Colère du directeur de la Chaîne du bonheur contre Ignazio Cassis
Le directeur de la Chaîne du bonheur, Tony Burgener, est sorti de sa réserve pour dénoncer la nouvelle ligne politique suivie par le Conseil fédéral suisse. L’intérêt national passe avant la solidarité avec les plus faibles, déplore-t-il dans une tribune du journal Le Temps.
Pour le directeur de la Chaîne du Bonheur, «le gouvernement fédéral porte une atteinte grave à notre raison d’être et menace les fondements mêmes de notre travail que sont la solidarité et la tradition humanitaire suisses. La Chaîne du bonheur est obligée d’entrer dans le débat si elle veut rester crédible et sauver l’essentiel.»
Le «Switzerland first» de Cassis
Le passage du témoin entre M. Burkhalter et M. Cassis a totalement changé la donne, déplore Tony Burgener. Pour le nouveau chef du Département des affaires étrangères, la politique extérieure est dictée par les intérêts de politique intérieure, qui sont avant tout de nature économique. «Comme on dit outre-Atlantique: «Switzerland first»».
En à peine plus de dix mois, le nouveau ministre des Affaires étrangères a déjà fait la preuve dans quatre dossiers majeurs, relève Tony Burgener.
Désormais, l’aide publique au développement ne doit plus soulager les populations les plus pauvres et les plus vulnérables dans le monde. Elle doit viser les pays qui génèrent le plus de réfugiés pour la Suisse ou qui sont prêts à signer des accords de réadmission des réfugiés. Le Conseil fédéral et le parlement ne bafouent ainsi pas seulement la Constitution suisse mais également l’Agenda 2030 de l’ONU.
La décision d’assouplir l’autorisation de l’exportation des armes aux pays en situation de guerre civile est, elle aussi, hautement critiquable pour Tony Burgener. «Depuis la guerre du Biafra (1967-1970 ndlr) jusqu’au conflit syrien de nos jours, nombreux sont les cas répertoriés dans lesquels il est tout simplement irréaliste de penser qu’un contrôle crédible puisse être effectué quant à la destination finale des armements.»
Le Conseil fédéral est frappé d’amnésie
La non ratification par la Suisse du traité d’interdiction des armes nucléaires st la troisième raison de la colère de Tony Burgener. «Il fut un temps où la Suisse se positionnait comme précurseur, souvent en compagnie du CICR, dans l’établissement des traités à vocation humanitaire. Le traité d’Ottawa (1997) interdisant la production et l’usage des mines antipersonnel en est l’exemple le plus frappant.» »Frappé d’amnésie, le Conseil fédéral fait l’impasse sur ses obligations dans ce domaine».
La déclaration du ministre des Affaires étrangères quant à la mission et au rôle de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, est une preuve additionnelle de la politisation de l’action l’humanitaire fédérale, déplore enfin Tony Burgerner. «Sans équivoque, M. Cassis souhaite voir disparaître une organisation onusienne qui soutient des écoles et des hôpitaux pour des millions de Palestiniens. Il ne propose aucune alternative. Il porte ainsi atteinte à la neutralité et à l’indépendance de la Suisse.
Si le vent a tourné en Suisse, la Chaîne du bonheur se doit de rester fidèle à ses valeurs et principes, conclut son directeur.
La Chaîne du bonheur
La Chaîne du Bonheur a débuté à Lausanne en 1946 avec une chanson et la volonté d’atténuer les souffrances causées par la guerre.En lançant leur premier appel aux dons sur Radio Sottens le 26 septembre 1946, les animateurs souhaitaient venir en aide aux enfants victimes de la guerre.
Institution érigée en fondation indépendante en 1983, la Chaîne du bonheur est le bras humanitaire de la SSR, la Société suisse de radiodiffusion et télévision. Elle est en Suisse le principal bailleur de fonds privé pour l’aide humanitaire. Elle récolte et distribue chaque année plusieurs dizaines de millions de francs. Le Valaisan Tony Burgener en est le directeur depuis 2012.