Coronavirus: communier dans la main fustigé par les traditionalistes
La pandémie du coronavirus qui a provoqué l’instauration de règles de précaution dans un certain nombre de paroisses – la communion doit être exclusivement donnée dans les mains et non dans la bouche – suscite la controverse. Des catholiques protestent et regrettent ces mesures «trop restrictives». Les milieux conservateurs et traditionalistes se sont engouffrés dans la brèche.
Le message de Mgr Michel Dubost, administrateur apostolique de Lyon, à destination des prêtres et de l’ensemble de la communauté catholique du diocèse de Lyon, demandant que la communion soit exclusivement donné dans les mains suscite une levée de bouclier dans les milieux conservateurs et traditionalistes. Comme d’autres évêques dans divers pays touchées par la pandémie, Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis, a également demandé que la communion ne soit plus donnée sur la langue, que le geste de paix se fasse sans poignée de main, que les bénitiers soient nettoyés et vidés.
«Les mesures mises en œuvre par les autorités civiles m’ont appelé à intervenir», écrit-il sur le site de l’Eglise catholique dans l’Oise.
«De manière extraordinaire, et j’espère pour une durée limitée, j’ai décidé de supprimer les messes dominicales dans le diocèse. La mesure a été diversement comprise et a provoqué des réactions opposées. Je comprends ces réactions, suscitées par le fait que soit touché l’exercice d’une liberté fondamentale, dans un domaine majeur de la vie des fidèles catholiques (la participation à la messe dominicale, ‘précepte d’Eglise’). Je continue néanmoins à penser que cette mesure était opportune et juste».
«Le coronavirus les rend fous»
«Communion dans la main: le coronavirus les rend fous», peut-on lire sur le site du «portail de réinformation catholique» Riposte catholique. Le site retranscrit la prise de position du très conservateur Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana, au Kazakhstan. Ce dernier avait pris la défense des quatre cardinaux (Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner), qui avaient exprimé leurs «dubia» (»doutes») suite à l’exhortation apostolique post-synodale du pape François Amoris lætitia (La joie de l’amour). Les cardinaux mettaient en cause le pape François pour les passages de son exhortation apostolique relatifs à l’accès des divorcés remariés aux sacrements et à l’enseignement moral de l’Eglise.
Poursuivant sur sa lancée, Mgr Athanasius Schneider dénonce l’obligation de donner la communion dans la main comme mesure de prévention de la pandémie, parlant d’»abus d’autorité». Et de proposer plutôt une communion spirituelle que la communion dans la main, «car le rite de la communion dans la main pratiqué de nos jours nous vient des communautés calvinistes et n’a rien à voir avec la coutume des premiers siècles».
Diminution de la révérence
Mgr Athanasius Schneider a publié sur le blog conservateur Rorate Caeli un texte sur la réception de la communion en temps de pandémie, dans le contexte de l’épidémie du coronavirus. Il y dénonce l’interdiction faite dans certains diocèses de donner l’hostie sur la langue, en imposant la communion dans la main. Il fustige cette interdiction et recommande, si la communion ne peut être reçue sur les lèvres, de faire une communion spirituelle au moyen d’une prière qu’il propose. Son texte vient notamment répondre aux consignes de Mgr Dubost, administrateur apostolique à Lyon, qui a demandé que le «pain eucharistique» soit exclusivement donné dans les mains en raison des risques de l’épidémie du Covid-19.
«Personne ne peut nous contraindre à recevoir le Corps du Christ d’une manière qui comporte un risque de perte des fragments, et qui entraîne une diminution de la révérence, comme c’est le cas lorsqu’on reçoit la communion dans la main (…) Dans ces situations, il est préférable de faire une communion spirituelle, qui emplit l’âme de grâces particulières. Au cours des temps de persécution, de nombreux catholiques ne pouvaient recevoir la sainte communion de manière sacramentelle pendant de longues périodes, mais ils faisaient une communion spirituelle dont ils obtenaient de nombreux bénéfices spirituels».
Une interdiction «pas fondée»
L’évêque auxiliaire d’Astana affirme que «l’interdiction de la communion dans la bouche n’est pas fondée par rapport aux grands risques sanitaires de la communion dans la main en temps de pandémie. Une telle interdiction constitue un abus d’autorité. De plus, il semble que certaines autorités ecclésiastiques utilisent la situation d’une épidémie comme prétexte. Il semble également que certaines d’entre elles éprouvent une sorte de joie cynique à propager de plus en plus le processus de banalisation et de désacralisation du très saint et divin Corps du Christ dans le sacrement eucharistique, exposant le Corps du Seigneur lui-même aux dangers réels de l’irrévérence (perte de fragments) et des sacrilèges (vol d’hosties consacrées)».
«Manque de foi» chez des évêques de rite latin
Mgr Schneider affirme encore qu’au cours des 2000 ans d’histoire de l’Eglise, «on ne connaît pas de cas avéré de contagion due à la réception de la sainte communion. Dans l’Eglise byzantine, le prêtre donne même la communion aux fidèles avec une cuillère, la même cuillère pour tous. Et ensuite, le prêtre ou le diacre boit le vin et l’eau avec lesquels il a purifié la cuillère, qui parfois avait même été touchée par la langue d’un fidèle lors de la réception de la sainte communion».
L’évêque auxiliaire d’Astana accuse les évêques et des prêtres de rite latin qui mettent en place l’interdiction de recevoir la communion par la bouche de le faire «finalement par manque de foi dans le caractère sacré et divin du Corps et du Sang du Christ Eucharistique». «Si l’Eglise de notre temps ne s’efforce pas à nouveau avec le plus grand zèle d’accroître la foi, la révérence et les mesures de sécurité à l’égard du Corps du Christ, toutes les mesures de sécurité pour les êtres humains seront vaines». (cath.ch/be)