Le diacre, une réalité ecclésiale ancrée en Suisse romande
Le diaconat permanent s’est inscrit dans le paysage ecclésial romand depuis 40 ans: tel est le constat dressé à Fribourg le 15 janvier 2018 lors de la journée romande annuelle du diaconat. Une trentaine de diacres et des responsables diocésains ont dressé un bilan réjouissant du retour à ce ministère ancien et plaidé pour son inscription plus nette dans les structures d’Eglise.
Stéphane Défago, diacre valaisan ordonné en 2017, se trouve à table à midi avec Mgr Denis Theurillat, évêque auxiliaire de Bâle. «C’est simple, dit le Valaisan au Jurassien. Si j’étais dans votre diocèse, je ne serai pas diacre…». Un constat sur des réalités locales différentes, dans la même Suisse romande. A Sion, le diaconat est ouvert à tous, alors que dans le Jura pastoral, il est réservé aux seuls théologiens.
La journée romande du diaconat permanent, le 15 janvier 2018 à Fribourg, a fait le point sur ce ministère réintroduit par le concile Vatican II. L’état des lieux en Suisse romande a attiré une vingtaine de diacres et de futurs diacres, ainsi que des épouses, à la Cité St-Justin.
«Grand et beau ministère»
Pour Philippe Hugo, directeur du Centre catholique romand de formations en Eglise (CCRFE) et co-organisateur de la journée, «le diaconat se cherche encore. C’est un ministère plurimorphe, vécu de diverses manières». Les diacres ont partagé leurs expériences, stimulés par l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale à l’Uni de Fribourg, et par les responsables des trois diocèses romands. Les évêques auxiliaires Denis Theurillat, pour Bâle, et Alain de Raemy, pour Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), et le vicaire général Pierre-Yves Maillard, pour Sion, ont fait part de leur vision de ce ministère.
«La fonction de diacre n’est pas le degré le plus bas de la hiérarchie»
L’état des lieux a permis d’appréhender la réalité du diaconat. Le ministère diaconal a été remis à l’honneur notamment dans la constitution Lumen Gentium de Vatican II. A travers ses trois services (liturgie, proclamation de la Parole et charité), ce «grand et beau ministère», selon l’expression de Mgr Theurillat, a pris de l’ampleur. Dans le diocèse de Bâle, les diacres sont actuellement 128, ils sont 29 dans le diocèse LGF et 20 dans le diocèse de Sion.
Diacre et responsable de communauté
Les chiffres traduisent des réalités contrastées. Mgr Denis Theurillat a défendu les options de son diocèse, entraîné par «le visionnaire» Mgr Anton Hänggi, évêque de Bâle jusqu’en 1982. Une option à l’égard du diaconat permanent confirmée par Mgr Kurt Koch, pour qui «la fonction de diacre n’est pas le degré le plus bas de la hiérarchie, mais un ministère de base fondement de tous les services d’Eglise», précise Mgr Theurillat.
De fait, les diacres sont, pour deux tiers d’entre eux, responsables de communauté, «Gemeindeleiter» en allemand. Ce visage pastoral particulier, reconnaît l’évêque auxiliaire, peut occulter la mission du diacre. Cependant, dans les groupes de partage, les diacres jurassiens ont mis en exergue l’aspect convivial d’un ministère intégré dans une équipe pastorale, comme un «remède à la solitude des diacres».
Mgr Theurillat plaide, pour sa part, pour l’instauration d’un diaconat féminin, les textes magistériels ne s’opposant pas, selon lui, à cette ouverture.
Pour un conseil diaconal autour de l’évêque
Mgr Alain de Raemy a dressé, pour son diocèse aux quatre cantons, un tableau différent. Le diaconat permanent est davantage dans une tradition «à la française» dans laquelle le diacre garde sa profession et en vit. Pour l’évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, le diacre est comme «l’oreille et la bouche de l’évêque», soit un accompagnateur et un superviseur qui aide l’épiscope à exercer sa fonction.
«Le diacre n’est pas un demi-curé, ni un super-laïc»
Alain de Raemy défend donc l’idée d’un conseil diaconal, installé aux côtés de l’évêque au même titre que le conseil presbytéral. Cette proposition a été accueillie favorablement par les diacres présents, notamment par les plus anciens qui ont connu les élans initiaux et la léthargie postérieure, en raison des hésitations des évêques de leurs diocèses.
Un «projet diaconal»
Dans le diocèse de Sion, l’abbé Pierre-Yves Maillard parle d’«une situation apaisée» et d’«une complémentarité des ministères ordonnés». Pour plus de clarté, les directives diocésaines adoptées en 2011 précisent que le diacre «n’est pas un demi-curé, ni un super-laïc» et qu’il ne s’agit pas d’«une occupation pieuse pour jeunes retraités». Au contraire, ce ministère spécifique s’inscrit dans un «projet diaconal».
Les diacres du diocèse peuvent être en fonction pastorale, avec une formation plus poussée, ou en fonction professionnelle, lorsqu’ils gardent leur métier, avec des exigences de formation plus réduites.
Le diaconat est actuellement encouragé par Mgr Jean-Marie Lovey, malgré le peu de vocations, indique l’abbé Maillard. Ce dernier plaide pour un ministère ouvert, «sans fonctionnalisme», en lien avec la mission de l’évêque qui, au moment de son ordination, demande à Dieu des collaborateurs.
Culture de l’appel
Les interventions des responsables ecclésiaux ont permis de riches échanges. L’idée de créer un conseil diaconal pour le diocèse LGF a recueilli les suffrages, dans le sens d’une meilleure convivialité et d’un antidote à l’isolement du diacre. Le diocèse de Sion organise déjà, pour sa part, des rencontres régulières entre l’évêque et ses diacres permanents.
La Conférence des évêques devrait également se pencher sur le diaconat permanent, ont demandé les personnes présentes. Il serait opportun d’établir des directives nationales pour la Suisse. Et de favoriser, ainsi, une culture de l’appel pour ce ministère récemment redécouvert, au bénéfice de l’Eglise universelle. (cath.ch/bl)