Un débat passionné mais finalement tolérant en Europe

Danemark: Les luthériens danois prônent la liberté religieuse envers les musulmans

Copenhague, 3 avril 2000 (APIC) Les luthériens danois défendent la liberté de religion dans leur pays, mais ils ont parfois de la peine à entendre dans leurs villes l’appel à la prière des musulmans du haut du minaret. C’est ce qui ressort d’une enquête menée parmi les membres de l’Eglise sur leurs attitudes envers les autres religions.

Pour faciliter l’intégration progressive de la communauté musulmane qui ne cesse de s’agrandir, de nombreuses paroisses luthériennes ont mis en place des programmes non religieux qui incluent la participation de musulmans.

Ces résultats préliminaires découlent de la première grande étude sur l’attitude de l’Eglise luthérienne face à l’évolution rapide au Danemark d’une société multi-ethnique. Avec à peu près 100’000 membres, la communauté musulmane est plus forte que les communautés catholique romaine (28’000 membres) et juive (3’000 membres).

Environ 86% des cinq millions d’habitants appartiennent à l’Eglise évangélique luthérienne, officiellement reconnue dans la constitution comme l’Eglise du Danemark et soutenue par l’Etat. Mais la Constitution stipule aussi que tout citoyen a le droit de pratiquer sa propre religion. Traditionnellement, cela équivaut à dire qu’au Danemark il y a liberté de religion, mais non égalité des religions.

Cette étude suggère que les fidèles danois désirent maintenir le statut de leur Eglise – les cloches peuvent sonner le dimanche – mais ils préfèrent ne pas entendre l’appel à la prière des musulmans du haut des minarets.

Une vaste enquête

L’ethnographe Kristine Kaaber Pors, qui a effectué cette étude, a envoyé des questionnaires à tous les conseils de paroisses et mené des interviews poussées avec les responsables de certains de ces conseils. Elle a découvert que l’Eglise danoise n’avait pas mis en place beaucoup de programmes et activités destinés spécifiquement aux nouveaux habitants musulmans. La plupart de ces activités sont créées à l’intention des réfugiés des Balkans, alors qu’un grand nombre de travailleurs étrangers musulmans, venus notamment de Turquie et du Pakistan, se retrouvent livrés à eux-mêmes.

La plupart des activités pour immigrés se déroulent dans les paroisses de la ville et des banlieues de la capitale, Copenhague, et dans d’autres cités où la présence musulmane est forte, et ce sont principalement des programmes non religieux, comme les garderies d’enfants, et des boutiques de vêtements d’occasion. Les membres des conseils paroissiaux veillent à ne pas imposer leur religion à leurs voisins musulmans.

«Nous ne portons pas de croix de façon visible, mais nous voulons créer un esprit communautaire ouvert et un climat de fraternité», a déclaré un membre de l’Eglise luthérienne à Kristine Kaaber Pors. «C’est un travail missionnaire moderne dans notre contexte national.»

La religion, d’abord une affaire privée

En dépit de l’importance qu’ils accordent aux l’Eglises, les Danois considèrent généralement que la religion est une affaire privée. Même les membres pratiquants de l’Eglise luthérienne hésitent à parler publiquement de leurs croyances. Cette attitude explique en partie la réaction négative de certains secteurs de la société danoise devant l’afflux croissant de musulmans, dont un grand nombre affichent plus ouvertement leur foi.

La multiplication des communautés ethniques est en train de changer le profil de la société danoise, et provoque des réactions, dont certaines choquent de nombreux chrétiens. Le Parti populaire danois, que l’on compare parfois au Parti d’extrême-droite en Autriche, le «FPO», a obtenu le soutien de 15 % des électeurs, selon des sondages récents.

Le succès de ce Parti a conduit de nombreuses personnes à demander que l’Eglise fasse entendre sa voix dans le débat public sur l’immigration et l’islam. Des chrétiens voudraient que l’Eglise entame un dialogue plus direct avec la communauté musulmane.

Tolérance avant tout

«Nous ne pensons pas qu’il y aura compétition avec les musulmans, car nous nous sentons assez forts pour maintenir un dialogue dans les années à venir – et si nous ne sommes prêts, nous devons le devenir», a déclaré un conseiller de paroisse à Kristine Kaaber Pors.

Un autre lui a dit: «Si vous avez peur de musulmans, c’est que vous n’avez pas de convictions religieuses assez fortes». L’étude avait été ordonnée par les évêques luthériens danois qui ont mis en place un groupe de travail chargé de se pencher sur les relations avec la communauté musulmane.

Appel à la prière du haut du minaret

A Oslo, capitale de la Norvège, pour la première fois, les appels à la prière des musulmans peuvent être lancés du haut du minaret. Le Conseil municipal de Gamle, la vieille ville d’Oslo, où se trouve la mosquée de la communauté musulmane de la ville, a décidé d’autoriser l’appel à la prière des musulmans une fois par semaine, pendant deux ou trois minutes à midi chaque vendredi. La demande a été soumise au Conseil par la branche norvégienne de la Mission islamique mondiale.

Le Conseil a demandé que le son produit par l’appel, retransmis par haut-parleur, ne dépasse pas 60 décibels. La délivrance de cette autorisation a donné lieu à un débat passionné en Norvège. Un groupe – l’Association norvégienne des païens – a en effet compliqué le débat en demandant la permission de déclarer publiquement, à l’aide d’un mégaphone, «Dieu n’existe pas, venez à nos réunions.» Le Conseil municipal a accédé à cette demande, selon les mêmes conditions que celles posées à la Mission islamique mondiale. (apic/eni/bl/ba)

3 avril 2000 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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