Un commandant marocain de Daech: nous avons tué le Père Paolo Dall'Oglio
Un commandant marocain de l’organisation terroriste Daech, fait prisonnier lors de la chute de Raqqa, a affirmé que le Père Paolo Dall’Oglio, un jésuite italien enlevé dans la place forte des djihadistes au nord de la Syrie dans la soirée du 28 juillet 2013, avait été exécuté quelques jours après sa capture.
Détenu par les Forces démocratiques syriennes (FDS), ce jeune combattant marocain, né à Rabat en 1982, portait le nom de guerre d’Abou Mansour. Il a rejoint le groupe terroriste Daech en Syrie en 2013, où il est finalement devenu un «commandant», en charge de la bande de territoire entre la ville de Ras al-Ayn et la frontière turque.
Le quotidien saoudien basé à Londres Asharq Al-Awsat l’a interviewé dans une prison de haute sécurité kurde. Le djihadiste marocain a affirmé que le religieux jésuite italien avait été exécuté par Abou Luqman al-Raqqawi, un Syrien membre de Daech à Raqqa, mais il n’en a fourni aucune preuve.
Un «amoureux de l’islam»
Le Père Paolo Dall’Oglio, relevant les ruines de Mar Moussa el Habashi, Saint-Moïse l’Abyssin, un monastère datant du 6e siècle situé aux portes du désert syrien, à 80 kilomètres au nord de Damas, y avait fondé une communauté dédiée au dialogue islamo-chrétien et à l’hospitalité. Expulsé du pays par les autorités syriennes en 2012 en raison de son opposition au régime, le jésuite italien, qui se qualifiait lui-même d’»amoureux de l’islam», avait pris fait et cause pour ceux qui voulaient chasser par les armes le président Bachar al-Assad.
Au cours de l’été 2014, un an après l’enlèvement du jésuite italien à Raqqa, une association liée au Vatican avait contacté Daech par le biais d’intermédiaires en Turquie. «Elle a demandé de pouvoir nous interviewer à la frontière entre la Syrie et la Turquie, pour donner des informations sur le sort du Père Paolo et d’un journaliste italien lui aussi disparu», a déclaré Abou Mansour au quotidien saoudien.
«Abou Luqman al-Raqqawi a exécuté le prêtre chrétien»
«J’ai à mon tour remis la demande au commandant en chef d’Abou Muhammed al-Iraqi qui a averti de ne pas poser de questions sur le Père Paolo et a refusé de rencontrer l’association pour un entretien. Les dirigeants de Daech m’ont dit qu’Abou Luqman al-Raqqawi avait exécuté le prêtre chrétien». (cath.ch/be)
Du Maroc à Raqqa
Abou Mansour, qui avait pris contact avec des djihadistes sur les réseaux sociaux depuis le Maroc, s’est envolé pour Istanbul à la fin septembre 2013, puis a rejoint la ville turque de Gaziantep, près de la frontière syrienne, qu’il a franchie à l’aide d’un passeur. L’organisation qui l’a réceptionné l’a envoyé, avec un groupe d’étrangers qui venaient d’arriver, à Idlib, une place forte des djihadistes au nord-ouest de la Syrie, où il a reçu un entraînement militaire dispensé par le Front al-Nosra, la branche syrienne d’al-Qaïda.
Quand les divergences entre le Front al-Nosra, dirigé par Abou Muhammad al-Julani, et Daech, l’Etat islamique, ont pris une tournure violente, Abou Mansour a rejoint Daech et son leader Abou Bakr al-Baghdadi, comme l’ont fait de nombreux autres combattants arabes et étrangers. Leur but était d’établir un «califat».
300 arrivées mensuelles de candidats au djihad
Abou Mansour souligne que jusqu’à la fin de 2013, le nombre d’arrivées d’étrangers en Syrie ne dépassait pas 150 par mois. «Après mon entrée en fonction, et à partir de 2014, une moyenne d’environ 300 étrangers venaient chaque jour pour se battre dans les rangs de l’organisation».
Les membres de Daech ont alors mis en place un bureau d’enregistrement spécial chargé de noter les noms, la nationalité et la date d’entrée des recrues étrangères. La majorité des combattants venaient de Tchétchénie, de Géorgie et d’anciennes républiques soviétiques, souligne-t-il. Quant aux djihadistes venant des pays arabes, c’étaient les Tunisiens qui étaient les plus nombreux, suivis des Marocains, des Algériens, des Egyptiens et des Libyens. JB