommunié latæ sententiæ, c’est-à-dire automatiquement, pour avoir ordonné quatre évêques traditionalistes sans l’aval de Rome le 30 juin 1988 à Ecône. Eva-Maria Faber voit cette réinhumation comme une alternative «à la déclaration formelle d’une personne comme bienheureuse ou sainte», pour laquelle il n’existe toujours pas de procédure officielle au sein de la FSSPX en raison du schisme.
Adieux discrets du nonce
Les funérailles de Mgr Lefebvre étaient déjà un événement politique: les partisans du traditionalisme étaient venus du monde entier, mais ni le Vatican ni l’Eglise catholique de Suisse n’étaient représentés à la cérémonie, comme l’avait indiqué à l’époque le quotidien alémanique NZZ.
Cependant, note kath.ch, un adieu discret avait eu lieu quelques jours auparavant: Mgr Edoardo Rovida, nonce apostolique à Berne, et l’évêque de Sion, Mgr Henri Schwery, avaient fait leurs adieux au prélat rebelle dans la chapelle du séminaire d’Ecône. Mgr Schwery avait eu pour mission de servir de médiateur entre Rome et Ecône.
Changement de cap sous le pape François
Les relations entre le Vatican et la FSSPX ont évolué différemment ces dernières années. Sous le pape Benoît XVI, il y a eu des tentatives de rapprochement. Cependant, le pape François a dissous la commission «Ecclesia Dei» responsable des relations avec la FSSPX. Il a confié cette tâche à la Congrégation pour la doctrine de la foi. (cath.ch/kath.ch/com/be)
Vent debout contre les «tendances modernistes
«Né dans le nord de la France, à Tourcoing, le 29 novembre 1905, ancien archevêque de Dakar, Marcel Lefebvre fut délégué apostolique du Saint-Siège pour l’Afrique francophone, premier archevêque de Dakar et supérieur général de la congrégation du Saint-Esprit (spiritains). Il décéda le 25 mars 1991 à l’hôpital de Martigny (VS).A l’occasion du Concile Vatican II, se proclamant «champion de la tradition», il combattit les «tendances modernistes» de la grande majorité des pères conciliaires en fondant avec d’autres prélats un groupe conservateur, le Coetus Internationalis Patrum.Mgr Lefebvre, fustigeant les «tendances progressistes» qui s’étaient imposées au Concile, s’opposa avec vigueur au concept de liberté religieuse, à la collégialité épiscopale et à la nouvelle vision des relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes.Le 31 mai 1968, cinq amis rachetaient la maison d’Ecône aux Chanoines du Grand-Saint-Bernard en affirmant vouloir en préserver la vocation religieuse. Deux ans plus tard, Mgr Lefebvre y installait la première année du désormais «séminaire Saint-Pie X» d’Ecône. JB