Des poupées traditionnelles pour une crèche japonaise

Cette crèche japonaise est la première du genre. Elle a été conceptualisée et créée par le Père Antoine de Monjour, prêtre pour les Missions étrangères de Paris (MEP) au Japon. Cette surprenante crèche est composée de poupées traditionnelles japonaises, dont l’origine remonte au 1^er siècle, adaptées pour la nativité.

Deux ans de travail ont été nécessaires pour conceptualiser et créer cette crèche ex nihilo. En effet, à l’exception des quelques églises et des locaux paroissiaux, où l’on trouve des crèches occidentales, la crèche n’existe pas au Japon. «Le pays compte environ 500’000 catholiques, soit 0,3% des 127 millions de Japonais», précise le Père Antoine de Monjour.
«Et Noël n’une pas une fête chrétienne», ajoute le missionnaire qui a exercé son ministère de 1992 à 2022, dans le diocèse de Saïtama, au nord de Tokyo.

Dès lors, comment imaginer une crèche japonaise au pays du shintoïsme? «Avec les fidèles de la paroisse de Kawagoe, dans la banlieue de Tokyo, nous avons pensé aux poupées traditionnelles de la ‘Hina matsuri’ (littéralement, la ‘fête des poupées’ qui est consacrée aux petites filles – voir encadré) pour représenter les personnages de la crèche».

Le missionnaire et ses paroissiens sont allés voir un fabriquant de poupées «Hina Matsuri» dont l’atelier est situé à Konosu, au nord de Tokyo. Cette petite ville dont l’artère principale s’appelle «rue des poupées», a de nombreux ateliers artisanaux dédiés à cette activité depuis l’époque Edo (1613-1865).

 «Evidemment, il a fallu expliquer à l’artisan, non chrétien, auquel nous avons commandé nos poupées ce que signifiait la crèche et la fête de Noël». La fabrication des 10 poupées exposées aux MEP a nécessité plusieurs mois de travail.

Ces poupées entièrement faites à la main représentaient à l’origine les personnages de la cour impériale. «Ce sont des œuvres d’art! La réalisation de la tête en bois par exemple, nécessite 14 opérations différentes et les habits, dont les poupées portent plusieurs couches, sont en soie». La facture de ces figurines a permis de les adapter pour la crèche. «En fait, la réflexion autour de l’adaptation de ces poupées a été le travail le plus long dans le processus.»

Une crèche à niveaux

Les personnages de la crèche sont exposés sur plusieurs niveaux, comme le veut la tradition de la «fête des poupées». Au sommet, le couple représente Joseph et Marie offrant Jésus au monde. Comme cela se faisait à la Renaissance, Jésus est déjà debout, presque adulte. Ici il ouvre ses bras à tous ceux qui viennent à lui. «En Asie de l’Est, nous avons aussi une représentation classique du Bouddha à sa naissance le montrant déjà debout faisant un pas dans les sept directions et prenant possession du monde, une main levée vers le ciel et l’autre tendue vers la terre.»

Au niveau intermédiaire, se trouvent les Mages. Trois, suivant la représentation traditionnelle, sous l’aspect de grands seigneurs magnifiquement habillés. Ils ont apporté leurs présents exposés devant eux. Un cheval richement harnaché rappel que ce sont des voyageurs venus de loin.

«Au niveau le plus bas, se tiennent ceux qui symbolisent le peuple: un jardinier, un musicien (acteurs et musiciens étaient souvent discriminés) et un balayeur. Ils n’ont rien d’autre à apporter que leur outil de travail». Le cheval nu symbolise les animaux de la ferme, précise le Père de Monjour.

«Vous aurez remarqué que tous les personnages sont tournés vers nous: après avoir présentés leurs hommages et ouvert leurs cadeaux à la Sainte Famille, ils se tournent vers le niveau inférieur pour l’accueillir, et donc vous accueillir!»

Derrière la Sainte Famille, le panneau traditionnel de cerisiers en fleurs a été remplacé par des pins sur fonds vert-gris perle qui rappelle que nous sommes en hiver. Les deux compositions en pot de pruneliers en fleurs annoncent le printemps à venir. (cath.ch/bh)

«Hina Matsuri»
Cette fête se déroule chaque année le 3 mars, jour consacré aux petites filles. Il s’agit de l’un des cinq festivals saisonniers au Japon. Quelques jours avant cette date, les familles exposent ces précieuses poupées posées sur des estrades en forme d’escalier sur plusieurs niveaux, de 2 à 7, voire bien plus suivant les moyens de la famille et l’espace disponible. Ces poupées artisanales, très chères – elles peuvent valoir jusqu’à plus de 400 francs –, se transmettent souvent de génération en génération qui complètent petit à petit la collection familiale. Habituellement exposées tout un mois elles sont ensuite rangées dans leur boîte faite sur mesure, jusqu’à l’année suivante.
«Hina matsuri» est une fête ancienne qui remonte à l’époque Heian (794-1185). A cette période, les nobles ont coutume d’offrir des poupées représentant les membres de la cour impériale de Kyoto.
Les deux poupées placées au centre représentent le couple impérial, elles sont au sommet de la hiérarchie. Elles sont souvent accompagnées de dames de cour et de musiciens, placés sur les marches inférieures. «La forme actuelle de ‘Hina matsuri’ remonte à l’époque Edo, au 17^e siècle. La tradition s’est popularisée à partir du 19^e siècle». BH

Comme chaque année, les MEP exposent des crèches du monde entier: de Thaïlande, de Birmanie, du Cambodge, du Vietnam, de Corée, de Madagascar, de Pologne… Avec des santons qui reflètent la grande diversité des visages humains. Parmi celles-ci, la crèche japonaise est à l’honneur cette année.
> Exposition «Crèches du monde»: jusqu’au au 7 janvier, du mardi au samedi de 10h à 18h. Fermé les 25 décembre et 1er janvier.
MEP: 128 rue du Bac, 7^e arrondissement.