Fribourg: Film et débat sur la peine de mort à l’Université
Des histoires de vie pour parler de la peine de mort
Fribourg, 6 octobre 2012 (Apic) Une septantaine de personnes ont assisté, vendredi soir 5 octobre à l’Université de Fribourg, à la soirée sur la peine de mort organisée par Lifespark, Amnesty International et l’ACAT-Suisse. Cette rencontre, organisée en prélude de la Journée mondiale contre la peine de mort du 10 octobre, a permis un débat très riche avec le public suite à la projection du film documentaire «Honk», en présence de son co-réalisateur Arnaud Gaillard.
Le film, projeté pour la première fois en Suisse, a suscité beaucoup de réactions de la part du public. «En général, les films sur la peine de mort se déroulent sur un cas, en montrant l’arrestation, le procès et parfois l’exécution. Je voulais que la peine de mort soit regardée comme un objet et que ce soient des histoires parallèles qui portent cet objet. On ne voulait pas raconter une seule histoire», explique le juriste et sociologue français Arnaud Gaillard, co-réalisateur de ce documentaire.
Trois personnages, trois destins
Arnaud Gaillard a également rédigé une enquête sur les couloirs de la mort aux Etats-Unis, dont il a tiré un livre (999. Au cœur des couloirs de la mort, Editions Max Milo, 2011). Avec le cinéaste Florent Vassault, il a sillonné certains Etats du Sud et a retenu de leurs rencontres trois personnages, trois destins, qui apparaîtront dans le film.
D’abord, la famille Kirk, qui se rend à l’exécution de la personne qui a tiré sur leur mari, père et grand-père. Trois générations de femmes qui vont assister à cette mise à mort avec, pour chacune d’entre elles, une motivation différente. «J’ai toujours voulu voir quelqu’un mourir», dit l’une des petites-filles.
Pas un film manichéen
Dans un autre lieu, Curtis, un ancien condamné à mort innocenté après 22 ans de prison, raconte l’histoire de ce camarade qui, le jour de son exécution, a tenté une overdose de médicaments. Amené à l’hôpital, l’homme a été soumis à un lavement d’estomac, ramené à son unité et exécuté quelques heures plus tard. «De tout ce que j’ai vécu en 20 ans dans le couloir de la mort, c’est la chose la plus bizarre, la plus absurde», se souvient Curtis.
Enfin, Golda, la mère d’un condamné à mort, vit recluse dans un vieux mobil-home afin de se trouver près de son fils, qui survit à Polunski Unit, le quartier des condamnés à mort du Texas. Cette mère s’interroge: «La prochaine fois que je pourrai le tenir dans mes bras, il sera mort. Comment peuvent-ils le justifier ?» Pour soutenir son fils, elle klaxonne tous les jours en passant devant la prison. Elle sait que son geste est vain, mais elle continue de klaxonner. C’est d’ailleurs elle qui donne son titre au film «Honk» (klaxonner en anglais).
«L’une des forces de ce documentaire est de montrer dans chaque séquence la souffrance des proches», réagit un spectateur. «C’est en effet une souffrance qui jaillit sur la société, on ne voulait pas être manichéen», abonde Arnaud Gaillard, On était amoureux de nos personnages, y compris des Kirk qui nous semblaient fous».
La hiérarchie catholique aux Etats-Unis est contre la peine de mort
Une autre séquence très forte, tournée dans une église baptiste texane durant un prêche pro-peine de mort, a suscité des questionnements. Selon la logique du pasteur, le maintien de la peine de mort justifie que, parfois, des innocents puissent être exécutés». «Mais alors, demande un spectateur, cela signifie-t-il que les églises sont pro-peine de mort ?».
Arnaud Gaillard relativise: «Dans ces églises des Etats du Sud, il est de bon ton d’être pour la peine de mort, surtout dans les campagnes. Ainsi, il est assez compliqué, notamment pour des prêtres catholiques dont la hiérarchie est abolitionniste, de s’impliquer contre la peine de mort, car ils savent qu’une partie de leurs fidèles est pour».
Néanmoins, le réalisateur reste optimiste. «La timidité abolitionniste tend à décroître, maintenant les abolitionnistes peuvent prendre la parole», explique-t-il.
En Californie, les électeurs vont voter en novembre sur une initiative visant à remplacer la peine de mort par la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle. L’Etat du Connecticut a récemment aboli la peine capitale. Une évolution positive en faveur de l’abolition, qui pourrait advenir plus tôt que prévu. (apic/hg/be)
Encadré
Cette année, la Coalition mondiale contre la peine de mort fête ses dix ans d’existence. Des progrès évidents ont été accomplis, indique-t-elle. Ainsi, 141 pays (plus de deux tiers) ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Plus précisément, 97 pays ont aboli la peine capitale pour tous les crimes; 8 pays l’ont abolie pour tous les crimes, sauf les crimes exceptionnels, tels que ceux commis en temps de guerre; 36 pays peuvent être considérés comme abolitionnistes, du fait que la peine de mort est toujours prévue par leur législation, mais ils n’ont procédé à aucune exécution depuis au moins dix ans. Néanmoins, 57 pays et territoires maintiennent la peine de mort et appliquent ce châtiment alors que 21 pays ont procédé à des exécutions en 2011 Les statistiques nationales officielles sur l’application de la peine capitale restent un secret d’Etat. Plusieurs milliers d’exécutions auraient eu lieu en 2011. (apic/com/be)