DJ Padre Guilherme: «La techno peut amener les jeunes vers Dieu»
Le DJ et prêtre portugais «Guilherme» a mis le feu au dancefloor du Crossfire festival, le 8 juin 2024 à Belfaux (FR). La musique électronique est, selon lui, un «langage» privilégié pour parler de Dieu aux jeunes générations.
Grand sourire chaleureux, lunettes rondes, boule à zéro et col romain… le style de Guilherme Peixoto tient à la fois du prêtre et du DJ. Le Portugais s’est forgé une notoriété internationale en offrant à tous les pèlerins des JMJ de Lisbonne venus assister à la messe du pape un réveil en fanfare (ou plutôt en platines), le matin du 6 août 2023. cath.ch l’a rencontré à l’occasion du festival chrétien fribourgeois Crossfire.
Comment en êtes-vous venu à manier les platines?
Padre Guilherme: J’ai toujours aimé la musique électronique. J’en ai écouté beaucoup quand j’étais jeune. Au Portugal, nous avons une culture de cette musique. C’est un pays touristique, avec beaucoup de plages et de clubs, où les gens aiment faire la fête et danser, donc, pour nous, cette musique est assez naturelle. Au séminaire, j’étais dans un groupe scout. Notre routine, c’était de danser sur de la techno la nuit et de nous retrouver à la messe le matin.
«J’ai été un peu décontenancé par ce qu’il m’était demandé: réveiller les pèlerins à 7h du matin!»
En 2005, je suis arrivé dans une nouvelle communauté du diocèse de Braga (nord du Portugal). Il y avait pas mal de choses à rénover et à améliorer. Avec l’équipe pastorale, nous avons décidé d’organiser des soirées karaoke pour les jeunes. Entre deux chansons, j’ai pris l’habitude de mettre de la musique. Je me suis petit à petit pris au jeu. Et de fil en aiguille, j’ai commencé à être un peu connu dans la région. Je me suis perfectionné pendant des années, notamment en suivant des cours dans une école de DJ, à Porto. Des classes auxquelles j’assiste d’ailleurs encore aujourd’hui, parce que dans cet art, il y a toujours des évolutions, notamment technologiques.
Jusqu’à vous produire devant un million et demi de personnes, au Parque Tejo…
Oui, c’était incroyable. J’ai reçu l’invitation des organisateurs environ un mois et demi avant la date. Mais j’ai été un peu décontenancé par ce qu’il m’était demandé: réveiller les pèlerins à 7h du matin! Il faut bien comprendre qu’en tant que DJ, je travaille principalement le soir ou la nuit, et plutôt pour mettre de l’ambiance. La musique électronique est quelque chose de plus élaboré que ce que certains pensent. Il faut emmener les gens en voyage, faire passer un message précis. J’ai beaucoup réfléchi et travaillé à trouver la musique idéale pour ce moment.
Il fallait que ce soit assez puissant pour réveiller les personnes, mais pas trop agressif tout de même. Le message que je voulais faire passer était lié à ce qu’avait dit le pape sur les raisons pour participer aux JMJ. Pour cela, j’ai inclus, au début et à la fin, des phrases fortes de François durant son séjour. J’ai essayé de partager avec les jeunes la joie et la foi que je ressens.
Comment conjuguez-vous votre activité artistique avec votre ministère?
Je suis très occupé, c’est vrai. En plus d’être prêtre et DJ, je suis également aumônier militaire. J’officie dans trois bases militaires de ma région. Au début de mon activité, c’était difficile. Mais j’ai la chance d’avoir un évêque très compréhensif [ndlr Jose Manuel Garcia Cordeiro, évêque de Braga] qui me soutient. Je reçois ainsi beaucoup d’aide. J’ai une équipe qui m’assiste dans mon activité et mes déplacements, comme celui que j’ai fait à Belfaux. Il y a maintenant un second prêtre dans la paroisse. Il peut se charger, par exemple, d’un enterrement, si je dois faire une session de musique en même temps.
Vous avez aujourd’hui près de 900’000 followers sur Instagram, vous êtes passés sur de nombreuses télévisions du Globe, vous êtes invités dans plusieurs pays… Cette notoriété ne nuit-elle pas à votre paix intérieure?
De nombreux prêtres ont des activités artistiques, il y a des prêtres peintres, poètes, chanteurs… Je crois que l’important est de rester dans l’humilité. Mais je pense que nous sommes également tous appelés à mettre nos talents, quels qu’ils soient, au service de la diffusion du message évangélique.
Vous concevez donc votre musique comme une mission divine?
Lorsque j’ai commencé à faire de la musique, ce n’était pas en lien avec la foi. Mais ça l’est devenu lorsque j’ai compris le potentiel de la musique. J’ai réalisé la force des paroles du pape François quand il appelle à ne pas avoir peur de sortir de nos églises, d’aller porter Jésus dans les endroits où il n’est pas forcément.
Si je veux aller à un festival la Bible sous le bras, je pense que cela n’aura aucun effet. Pour aller à la rencontre des jeunes, il faut parler leur langage. Dans un festival, le langage, c’est la musique électronique.
«Beaucoup sont ouverts au message que je veux faire passer»
Et l’incroyable surprise, c’est que si l’on parle le langage des gens, les portes s’ouvrent. Je suis ainsi invité dans des endroits qui n’ont rien à voir avec l’Église. Mais il faut y aller en respectant les personnes, et en leur donnant quelque chose de qualité. Je ne veux pas être invité quelque part parce que je suis prêtre et que c’est ‘fun’, mais parce que je fais de la bonne musique.
Mais à quel point parvenez-vous à intéresser les jeunes à la foi chrétienne?
Je remarque en tout cas que beaucoup sont ouverts au message que je veux faire passer. Selon moi, la musique est une voie privilégiée pour amener à Dieu, et toutes les sortes de musique peuvent le faire. Mais la musique électronique permet de parler aux plus jeunes générations. Et parfois, pour ces personnes, c’est une première annonce de l’Évangile, parce que beaucoup d’entre elles n’ont jamais eu aucun lien avec l’Église. (cath.ch/rz)