Lucia Castro-Navia, coordinatrice transition écologique pour l'Église catholique Vaud, fait partie de l'équipe d'animation de Détox' la Terre | © Bernard Hallet
Suisse

Détox’ la Terre: décroître à l’extérieur pour croître à l’intérieur

Limiter la viande, renoncer à un voyage en avion, lâcher un peu son smartphone… Autant de manières de consommer moins et différemment proposées par la démarche œcuménique «Détox’ la Terre» pour le Carême 2025.

Pendant 40 jours, du 5 mars au 17 avril 2025, «Détox’ la Terre» invite, pour sa cinquième édition, à participer à un «jeûne» collectif sous le thème «croître-décroître». La Vaudoise Lucia Castro-Navia, coordinatrice transition écologique pour l’Église catholique Vaud, qui fait partie de l’équipe d’animation, explique à cath.ch les enjeux de la démarche.

Quelle est la réflexion derrière cette thématique «Croître-décroître»?
Lucia Castro-Navia: À Détox’, nous fondons nos propositions et nos activités sur l’analyse du réel, le constat de ce qui se passe autour de nous. Même si ce sont des choses connues, on peut observer que toute la population n’a pas une conscience encore assez aiguë de l’ampleur des problèmes écologiques. On sait en particulier que sept des neuf limites planétaires au-delà desquelles la vie sur Terre ne peut pas continuer durablement ont déjà été dépassées. Les raisons fondamentales en sont la surexploitation et la surconsommation. C’est pourquoi la consommation générale est appelée à fortement décroître si nous voulons assurer l’avenir de la planète.

Les limites planétaires sont les limites naturelles de notre planète. Si ces limites sont dépassées, l’équilibre de l’environnement est menacé. Il existe des limites dans neuf domaines: le changement climatique, la perte d’intégrité de la biosphère, la diminution de l’ozone stratosphérique, l’acidification des océans, le changement d’usage des sols, le changement du cycle de l’eau douce, la charge en aérosols atmosphériques, l’introduction d’entités nouvelles, la modification des cycles biogéochimiques. Les deux limites restantes, à savoir la diminution de la couche d’ozone stratosphérique et la charge en aérosols atmosphériques, n’ont pas encore été franchies à l’échelle mondiale, bien que des préoccupations subsistent quant à leur évolution. RZ

Concrètement, que proposez-vous?
Nous présentons une voie possible d’entrer dans cette démarche nécessaire de décroissance en consommant moins et différemment. C’est donc un jeûne «à choix» dans les domaines de l’alimentation, du logement, de la mobilité ou du numérique.

La personne est invitée à observer sa vie sous ses diverses dimensions. Elle va se demander quels sont ses besoins, de quoi elle veut/peut se passer pour la période de Carême. Certains auront peut-être à cœur de ne pas manger de viande, ou de n’en manger que trois fois par semaine, de baisser le chauffage, de faire plus de trajets à vélo ou en transports publics, de passer moins de temps devant les écrans…, il n’y a pas de standard, ce qui compte c’est de s’observer soi-même. C’est aussi l’occasion de revoir de façon plus durable nos habitudes de vie.

Dans une finalité également spirituelle…
Absolument. C’est le sens de «croître-décroître». Notre mode de consommation, souvent effréné, a tendance à prendre la place de notre monde intérieur. En diminuant les sollicitations extérieures, nous donnons l’opportunité à de belles choses de grandir en nous, la liberté intérieure, la joie, le partage…

Quelle est la place de la dimension œcuménique?
L’aspect œcuménique est très important. À Détox’, nous avons des participants catholiques, réformés et évangéliques. La plupart des groupes qui viennent sont œcuméniques. La démarche est ouverte à toutes les confessions.

Sur l’écologie intégrale, je pense que tous les chrétiens sont assez d’accord. Et chaque confession avec ses différents charismes peut apporter quelque chose à l’édifice. L’écologie peut ainsi être un point de connexion très intéressant, par lequel les membres des Églises apprennent à se connaître, à collaborer, et qui peut finalement amener à d’autres formes de rapprochement.

On entend dire que le monde catholique est quelque peu en retard dans le domaine écologique, en tout cas en Suisse romande.
Il est vrai que les réformés sont un peu en avance. Il y a un engagement institutionnel de plus longue date chez eux. Ils ont notamment depuis plusieurs années une coordinatrice pour l’écologie dans le canton de Vaud. Moi, je suis en place depuis août 2024. Les réformés sont en général de fait plus nombreux que les catholiques à Détox’. Pourquoi? Je n’ai pas la réponse et je ne veux pas faire de suppositions.

On a l’impression d’un essoufflement général de la conscience écologique. En Suisse, la votation du 9 février sur la responsabilité environnementale a notamment été largement rejetée. Ne craignez-vous pas de nager à contre-courant ou de prêcher dans le désert?
On peut être effectivement guetté par le découragement lorsque l’on voit que les choses ne bougent pas, voire reculent. Il y a actuellement des rejets assez forts de l’écologie. Mais je crois tout d’abord qu’il y a pour tout mouvement des hauts et des bas. La protection de l’environnement semble être actuellement au creux de la vague, mais j’ai espoir qu’elle remontera bientôt.

«L’écologie intégrale comprend une dimension intérieure, une exigence de conversion»

Quoiqu’il en soit, le Christ reste le maître de nos actions dans le monde. Il ne nous envoie pas pour voir les fleurs mais pour planter des graines. Lui-même n’a pas directement établi le Royaume de Dieu. J’aime voir l’Église comme un arbre dont l’écologie est une des branches. J’observe dans les paroisses que Laudato si’ a marqué les esprits, et que des bourgeons de conscience sont en train de pousser, même s’ils ne sont pas encore assez nombreux pour que l’on voie les fleurs.

Le jubilé actuel, qui prône l’espérance peut-il aider?
Certainement. Il faut d’abord se souvenir que l’écologie intégrale comprend une dimension intérieure, une exigence de conversion. C’est une manière de se sentir lié à l’environnement et à l’humanité, à rester dans l’espérance et la joie, même si le contexte est défavorable. (cath.ch/rz)

La démarche Détox’ la Terre a été lancée en 2021 par des jeunes du canton de Vaud issus des milieux évangéliques. Au départ destinée aux jeunes, elle accueille maintenant des personnes de tous âges. Une célébration œcuménique est prévue le 16 mars à 17h à l’église St-Laurent, à Lausanne.
Les partenaires sont l’Église catholique Vaud, L’Église évangélique réformée du canton de Vaud et la Fédération romande des Églises évangéliques (FREE). RZ

Lucia Castro-Navia, coordinatrice transition écologique pour l'Église catholique Vaud, fait partie de l'équipe d'animation de Détox' la Terre | © Bernard Hallet
5 mars 2025 | 07:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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