Crise grecque : le pape estime que les responsabilités sont partagées
Rome, 13.07.2015 (cath.ch-apic) Dans l’avion qui le ramenait à Rome après son voyage de huit jours en Amérique latine, le pape François a assuré que les gouvernants grecs précédents avaient aussi leur responsabilité. Lors d’une conférence de presse, revenant sur son intervention devant des mouvements populaires en Bolivie, le pape a affirmé que le dialogue de l’Eglise avec ces mouvements n’était pas une option pour la voie anarchiste.
Le pape François a ainsi tenu, comme à son habitude, une conférence de presse d’une bonne heure, avec les journalistes présents à bord du vol papal, au moment de survoler le Brésil. Il a été interrogé à plusieurs reprises sur son discours majeur, tenu en Bolivie, pour clore la 2e Rencontre mondiale des mouvements populaires, en présence du président et ancien syndicaliste Evo Morales. Dans ce discours, le pape avait notamment critiqué les politiques d’austérité. Un passage qui avait fait penser à la situation actuelle de l’impasse grecque.
Le chef de l’Eglise catholique a alors assuré qu’il serait trop simple de dire que «la faute est seulement d’un côté. Les gouvernants grecs qui ont amené cette situation de dette internationale ont aussi une responsabilité». Le pape a alors souhaité que l’on trouve «une voie pour résoudre le problème grec, mais aussi une voie de surveillance pour que d’autres pays ne tombent pas dans le même problème, car cette voie des prêts et des dettes ne finit jamais».
L’Eglise ne choisit pas l’anarchie
Dans ce discours aux mouvements populaires, le pape avait aussi invité à changer de système face à une économie esclave de l’idole argent qui tue. Ces mouvements nombreux ne se sentent pas représentés par les syndicats, a tout d’abord expliqué le pape. «Car ils disent que les syndicats sont maintenant une corporation, et qu’ils ne luttent pas pour les droits des plus pauvres. Dès lors, s’est justifié le pontife, l’Eglise ne peut pas être indifférente, car elle a une doctrine sociale, et elle dialogue avec eux, et elle dialogue bien».
Cela ne veut pas dire que l’Eglise fait un choix pour la voie de l’anarchie, a voulu tempérer le pape. «Ces mouvements ne sont pas ceux d’anarchistes, a-t-il poursuivi, mais bien ceux de personnes qui travaillent avec les exclus». Le pape a encore assuré avoir fait un grand discours sur la doctrine de l’Eglise, appliqué à leur situation, et affirmé dire la même chose au monde de l’entreprise. «Ce n’est pas une main tendue vers les mouvements populaires, a-t-il encore insisté, c’est un fait catéchétique. Je veux que cela soit clair».
Faucille et marteau
Le pape est également revenu sur le surprenant cadeau du président bolivien Evo Morales, un crucifix en forme de faucille et de marteau, réplique d’une œuvre du père jésuite Luis Espinal, également artiste et sculpteur, assassiné en 1980. Le pape a alors confié que sa première réaction fut celle de la surprise. Il ne connaissait pas l’existence de cette œuvre, mais savait en revanche que le père Espinal s’intéressait à l’analyse marxiste de la réalité, une des ramifications de la théologie de la libération, selon lui. Cette œuvre, a-t-il expliqué, vient de «l’art de la contestation, qui peut, dans certains cas, être offensif.» Le pape a cependant assuré qu’après avoir cherché à comprendre l’herméneutique de genre de cette œuvre, il ne l’avait pas considérée comme une offense.
Tout au long de la conférence de presse, le pape François a d’ailleurs beaucoup insisté sur ce concept d’herméneutique, n’hésitant pas à donner un conseil aux journalistes présents à bord: «un texte ne peut s’interpréter avec une seule phrase, l’herméneutique doit se faire selon le contexte. Si on parle du passé, il faut interpréter ce fait avec l’herméneutique de cette époque».
Familles nombreuses et signes religieux
Revenant d’une manière plus générale sur son voyage en Equateur, en Bolivie et au Paraguay, le pape a confié qu’il n’avait jamais vu autant d’enfants, et s’est dit inquiet de la baisse de natalité en Europe. Il a cependant assuré que la France avait «une belle politique pour aider les familles nombreuses, lui permettant d’arriver à plus de deux naissances par maman», quand d’autres ont un taux plus bas. Le pape faisait ici référence de manière globale à la politique française d’assistance aux familles, sans probablement connaître le détail des derniers aménagements.
Invité à livrer sa réflexion sur les droits de l’homme et la liberté religieuse à Cuba, le pape François a aussi assuré que, «dans de nombreux pays à travers le monde, on ne respecte pas les droits de l’homme. Imaginez, a-t-il repris, dans le monde il y a des pays – aussi européens – où l’on ne te laisse pas faire un signe religieux, pour divers motifs. De même dans d’autres continents».
Accès à la mer et diplomatie vaticane
Le pape a aussi été interrogé sur la question du conflit frontalier entre le Chili et la Bolivie, cette dernière réclamant son accès à la mer, un sujet qu’il avait mentionné en Bolivie. Il a alors fait comprendre qu’il ne préférait pas faire d’autres commentaires au risque qu’ils soient interprétés comme une façon de s’immiscer dans la souveraineté d’un autre Etat. Le pape a aussi dit respecter le recours déposé par la Bolivie à la Cour internationale de justice de La Haye. «Désormais, il s’agit d’attendre la réponse du tribunal international», a-t-il jugé. Le pape a cependant souhaité de saines négociations entre les deux pays.
Revenant sur le rôle du Saint-Siège dans la normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis, le pape François a réfuté la qualification de médiation du Vatican. Il a assuré avoir seulement prié, et que le mérite revenait à la bonne volonté des deux pays. «Nous n’avons quasiment rien fait, a-t-il insisté, seulement de petites choses».
Maté et feuille de coca
Tout au long de l’interview, le pape François n’a pas manqué de faire plusieurs plaisanteries. «Quelle est ma drogue, c’est ça, ce qu’il veut demander !», s’est-il exclamé avant d’éclater de rire, répondant à la question d’un journaliste sur son incroyable énergie pendant ce dense voyage. «Le maté (boisson chaude latino-américaine, ndlr) m’aide, a alors confié le pape, mais je n’ai pas goûté la feuille de coca, que ce soit clair !». La feuille de coca se mâche ou se boit sous forme de thé en Bolivie comme une boisson énergisante et pour lutter contre le mal de montagne.
Après avoir répondu en espagnol aux questions des journalistes du Paraguay, d’Equateur et de Bolivie, le pape devait passer officiellement à l’italien, mais il s’est tourné vers le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, lui lançant : «et maintenant, passons au guarani !». Le guarani est une langue amérindienne reconnue comme langue officielle, au même titre que l’espagnol, au Paraguay.
Enfin, répondant à la question sur l’absence de cardinal provenant du Paraguay, le pape a aussi lancé, dans un sourire : «ne pas avoir de cardinal n’est pas un péché ! La majeure partie des pays du monde n’ont pas de cardinal». Evoquant les nombreux jeunes qui lui demandent de faire avec lui des photos selfie (autoportraits avec leur téléphone portable), le pape a encore confié se sentir «comme un arrière-grand-père devant cette autre culture» qu’il respecte cependant. (cath.ch-apic/imedia/bl/ce)