Covid-19: 2020, l'année d'un pontificat solitaire
L’annulation ces dernières semaines de nombreux rassemblements et voyages apostoliques prévus dans les prochains mois semble ouvrir à une période inédite, celle d’un pontificat privé de grands événements populaires. L’épidémie de coronavirus met à rude épreuve le Saint-Siège dans son rapport de proximité avec les fidèles du monde entier et le force à bouleverser son calendrier.
«L’idéal de l’Eglise est toujours avec le peuple et avec les sacrements», avait déclaré le pape François lors de sa messe matinale à la Résidence Sainte-Marthe le 17 avril 2020. Mais si d’ici quelques semaines, la perspective de la fin du confinement semble s’imposer dans tous les pays du monde, Vatican compris, tout semble indiquer qu’un retour à la normale prendra beaucoup plus de temps.
Cela vaut bien entendu pour le pape qui vient de reporter successivement la Rencontre mondiale des familles de 2021, les JMJ 2022 de Lisbonne et le Congrès eucharistique international, initialement prévu pour septembre prochain à Budapest. Trois grands événements auxquels s’ajoutent des rendez-vous importants prévus en mars, tels que les Rencontres d’Assise ou la présentation du Pacte mondial pour l’éducation, mais aussi le voyage apostolique à Malte, au programme en avril.
Ce bouleversement radical du programme s’explique par trois raisons principales. Tout d’abord, il s’agit bien entendu de ne pas mettre en danger le pape François alors que rien ne semble indiquer avec certitude quand la pandémie sera définitivement jugulée.
La sécurité du pape
L’autre raison évoquée par le Saint-Siège correspond aux contraintes qui risquent de peser sur les populations auxquelles le chef de l’Eglise catholique souhaite manifester sa proximité. Les conséquences de la crise du Covid-19 en terme de limitation de la liberté de mouvements et du rassemblement de fidèles et de pèlerins dans les prochains mois ont motivé le renvoi de nombreux rendez-vous.
Agé de 83 ans, le pape a été absent au début du Carême pour des raisons de santé, et avait manqué déjà alors de nombreux rendez-vous. La santé du pontife reste une priorité pour le Saint-Siège.
Comme le signalait récemment le cardinal Kevin Farrell, préfet du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie, notamment en charge de l’organisation des JMJ, le Vatican a préconisé d’»attendre un an avant de commencer ces événements internationaux». Sans perspective claire, la prudence semble donc de mise.
Des contraintes financières
«Il est irréaliste de penser que les gens pourront voyager dans les deux prochaines années», a aussi ajouté Mgr Farrell. Le Saint-Siège ne souhaite donc pas organiser des événements dans un cadre général qui exclurait de facto de nombreux participants potentiels.
La dernière raison est d’ordre économique. On peut en effet se demander si les pertes de revenus massives du Saint-Siège, engendrées notamment par la fermeture, notamment des Musées du Vatican, principale source de revenu du petit Etat, poussent aujourd’hui le gouvernement de l’Eglise à envisager l’avenir avec sobriété et prudence.
La charge financière très importante qu’implique tout déplacement du pape, notamment quand il s’agit d’un voyage de longue durée dans un pays étranger pourrait donc être incompatible avec les efforts déployés par le Saint-Siège pour limiter ses dépenses tout en continuant à aider concrètement ceux qui souffrent à travers le monde.
Le pontife devra donc patienter avant de pouvoir visiter les «périphéries» qu’on évoquait au programme cette année: Indonésie, Timor Oriental, Papouasie Nouvelle-Guinée, Croatie, Chypre… Les murs léonins du Vatican devraient donc retrouver un peu de leur apparence carcérale, comme à l’époque où les papes s’y sont enfermés après l’annexion de Rome par le tout jeune royaume d’Italie.
Vers des déplacements ‘exceptionnels’?
On peut, malgré ces difficultés, envisager deux types de déplacements que le pape aurait à cœur d’effectuer dans ces conditions: d’abord un voyage d’ordre politique, pour s’adresser par exemple au Parlement européen ou aux Nations unies. Le pape François n’a de cesse de communiquer avec les responsables politiques, les incitant notamment à la paix et à la solidarité, et nul doute qu’il ne manquerait pas l’occasion si elle se présentait.
Un autre geste pourrait être la reproduction à une autre échelle du pèlerinage du pontife à San Marcello in Corso à Rome et à Sainte-Marie Majeure. Le 15 mars, le pape François avait en effet surpris en quittant anonymement le Vatican pour se rendre dans cette Eglise de Rome afin de vénérer une icône de la Vierge et un Crucifix miraculeux. Un déplacement de cet ordre, qui mènerait le successeur de Pierre dans un sanctuaire important en Italie ou dans le monde, sans fidèles ou avec un groupe restreint, pourrait être aussi envisageable dans les prochains mois. A défaut d’un proximité physique, le pape pourrait ainsi insister sur l’importance d’une ‘communion spirituelle’ avec le Peuple de Dieu (cath.ch/imedia/cd/bh)