Discriminations au Pakistan: lueurs d'espoir pour les catholiques
Les catholiques pakistanais, qui représentent environ 1,5% de la population, continuent à subir des discriminations et des persécutions. Certains décrivent pourtant une amélioration de la situation.
Les chrétiens constituent 3 % des 210 millions d’habitants du pays. Une moitié d’entre eux sont catholiques. Aux côtés d’autres communautés marginalisées, ils subissent quotidiennement des persécutions, rappelle Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Des témoignages émergent pourtant, qui donnent des lueurs d’espoir.
En 2008, le catholique Faisal Mushtaq a décidé de quitter sa ville natale de Sialkot, dans la province du Pendjab, pour chercher de meilleures opportunités professionnelles vers le sud, à Karachi. Ce père de famille de 32 ans travaille encore aujourd’hui dans la mégalopole, comme plombier et gardien. Il gagne 115 dollars par mois, soit moins que le salaire minimum officiel. Il empoche 80 dollars supplémentaires en lavant des voitures.
Amélioration dans les classes supérieures
S’il ne lui a jamais été facile d’être catholique dans un pays comme le Pakistan, il a appris à survivre et à se faire accepter par les musulmans locaux. «Bien que la plupart des gens soient accueillants, certains de mes collègues musulmans ne veulent pas manger ou boire avec moi», regrette-t-il. Tout d’abord choqué par cette attitude, il a fini par comprendre que, bien souvent, il n’est pas possible de changer la façon de penser des gens. Il relève également qu’à l’école, ses enfants sont moqués et harcelés. «Mais ils ont fini par s’y habituer, et les choses s’améliorent dans les classes supérieures», remarque-t-il.
Abandonner son identité?
«En grandissant à Karachi, je subissais la discrimination de mes professeurs, simplement parce que j’étais catholique», raconte Jennifer Michael, une étudiante de 22 ans. Les professeurs d’études islamiques et d’ourdou lui disaient d’aller étudier dans une école chrétienne. La situation lui pesait tellement qu’elle avait commencé à mettre en doute sa propre identité et à voir le fait d’être chrétienne comme quelque chose de mauvais. «Je voulais abandonner, mais ma famille m’a encouragé à aller de l’avant, à pratiquer ma foi sans avoir peur (…) En grandissant, j’ai rencontré moins de difficultés. Les gens sont devenus plus tolérants. Les amis et les professeurs que je rencontre à l’université me traitent à présent comme l’une des leurs.»
Discriminations pour l’emploi
Steve Watson, qui travaille dans une célèbre pâtisserie de Karachi, remarque que la plupart des accusations de blasphème ont eu lieu au Pendjab, au nord-est du pays. Il y a également eu des attaques terroristes contre des églises catholiques à Lahore, la capitale de cette province. «La vie n’a jamais été facile (à Karachi), mais cela ne m’a pas empêché de vivre en tant que catholique», assure Steve. Il dénonce les discriminations dans l’emploi public et dans l’attribution des logements sociaux.
Sunny Sameer, un développeur web de 30 ans vivant dans la même ville, salue la liberté religieuse qui lui permet de pratiquer sa foi. Il déplore cependant les menaces posées par les lois sur le blasphème. Ces lois, dont la transgression est souvent sanctionnée par la peine de mort, ont été utilisées de manière abusive afin de servir des intérêts personnels. Il s’inquiète ainsi que quelqu’un qui lui en voudrait ou qui envisagerait de s’approprier ses biens puisse essayer de le faire tuer avec de fausses accusations de blasphème.
«Le Pakistan que j’ai appris à aimer»
Sunny précise que les jeunes chrétiens ne sont pas forcément opposés aux lois sur le blasphème, mais ils veulent que leur manipulation soit contrôlée.
Pour le catholique, il y aura toujours des musulmans qui refuseront de partager leur repas avec des non musulmans. Mais il ajoute qu’il y a des musulmans qui traitent correctement les pratiquants d’autres religions.
Des tweets de Norbert J. Almeida, chroniqueur et militant pakistanais, ont attiré l’attention du public sur les aspects plus positifs des relations entre musulmans et non musulmans. Il a ainsi affirmé que l’immense majorité de ceux qui ont assisté à la messe d’enterrement de son père étaient des amis ou des collègues musulmans, alors qu’il s’agissait du premier jour de la fête de l’Aïd. «C’est le Pakistan que j’ai appris à aimer», témoigne-t-il, ajoutant qu’il espère que cet état d’esprit s’enracinera avec le temps. (cath.ch/eda/ucan/rz)