De jeunes juifs, chrétiens et musulmans au-delà des murs
Bossey, 06.08.2015 (cath.ch-apic) «A la fois une découverte des autres religions et une profonde histoire d’amitié». C’est ainsi que Tsegahun, chrétien d’Afrique orientale, décrit son expérience au séminaire «Construire une communauté interreligieuse», au cours duquel 13 jeunes juifs, musulmans et chrétiens de 13 pays partagent et échangent sur leurs religions respectives, à l’Institut œcuménique de Bossey, près de Genève.
«J’ai discuté jusqu’à trois heures du matin avec une musulmane chiite. Une chose que je n’aurais jamais pensé faire un jour», confie à cath.ch Yonina, juive, du Moyen-Orient à l’instar de sa partenaire de dialogue. Le séminaire de Bossey permet en effet à ces jeunes de faire des expériences et des rencontres qui ne seront jamais envisageables pour beaucoup de leurs compatriotes. Tous les participants reconnaissent les avantages qu’offre le site du château de Bossey, où ils partagent leur quotidien pendant trois semaines. Le cadre, naturel et reposant, se prête à merveille, avec son cadre somptueux et reposant, à l’échange constructif, loin des tensions qui règnent dans beaucoup de leurs pays. «Ici, on se sent en sécurité. C’est un endroit idéal pour discuter et pour apprendre», assure Ali*, sunnite qui vient du Moyen-Orient.
Respect des sensibilités
A travers cours, ateliers, activités et visites, l’un des principaux objectifs du séminaire, qui a commencé le 27 juillet, est que les jeunes apprennent des autres religions abrahamiques. Ils participent notamment chaque jour à une session, au cours de laquelle trois passages de chacun des textes sacrés des trois religions est lu et commenté. Un moment de partage spirituel est également programmé le matin. Chaque participant présente aux autres la façon dont il prie. Des prières sont parfois prononcées en commun, mais uniquement sur des sujets généraux. Une pensée peut par exemple être lancée pour demander à Dieu la paix au Moyen-Orient. Mais «nous nous efforçons de ne brusquer aucune sensibilité religieuse», explique l’anglicane Clare Amos, directrice de programme pour le dialogue interreligieux et la coopération au Conseil œcuménique des Eglises (COE). La coalition d’Eglises organise l’événement depuis neuf ans, conjointement avec la Fondation pour l’Entre-connaissance, d’inspiration musulmane, et la fondation Racines et sources, d’inspiration judaïque, toutes trois basées à Genève. Le séminaire d’été prévoit également des visites d’une synagogue, d’une église et d’une mosquée.
Quand tombent les stéréotypes
Chaque édition s’articule sur un nouveau thème. Cette année, les discussions se sont axées sur la «richesse et la pauvreté». Les jeunes ont ainsi pu découvrir comment ces notions sont perçues dans les trois religions monothéistes. Le but premier est cependant toujours de faire en sorte que le pratiquant d’une religion abrahamique découvre les grands principes des deux autres, qui sont assez souvent méconnus. «Je ne pensais pas que les gens en savaient aussi peu sur le judaïsme», relève Mollie, une juive américaine. Tsegahun admet lui-aussi qu’avant de venir en Suisse, il en savait très peu sur l’islam et sur la religion juive. En général, ils découvrent avec ce processus, que les différences entre leurs croyances sont moins importantes que ce qu’ils avaient imaginé. «J’ai été étonné par tout ce que l’islam a en commun avec le christianisme et le judaïsme», souligne ainsi Ali*. Les participants notent aussi à quel point le fait d’être immergés avec des représentants des autres religions, élèvent leur capacité de compréhension de l’autre et de ses usages. Tsegahun affirme ainsi que tous les stéréotypes qu’il pouvait avoir sur les musulmans et les juifs se sont écroulés depuis qu’il a commencé le séminaire. Il comprend maintenant que les extrémistes qui répandent la violence dans le monde ne le font pas sur la base de leur propre foi, dont ils ignorent souvent les principes mêmes.
L’amitié par-delà les clivages
Hafid Ouardiri, directeur de la Fondation de l’Entre-connaissance rappelle l’objectif premier du séminaire, qui est de créer, au-delà des notions de nationalités et d’ethnicité, une véritable «communauté interreligieuse», une «dynamique spirituelle». Outre la compréhension intellectuelle, la création de liens affectifs entre les participants constitue également un pilier de la démarche de Bossey. «Notre objectif est qu’ils se quittent amis», relève le Père Lawrence Iwuamadi. Ce prêtre catholique nigérian a été envoyé par le Vatican pour coordonner le projet auprès du COE. «Nous souhaitons que les petites lumières que nous avons allumées grandiront», déclare le professeur d’herméneutique biblique. Tous les participants interrogés confirment à cath.ch que de fortes relations se créent et qu’ils ressentent déjà la déchirure du départ. «On vit ici des moments magiques», assure Mollie.
Des «multiplicateurs» de paix
Hafid Ouardiri espère que ces jeunes seront des «multiplicateurs», qu’ils apporteront, au sein de leur famille et au-delà, les fruits de leur expérience au séminaire. Des jeunes des sessions précédentes ont en tout cas déjà ouvert une page Facebook commune. Une participante mexicaine a également organisé dans son pays une conférence inspirée de son expérience suisse qui a attiré 200 personnes. «Nous, partenaires de la démarche, croyons fermement que les gens peuvent construire la paix à partir des valeurs inscrites au sein de leurs propres traditions religieuses», assure l’intellectuel musulman. (apic/rz)