Décès de Mgr Ivo Fürer, un évêque réformateur

Mgr Ivo Fürer, ancien évêque de Saint-Gall de 1995 à 2006, est décédé le 12 juillet 2022 à l’âge de 92 ans. Avec lui, l’Eglise catholique suisse perd une personnalité fortement marquée par le Concile Vatican II (1962-65).

Lorsque, le 28 mars 1995, le chapitre de la cathédrale l’a élu évêque de Saint-Gall, Ivo Fürer était déjà une personnalité très connue, non seulement en Suisse, mais aussi en Europe. La participation d’une quarantaine de cardinaux et d’évêques à son ordination épiscopale en a été le signe visible.

La plupart d’entre eux, comme le cardinal de Milan Carlo Maria Martini, qui avait prononcé l’homélie, ou l’évêque de Mayence Mgr Karl Lehmann, président de la Conférence épiscopale allemande, un des co-consécrateurs, ont été ses compagnons de route pendant de nombreuses années.

Le parcours d’Ivo Fürer révèle son important engagement pastoral: réformateur conciliaire, constructeur de réseaux en Eglise et pionnier de la réflexion théologique.

Ancré dans le concile Vatican II

Né le 20 avril 1930 à Gossau (SG), Ivo Fürer a étudié la théologie à Innsbruck, en Autriche, où il a été impressionné par Karl Rahner. En 1954, il a été ordonné prêtre du diocèse de Saint-Gall et en 1957, il a obtenu son doctorat en droit canonique à l’Université pontificale grégorienne de Rome. Deux ans plus tard, le pape Jean XXIII annonça le Concile Vatican II (1962-1965). Ce qui allait devenir l’événement le plus important de l’Eglise catholique au XXe siècle, a déterminé toute l’activité ecclésiale d’Ivo Fürer.

Le jeune Ivo Fürer a pris une part active au déroulement du Concile comme conseiller de l’évêque de Saint-Gall de l’époque, Mgr Joseph Hasler. Comme vicaire épiscopal, dès 1969, il a été chargé de la mise en œuvre des décisions conciliaires dans la vie pastorale locale. Une tâche qui, selon plusieurs observateurs, était taillée pour lui, grâce à sa profonde conviction que l’Eglise ne doit pas se fermer face aux changements de l’époque contemporaine et qu’elle a besoin d’une réforme constante.

Ivo Fürer a surtout été le «visage» et le moteur du Synode 72 des catholiques suisses (1972-1975), dans la préparation duquel il a joué un rôle décisif, ainsi que dans sa mise en œuvre et pour lequel il a su susciter beaucoup d’enthousiasme.

Dans son activité pastorale, il a utilisé avec détermination les possibilités offertes par le Concile pour annoncer l’Evangile de façon crédible et pour préparer l’Eglise à l’avenir, face aux défis d’une modernité où l’être chrétien ne va plus de soi. Il s’est aussi fortement engagé en faveur de l’œcuménisme dans son diocèse et dans toute la Suisse.

Secrétaire du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe

De 1977 à 1995, Ivo Fürer a été secrétaire général du Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE). Sur la base de l’expérience positive de l’époque conciliaire, cette institution internationale avait été instaurée en 1971, en tant que forum pour les évêques d’Europe. Le fait que le CCEE ait toujours son siège à Saint-Gall, malgré les réserves exprimées par le Saint-Siège, est en grande partie à mettre au crédit d’Ivo Fürer.

Dans sa tâche de secrétaire général, le saint-gallois a organisé de nombreuses rencontres des évêques d’Europe. Celle-ci ont servi notamment au renouveau interne de l’Eglise sur le Vieux continent et à la coopération entre les évêques dans la politique européenne. Mais ces réunions visaient aussi à garder un contact régulier avec les évêques du bloc communiste ainsi que à la construction d’un œcuménisme au niveau européen. Le premier «Rassemblement œcuménique européen», qui eût lieu à Bâle en 1989, fut particulièrement important.  

Evêque de St-Gall

En 1995, le chapitre cathédral de St-Gall l’élit comme 10e évêque du diocèse. Là aussi il sera réformateur et audacieux. Il choisit comme devise ›servir le peuple de Dieu’. Il a ordonné des «théologiens laïcs» comme diacres permanents pour la première fois en 1995, il a introduit l’âge de confirmation à 18 ans dans tout le diocèse. En raison du manque de prêtres, il a créé les premières Unités pastorales: une décision qui a rendu possible le travail en équipe dans les paroisses saint-galloises. A plusieurs reprises, il a aussi préconisé l’ordination d’hommes mariés «viri probati», en soulignant que l’Eucharistie est le centre de toute une communauté ecclésiale.

Il sera aussi un des premiers dès 2002 à prendre sérieusement en mains la question des abus sexuels dans l’Eglise, en mettant en place une commission spécialisée.

En 2005, la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg lui a décerné un doctorat honoris causa pour la qualité de son engagement.

Après son départ à la retraite en 2006, Ivo Fürer a poursuivi son engagement. Il est resté notamment président de l’Action de Carême. Il a été régulièrement présent dans les débats ecclésiaux et politiques suisses. En 2018, il avait rassemblé quelques-uns des ses nombreux souvenirs dans un livre. Retiré dans une résidence de personnes âgées à Gossau, il souffrait depuis quelques années de la maladie de Parkinson. (cath.ch/arch/mp)

Les funérailles de Mgr Ivo Fürer auront lieu le lundi 18 juillet à 10 heures à la cathédrale de Saint-Gall. Elles seront également diffusées en streaming. Le fidèles pourront rendre hommage au corps du défunt qui sera exposé dans le choeur de la cathédrale le 15 juillet de 9h à 18h. La crypte, dans laquelle Ivo Fürer sera inhumé, sera ouverte toute la journée du 23 juillet, ainsi qu’avant et après les messes dominicales du 24 juillet.

A la veille de son départ à la retraite en 2005, Mgr Ivo Fürer revenait longuement dans une interview à kipa-apic sur son rôle et ses convictions d’évêque.