Dominicains de Fribourg: le chant grégorien en version 2.0
Alexandre Frezzato et Stefan Ansinger, dominicains du couvent Saint-Hyacinthe de Fribourg, diffusent sur Youtube des pièces de chant grégorien, depuis novembre 2019. Avec l’idée initiale de faire profiter les autres communautés de leur travail. Contre toute attente, l’expérience connaît un bel engouement sur la toile.
«Au départ, avec mon confrère Stefan Ansinger, nous avions simplement l’idée d’enregistrer et de mettre à disposition sur le web des pièces de chant grégorien que nous avions déchiffrées, répétées et chantées aux offices. Avec ces vidéos, notre travail ne se perdait pas sitôt l’office achevé. Nous étions loin d’imaginer la tournure que l’expérience a prise», sourit Alexandre Frezzato, jeune dominicain et chantre au couvent Saint-Hyacinthe de Fribourg.
13’000 vues en un mois et demi
En un mois et demi leurs bibliothèque sonore a enregistré plus de 13’000 vues et plus de 1300 internautes, à travers le monde, se sont abonnés à la chaîne Youtube OPchant. Tout au plus s’attendaient-ils à quelques dizaines de vues, correspondant à la visite de passionnés, de spécialistes de la matière et, bien sûr, d’autres communautés dominicaines dans le monde.
«Parce que, précise le jeune Valaisan, nous interprétons le chant grégorien des dominicains, plus rapide et comportant moins d’ornements vocaux, en comparaison, par exemple, au grégorien des bénédictins». Les pièces grégoriennes dominicaines sont souvent plus sobres que les pièces romaines. Elles sont beaucoup plus simples et plus épurées que les pièces cisterciennes, qui sont plus anciennes que les nôtres et dont les dominicains se sont beaucoup inspirés.
Rite romain et variations mélodiques
Au début du 13ème siècle, les disciples de saint Dominique commencèrent peu à peu à constituer un répertoire de chants liturgiques qui fut ensuite standardisé au milieu du siècle et qui n’a cessé de se développer et de s’étendre au cours des huit siècles d’existence de l’Ordre. Ces chants dominicains partagent souvent leurs textes avec le rite romain plus large mais comportent souvent des variations mélodiques.
Après le développement initial du répertoire, le chant dominicain a connu des périodes de déclin et de renouveau, mais au cours des huit derniers siècles, le chant de l’Ordre des Prêcheurs a joué un rôle important dans la préservation de l’identité dominicaine au sein de l’Ordre.
Le projet est né au début du mois d’octobre dernier. Les deux compères ont bouclé leur premier enregistrement début novembre à Chalais, en France. Stefan Ansinger est bon connaisseur du chant grégorien, Alexandre Frezzato prend des cours depuis cinq ans avec une professeure de chant spécialiste du grégorien.
Des chapelles en guise de studio d’enregistrement
D’ailleurs la professeure de chant sera derrière la caméra pour diriger les deux dominicains lors de la prochaine séance d’enregistrement. En guise de studio, les duettistes réalisent les captations dans les chapelles de couvents ou d’abbayes.
«Dès le 20 décembre, nous enregistrons les chants d’entrée des messes de Noël au monastère des dominicaines d’Estavayer-Le-Lac: Les vigiles de la nativité, la messe de minuit, celle de l’aurore et la messe du jour». Les deux chantres ont aussi été accueillis – à bras ouverts – par les Sœurs de l’Abbaye de la Maigrauge, à Fribourg.
Le 17 décembre dernier, le duo a commencé à mettre en ligne les sept antiennes ‘O’ qui précèdent Noël. «Avec notre attirail de youtubers: Un appareil photo, un trépied et un micro, nous avons mis deux heures à enregistrer ces antiennes. Deux heures supplémentaires ont été nécessaires pour boucler les vidéos ‘prêtes à diffuser’». Le rythme liturgique sert de fil rouge aux deux dominicains. Pour l’instant.
Le chantre du couvent de Fribourg a en effet peaufiné le projet. «Nous avons l’idée d’enregistrer les chants d’entrée en 2020 – ce ne sera pas exhaustif – et les offertoires en 2021». La bibliothèque virtuelle s’enrichira de nouvelles pièces et constituera un retour aux sources pour les dominicains.
«Retrouver le patrimoine dominicain»
«Effectivement, estime Alexandre Frezzato, par ce projet, nous comblerons un fossé entre les générations. Nos frères aînés connaissent bien cette tradition musicale grégorienne, mais ils ne sont généralement pas aussi familiers que nous avec les nouveaux médias».
Ils enregistrent ces chants non seulement pour préserver et retrouver le patrimoine dominicain mais aussi pour les diffuser auprès de ceux qui ignorent l’existence de cet héritage, y compris les communautés dominicaines où la chaîne de transmission a pu être complètement interrompue.
«Quoi qu’il en soit, cet engouement nous motive à faire mieux. C’est sûr, on peut encore améliorer les détails. Nous avons en tout cas beaucoup de plaisir à chanter». Entre reconstitution du patrimoine musical et service aux autres, les deux dominicains ont joint l’agréable à l’utile. (cath.ch/bh)