Contre la «McDonaldisation» de la spiritualité

Etats-Unis: Le mouvement du ‘Slow Church’ se pose en alternative aux ‘megachurches’

Washington, 1er avril 2014 (Apic) Aux Etats-Unis, le mouvement du ‘Slow Church’ (litt. L’Eglise au ralenti) se pose en alternative à la frénésie charismatique des ‘megachurches’, ces églises protestantes qui rassemblent des dizaines de milliers de fidèles dans des célébrations-spectacles endiablées. Critiquant ce qu’ils nomment la «MacDonaldisation» de la spiritualité, les activistes religieux américains C. Christopher Smith et John Pattison rappellent l’importance des notions de contemplation, de recueillement et de proximité dans le culte chrétien.

«Le Royaume de Dieu ne peut pas être franchisé», martèlent C. Christopher Smith et John Pattison dans leur livre «Slow Church», qui vient de paraître aux Etats-Unis, rapporte le 30 mars 2014 l’agence de presse américaine «Religion News Service» (RNS). Leur préoccupation concerne principalement le fait que de nombreuses petites églises locales tentent de reproduire les techniques d’»évolution spirituelle» des ‘megachurches’, qui ont actuellement le vent en poupe.

Le mouvement s’inspire de celui du «Slow Food». La démarche, née ne Italie en 1986, lutte contre la «malbouffe» et tente de sensibiliser les citoyens à une consommation de nourriture saine et responsable. Car pour les auteurs américains, les ‘megachurches’ sont à la spiritualité, ce que le fast-food est à la gastronomie. Ils utilisent eux-mêmes le terme de «MacDonaldisation» du culte. Ils préconisent ainsi une approche pastorale qui privilégie les petites communautés, la proximité, le dialogue et la créativité, plutôt que les «programmes standardisés» comme le proposent les ‘megachurches’. «Notre principale préoccupation est que ces structures à grande échelle drainent tellement de personnes de lieux tellement éloignés, qu’elles perdent toute identité locale», notent les auteurs. Les deux activistes, qui travaillent dans de petites paroisses américaines, tiendront début avril 2014 une conférence sur le sujet.

Un mouvement à contresens du monde moderne

Scott Thumma, sociologue des religions au séminaire d’Hartford, dans le Connecticut, qui participera à la rencontre, pense que le «Slow Church» va dans la bonne direction, sur un plan théologique. Il considère néanmoins qu’il a peu de chance de faire beaucoup d’adeptes. «Toutes les pressions exercées par la société moderne vont en sens contraire de ce mouvement», explique-t-il. Pour le sociologue, les thèses du «Slow Church» sont susceptibles de séduire un public plutôt jeune, éduqué et branché. Pas vraiment le type de personnes qui fréquentent les petites églises américaines.

Phil Kenneson, professeur de théologie au Milligan College, dans le Tennessee, interviendra également lors de la conférence. Il explique que le rythme de la culture américaine n’est pas très adapté à la croissance spirituelle, qui requiert de la stabilité et de la patience.

Encadré

Les ‘megachurches’, ou la spiritualité de consommation

Le terme ‘megachurch’ est utilisé principalement aux Etats-Unis, où ces communautés ecclésiales à grande échelle existent depuis les années 1950. Ce sont des Eglises protestantes qui accueillent en moyenne plus de 2’000 personnes lors d’un service du dimanche. Les ‘megachurches’ connaissent actuellement un important développement. Aux Etats-Unis, leur nombre a quadruplé en l’espace de 20 ans. Elles se sont également largement répandues dans le monde, principalement en Asie. Certaines des plus grandes Eglises du genre se trouvent actuellement en Corée du Sud.

Le triomphe de la culture américaine

Alan Wolfe, professeur de science politique au Boston College, dans le Massachusetts, décrit ainsi ces nouvelles structures cultuelles: «La foi américaine a rencontré la culture américaine, et la culture américaine a triomphé». En effet, d’après Gabriel N. Lischak, du magazine américain «The Real Truth», les célébrations des ‘megachurches’ ont toutes en commun de reprendre les grands principes du show-business. La plupart utilisent la vidéo, de la musique contemporaine et des éléments théâtraux. Un participant à ces cérémonies fait ce commentaire évocateur sur la chaîne de télévision «ABC News»: «La culture offre aux enfants beaucoup de productions à rythme rapide et d’autres choses qui tiennent le public en haleine. Pourquoi est-ce que les Eglises ne pourraient pas faire de même?»

Discours conditionnés

Gabriel N. Lischak explique que certains de ces cultes présentent des écrans géants à foison, mettent à disposition des consoles de jeux ou des cafétérias. Les ‘megachurches’ ne se contentent pas d’offrir des services «spirituels», ce sont souvent de véritables centres sociaux à grande échelle qui incluent des écoles, des salles de sport, des centres informatiques ou encore des cabinets juridiques. Une de ces Eglises héberge même un restaurant…McDonald.

Gabriel N. Lischak relève que les sermons prononcés au sein des ‘megachurches’ sont proches des discours de développement personnel, un style très prisé aux Etats-Unis. Ils touchent en général beaucoup plus aux questions de morale individuelle qu’aux thèmes plus globaux, tels que la justice sociale. Les sermons expliquent généralement comment réussir sa vie, principalement à travers la pensée positive et «le pouvoir de Jésus». Les sujets controversés tels que l’avortement ou l’homosexualité y sont en général évités, indique Gabriel N. Lischak. Pour le journaliste, «l’idée est d’avoir un discours le plus généraliste et inoffensif» possible, afin de convenir à toutes les sensibilités. (apic/rns/arch/rz)

2 avril 2014 | 09:43
par webmaster@kath.ch
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