Cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi | © Jacques Berset
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Covid-19: les évêques allemands réfutent les prélats «complotistes»

Les évêques allemands ont pris leurs distances le 10 mai 2020 avec un groupe de prélats conservateurs qui, dans une mise en garde au ton «complotiste», prétendent que la pandémie de Covid-19 serait utilisée pour créer un «gouvernement mondial hors de tout contrôle».

La Conférence épiscopale allemande rappelle que pour combattre la pandémie, il faut respecter toutes les instructions des organismes gouvernementaux, en particulier des autorités sanitaires. Dans leur appel, les signataires du texte polémique affirment par contre que la pandémie serait utilisée comme prétexte pour restreindre «les libertés fondamentales d’une manière disproportionnée et injustifiée», y compris le droit à la liberté de religion, à la liberté d’expression et à la liberté de mouvement.

Trois cardinaux ont signé un appel alarmiste lancé à l’initiative de Mgr Carlo Maria Vigano, ancien nonce aux Etats-Unis et opposant déclaré au pape François: les cardinaux Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Chinois Joseph Zen Ze-kiun, très critique de la politique du pape argentin envers Pékin, et le Letton Janis Pujats, archevêque émérite de Riga. Ils ont été imités par 8 autres évêques, 3 prêtres, 21 journalistes, 11 médecins, 13 avocats, 18 enseignants et professionnels, ainsi que 12 associations et groupes divers.

Viganò vs Sarah: où est la vérité ?

Le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, d’abord annoncé comme signataire, affirme n’avoir jamais signé l’appel. Son initiateur, l’archevêque Carlo Maria Viganò, affirme cependant le contraire sur le site pro-vie ultraconservateur LifeSiteNews. Citant le calendrier de cette publication polémique, l’archevêque Viganò affirme que le cardinal avait accepté de signer l’appel le lundi 4 mai, plusieurs jours avant sa publication le jeudi 7 mai à 19h30, heure de Rome.

Sur ce site, Viganò a publié une chronologie de leurs communications, avec des citations du cardinal guinéen qui indiquent que ce dernier a bel et bien signé l’appel avant de rappeler l’archevêque Viganò pour dire qu’il retirait sa signature. La déclaration était déjà publiée depuis des heures. Viganò affirme détenir un enregistrement de la conversation avec le cardinal Sarah qui prouve que le préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a bien accepté de signer l’appel.

Sévères critiques aux auteurs du texte

Prenant le contrepied de la mise en garde des prélats conservateurs, Mgr Georg Bätzing, évêque de Limbourg et président de la Conférence épiscopale allemande, a déclaré à l’agence de presse catholique allemande KNA que l’évaluation de la pandémie de Covid-19 par la Conférence épiscopale diffère fondamentalement de l’appel publié. D’autres voix de l’Eglise en Allemagne ont également exprimé de sévères critiques à ce texte et à ceux qui l’ont paraphé.

En ce qui concerne la pandémie de coronavirus, les évêques allemands ont déclaré que les restrictions – y compris dans les services religieux – étaient «raisonnables et responsables» et ont en même temps souligné que les restrictions devaient être assouplies «avec responsabilité et sens des proportions», rappelle Mgr Bätzing.

«Intentions peu claires d’entités supranationales»

Dans leur appel, les signataires n’hésitent pas à prétendre que les mesures de protection ordonnées par les autorités serviraient à «criminaliser les relations personnelles et sociales».

Aussi sérieuse que soit la lutte contre Covid-19, elle ne doit pas être utilisée «comme prétexte pour soutenir les intentions peu claires d’entités supranationales poursuivant des intérêts politiques et économiques très forts», écrivent ces personnalités du camp conservateur.

Cible de «milieux ecclésiastiques intéressés»

Le cardinal Ludwig Müller est l’un des plus éminents signataires de ce document qui critique les mesures prises contre la pandémie et recourt à des théories conspirationnistes. Malgré les critiques croissantes, l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi défend pourtant la signature qu’il a apposée à ce texte.

Le cardinal Gerhard Ludwig Müller très critique face à la lutte contre le Covid-19 | © Jacques Berset


Le cardinal allemand déplore que des «milieux ecclésiastiques intéressés» ont utilisé cet appel pour attaquer leurs «prétendus opposants», a expliqué le cardinal Müller à l’hebdomadaire catholique Die Tagespost.

Une «pure loi humaine»

L’un des signataires, Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de l’archidiocèse de la Très-Sainte-Vierge-Marie d’Astana, au Kazakhstan, avait également déclaré, selon LifeSiteNews, qu’un prêtre, faisant preuve de discrétion et suivant les précautions sanitaires nécessaires,  »n’a pas à obéir aux directives de son évêque ou du gouvernement de suspendre la messe pour les fidèles».

L’évêque conservateur avait pris la défense des quatre cardinaux (Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner), qui avaient exprimé leurs dubia (»doutes»)  suite à l’exhortation apostolique post-synodale du pape François Amoris lætitia (La joie de l’amour).

Mgr Schneider a également affirmé que les directives annulant toutes les messes publiques en raison de la pandémie de COVID-19 étaient «une pure loi humaine, alors que la loi suprême dans l’Eglise est le salut des âmes».

«Dictature sanitaire» sans précédent

Le prélat dénonce encore une «interdiction inouïe pour les fidèles d’assister à la messe», où au nom d’une «dictature sanitaire» sans précédent, «les puissances de ce monde ont maintenant séparé de force les fidèles de leurs bergers».

Pour sa part, le cardinal Müller se défend d’avoir considéré le texte de Vigano «comme une analyse scientifique», affirmant encore que cet avertissement a été «consciemment mal compris» et que lui-même a été injustement mis au centre des critiques. Il affirme que son attention s’était portée uniquement sur la «réaction partiellement inadéquate de l’Eglise» en ce qui concerne la crise du coronavirus.

Une action «monstrueuse»

De son côté, Mgr Klaus Pfeffer, vicaire général du diocèse d’Essen, s’est dit sur Facebook «simplement stupéfait par ce qui se répand au nom de l’Eglise et du christianisme: des théories conspirationnistes grossières, sans faits ni preuves, combinées à une rhétorique de combat populiste de droite au ton effrayant».

Il serait scandaleux que les efforts entrepris pour contenir une pandémie soient discrédités et qualifié de «prétexte» pour justifier une «tyrannie technocratique haineuse» qui voudrait «anéantir la civilisation chrétienne», a poursuivi Mgr Pfeffer.  Il faut s’opposer à un tel type de discours et à cette action «monstrueuse», a-t-il lancé. Et de s’opposer fermement à ceux qui utilisent Jésus-Christ pour diffuser «de telles thèses confuses, qui attisent les peurs, utilisent une pensée en noir et blanc, dressent un portrait sinistre de l’ennemi et empoisonnent la coexistence dans nos sociétés». (cath.ch/kna/lifesite/be)

  

Cardinal Gerhard Ludwig Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi | © Jacques Berset
11 mai 2020 | 11:58
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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