Dominique de Buman à Caritas Fribourg: ne pas s'en prendre aux plus faibles!
C’est le futur pape Paul VI qui a donné l’impulsion à la fondation de la Caritas Internationalis et «son enseignement social est durable», a rappelé Dominique de Buman. Le président du Conseil national était l’hôte d’honneur de l’assemblée générale 2018 de Caritas Fribourg, qui fête cette année son 75e anniversaire.
En présence d’une bonne cinquantaine de personnes réunies dans la salle du Musée Gutenberg, le premier citoyen du pays a évoqué l’état des débats aux chambres fédérales sur la nécessaire révision de la loi sur les prestations complémentaires (PC) à l’AVS et à l’AI. S’adressant aux représentants de la Corporation ecclésiastique catholique, des paroisses, des congrégations religieuses, des Conférences St-Vincent de Paul, et aux sympathisants de l’œuvre d’entraide catholique, il a dressé un bilan des travaux des parlementaires.
Une réforme nécessaire
Le coût des PC, pris en charge à 30% par la Confédération et à 70% par les cantons, a explosé ces dernières années, passant de 3,2 milliards de francs en 2007, à 4,5 milliards en 2013. Sans modifications, ce sera plus de 7 milliards en 2030!
Certains bénéficiaires des PC profitent en l’état actuel d’un «effet d’aubaine», entraînant des effets pervers, relève-t-il. Ainsi il arrive que des familles, en particulier, reçoivent des contributions dont le montant est nettement plus élevé que celui du revenu issu de leur activité lucrative antérieure. S’il faut bien «séparer le bon grain de l’ivraie», il ne faut cependant pas aller trop loin, affirme le démocrate-chrétien fribourgeois.
Attention aux risques de dérapages…
Si au Conseil des Etats, la majorité est plutôt centriste, le Conseil national est beaucoup plus à droite: les parlementaires UDC, libéraux-radicaux et même certains démocrates-chrétiens sont partisans d’un fort durcissement de l’accès aux PC. «Toujours plus de contrôles, toujours plus de bureaucratie ! Attention aux risques de dérapages… La diminution des rentes pour les enfants, par exemple, serait à coup sûr un motif de référendum!».
Pour Dominique de Buman, pas question de devenir trop dur à l’égard des plus faibles, alors qu’un nombre croissant de personnes vivant en Suisse sont déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Il faut aussi éviter de transférer une partie des coûts des PC sur le dos de l’aide sociale…
«Notre économie va bien, mais…»
Autre invité d’honneur à cette assemblée générale, Markus Ith, président du Grand Conseil fribourgeois, a vivement remercié les 17 collaborateurs de Caritas Fribourg et la centaine de bénévoles qui leur prêtent main forte dans le canton. «Notre économie va bien, a lancé le député libéral-radical de Morat, mais a-t-elle a encore des postes de travail pour tous ?» Une situation qui devient de plus en plus difficile pour les personnes sans grande formation à l’heure de la digitalisation et de l’exigence croissante de diplômes académiques.
Caritas Fribourg constate que dans le canton, la précarité et l’endettement moyen augmentent. Le nombre de personnes en difficulté qui ont bénéficié des conseils et de l’appui des services de Caritas a plus que doublé entre 2010 et 2015, dépassant les 4’000 consultations en 2017.
La précarité augmente dans le canton
De plus en plus de personnes sont en effet confrontées à des difficultés financières et sociales qui surgissent suite à des ruptures dans leur parcours professionnel, à des changements au sein de la famille (naissance, séparation, décès), à des problèmes de santé, à la précarisation des revenus, etc.
Sur près de 600 situations analysées l’an dernier par le Service de gestion de dettes et désendettement de Caritas, 288 ont été prises en charge. Ces familles nécessitant un soutien totalisaient plus de 24 millions de francs de dettes, dont 7,4 millions de dettes fiscales. «Quand on sait que l’endettement moyen de ces ménages était en 2017 de 85’000 francs pour un revenu mensuel moyen de 5’800 francs, ce n’est pas simple. Il y a généralement en face une dizaine de créanciers, parfois plus de 40, avec lesquels il faut trouver un accord…», note la responsable Joëlle Renevey. Caritas joue de plus en plus à cet égard un rôle d’observatoire et d’information pour le public et les responsables politiques.
De plus en plus de «working poors»
De plus en plus de «working poors», à savoir des personnes travaillant mais ne gagnant pas suffisamment pour faire vivre un ménage, font appel à Caritas Fribourg. «La majorité des usagers de notre service se trouvent dans un ménage dont le revenu provient principalement d’une activité professionnelle. Malheureusement, ce revenu est trop faible, soit à cause d’un taux d’emploi insuffisant, soit parce que le niveau de rémunération est trop faible», explique Anne-Pascale Collaud, responsable du Service de consultation et d’accompagnement social de Caritas Fribourg.
L’assistante sociale relève que le problème d’accès ou de maintien du logement, tout comme les questions de financement des soins médicaux et dentaires sont fréquemment à l’origine des demandes d’aide. Dans le canton, des personnes en situation de pauvreté renoncent même à se faire soigner pour des raisons financières, déplore l’œuvre d’entraide.
La problématique du logement est également au coeur des préoccupations du Service de désendettement, car l’accès au logement est très difficile pour les personnes endettées et qui ont des poursuites, cela indépendamment de leurs revenus. Cela concerne 23% des personnes suivies en 2017 par le Service.
Exercice déficitaire
Le résultat de l’exercice 2017 de Caritas Fribourg se solde par un déficit de près de 118’000 francs sur un montant total de charges de plus de 1,6 million de francs. «Notre association est cependant solide financièrement et nos fonds propres ont un niveau respectable», a précisé Diego Frieden, responsable des finances au sein du comité de Caritas Fribourg. Par rapport à 2015, la masse salariale a progressé de plus de 150’000 francs en raison d’engagements supplémentaires pour répondre aux besoins croissants de la population et aux nouvelles missions. Et de se réjouir que les dons (plus de 400’000 francs en 2017) soient en augmentation de 17%. «Cette évolution réjouissante devrait se confirmer en cette année jubilaire!»
«Caritas Fribourg a conclu à fin 2017 une phase d’investissement de deux ans et atteint son objectif de développement du Service de consultation et accompagnement social», note la directrice Petra Del Curto. «Investir dans la capacité d’apporter des solutions durables à la précarité a certes un coût, mais nous pouvons être fiers du travail accompli!», a-t-elle lancé.
Du nouveau au comité
L’assemblée a pris congé et vivement remercié l’avocat Jean-Luc Bettin pour le travail effectué lors de ses deux mandats au sein du comité, ainsi que Jean-Pierre Equey pour ses deux mandats de réviseur des comptes de l’association. Elle a élu au comité deux nouveaux membres, Albert Studer, conseiller en orientation et syndic de Saint-Ours, et Joël Gapany, directeur de la Haute école de travail social (HETS-FR) de Fribourg. L’assemblée générale a également reconduit au comité Jacques Berset, journaliste, et élu Martine Dénervaud réviseuse des comptes. Plus que jamais engagée dans la lutte contre la précarité, Caritas Fribourg fête ses 75 ans cette année et invite la population à participer aux événements organisés pour soutenir son action. Voir le détail des festivités sur son site: www.caritas-fribourg.ch/actualites/nos-actualites/collection-actualites/caritas-fribourg-2018-une-annee-jubilaire. (cath.ch/be)