Des évêques français à Rome pour une session de travail sur les abus
Un deuxième groupe d’évêques de France est arrivé à Rome pour travailler les 15 et 16 mai 2023 sur le traitement des dossiers d’abus sexuels. Les évêques sont reçus le matin par le dicastère pour les Évêques et celui pour la Doctrine de la foi. Les deux après-midis sont notamment consacrés à l’étude de cas pratiques dans un but de prévention des abus.
Trois mois après la venue d’un premier groupe d’évêques français à Rome, une deuxième promotion est arrivée au Vatican pour une session de travail sur les abus dans l’Église. En juillet, un troisième et dernier groupe fera le déplacement. À ces visites participent aussi les administrateurs diocésains, ces prêtres chargés temporairement d’un diocèse en attente d’évêque.
Cette initiative singulière – aucune autre conférence épiscopale ne suit cette formule – a été pensée après la réception du rapport de la Ciase, en octobre 2021. En novembre de la même année, les évêques réunis à Lourdes avaient demandé au Saint-Siège d’envoyer une équipe de visiteurs afin d’évaluer les faiblesses ou défaillances institutionnelles dans le traitement des abus en France. Le Saint-Siège a entendu cette demande mais a préféré faire venir les évêques à Rome. Selon nos informations, de hauts responsables ont jugé que la situation française n’exigeait pas l’envoi de visiteurs.
Étude de cas pratiques
Ce lundi matin, le groupe d’une trentaine d’évêques a commencé sa visite en se rendant au dicastère pour les Évêques. Demain matin, ils iront au dicastère pour la Doctrine de la foi, où la section disciplinaire est chargée d’instruire les délits les plus graves commis par des prêtres. À chaque fois, ils doivent travailler par petits groupes sur des cas pratiques anonymisés. Puis vient le temps d’une restitution avec des officiaux de la Curie, une occasion de répondre aux questions soulevées durant les exercices et de corriger certains points.
Selon une source de la Conférence des évêques de France, il s’agit «d’asseoir des réflexes» en matière de traitement des cas. L’objectif est aussi que les évêques réalisent concrètement «ce qu’ils doivent attendre de Rome et ce qu’ils ne doivent pas en attendre» ainsi que d’identifier «les informations qu’ils doivent livrer au dicastère pour un meilleur traitement», explique la source.
Vos estis lux mundi comme référence
À la Doctrine de la foi, leurs travaux se basent sur le Vademecum publié en juillet 2020 par le dicastère, un texte qui précise les procédures à appliquer dans le cas d’abus sexuels commis par des clercs. Au dicastère pour les Évêques, c’est le Motu proprio Vos estis lux mundi qui fait office de document-cadre. Confirmé en 2023 par le pape François, ce texte est le fruit du sommet sur les abus de 2019. Il définit notamment la responsabilité des évêques et des supérieurs religieux en matière de lutte contre les abus.
Ces visites inédites, pilotées avec le concours du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la CEF – emmené par Mgr Mgr Thibault Verny -, se veut concret et efficace. Ces sessions se démarquent ainsi des visites ad limina, ces rencontres quinquennales durant lesquelles les évêques s’entretiennent avec le pape et font le tour des dicastères.
Pour une meilleure vigilance
Durant les après-midis, les évêques français se retrouvent entre eux pour travailler. Ce lundi, ils doivent plancher sur des cas pratiques élaborés par les chanceliers de diocèses de France censés les faire réfléchir sur la prévention des abus. Les chanceliers ont relevé dans des dossiers de prêtres déjà condamnés par la justice des «signaux faibles» qui auraient dû inciter l’autorité diocésaine à plus de prudence. L’analyse de ces dossiers par les évêques doivent leur permettre d’acquérir «un nouveau niveau de vigilance sur l’accompagnement de ces prêtres», abonde notre source. Le mardi après-midi sera consacré aux questions de diffusion de l’information dans le cadre de mesures conservatoires ou de sanctions prononcées.
Cette courte session romaine participe à la formation des évêques en matière de traitement des abus. Selon la CEF, chaque évêque nommé reçoit dès son installation un dossier comportant tous les documents réglementaires de la CEF, de l’État français et de Rome, pour accompagner les situations de révélation de violences et d’agressions sexuelles. Le Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la CEF organise aussi des sessions pour travailler ces documents. Lors de la première session romaine en février, «je n’ai pas vu d’évêques qui découvraient les documents», assure une source, qui précise qu’il s’agit d’offrir un espace pour faire remonter des questions légitimes de «compréhension et d’appréciation des situations».