COE: pas de dialogue entre prélats ukrainiens et russes à Karlsruhe

Les efforts du Conseil œcuménique des Eglises (COE) pour réunir à une même table des représentants ecclésiaux de la Russie et de l’Ukraine sont pour le moment restés infructueux lors de 11e Assemblée du COE à Karlsruhe, en Allemagne.

Cette réunion de plus de 4’000 participants venus du monde entier se tient, du 31 août au 8 septembre 2022, sur le thème  «L’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité».

«Pas de signe que la partie russe souhaite un dialogue»

Pour Eustratius (Jewstratij Zorya), archevêque de Tchernihiv et Nijyn, de l’Eglise orthodoxe autocéphale d’Ukraine, il n’y encore eu aucun contact avec la délégation du Patriarcat de Moscou: «Il n’y a pas non plus de signe que la partie russe souhaite un dialogue», rapporte la presse allemande.

L’assemblée générale, organe législatif suprême du COE – une communauté de 352 Églises chrétiennes représentant plus de 580 millions de fidèles dans le monde entier dont le siège est à Genève – se réunit jusqu’au 8 septembre. Lors de l’ouverture le 31 août, le secrétaire général du COE, Ioan Sauca, avait déclaré vouloir être une plateforme pour que les délégués de Russie et d’Ukraine puissent dialoguer.

Nommer clairement les injustices, les victimes et les coupables

Le président allemand Frank-Walter Steinmeier avait par contre rappelé que le dialogue devait nommer clairement les injustices, les victimes et les coupables [de l’agression russe] et ne devait pas se limiter à des vœux pieux et rester dans l’approximation.

«Il n’est pas facile de mener un dialogue avec quelqu’un qui nous dénie le droit d’exister», a déclaré l’archevêque Eustratius. Son Eglise, qui a déposé une demande d’adhésion au COE, s’est séparée de l’Eglise orthodoxe ukrainienne affiliée au Patriarcat de Moscou et son autocéphalie a été reconnue en 2019 par le Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Le Patriarcat de Moscou sous influence du gouvernement russe

L’archevêque ukrainien déplore que dans l’Eglise orthodoxe russe, on n’entende aucune opposition à la guerre, a déclaré l’archevêque. «Le Patriarcat de Moscou est sous le contrôle total du gouvernement russe». 

L’Assemblée du COE se réunit normalement tous les huit ans. Elle répond cette année à l’invitation conjointe de l’Église évangélique d’Allemagne (EKD), de l’Église évangélique de Bade, du Conseil des Églises chrétiennes d’Allemagne, de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) et de l’Église évangélique réformée de Suisse.

Il s’agit du seul moment où l’ensemble de la communauté fraternelle des Églises membres se retrouve en un même lieu dans la prière et la célébration. Elle représente un moment particulier dans la vie des Églises membres, des partenaires œcuméniques et des autres Églises et constitue pour les Églises une occasion privilégiée d’approfondir leur engagement en faveur de l’unité visible et du témoignage commun. Ainsi l’Assemblée du COE est-elle la réunion d’Églises la plus vaste et la plus diverse au monde.

Moscou satisfait ne pas avoir été exclu

De son côté, le Patriarcat de Moscou s’est réjoui que le COE ait rejeté la demande d’exclure la délégation russe de l’Assemblée du COE. En juin dernier, le comité central du COE avait refusé de suspendre l’Église orthodoxe russe, comme le lui avaient demandé différentes Églises, dont l’Église évangélique réformée de Suisse (EERS).

Lors de l’ouverture de l’Assemblée, le révérend Ioan Sauca, secrétaire général du COE, avait assuré la délégation du Patriarcat de Moscou venue à Karlsruhe qu’elle ne ferait l’objet d’aucune discrimination. Moscou relève que lors de la cérémonie d’ouverture de l’Assemblée le 31 août, Frank-Walter Steinmeier, président de la République fédérale d’Allemagne, a porté des accusations «sans fondement» contre l’Église orthodoxe russe concernant sa position sur l’Ukraine et a exprimé des doutes quant à la participation de l’Église orthodoxe russe à ce forum.

Chef de la délégation de l’Église orthodoxe russe à la 11e Assemblée du COE, le métropolite Antoine de Volokolamsk, a fustigé ce discours. Le président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou a déclaré que ces déclarations contenaient «des accusations sans fondement, ne tenant aucun compte des efforts humanitaires du Patriarcat de Moscou dans le contexte du conflit en Ukraine». 

«Immixtion dans les affaires internes du COE»

Le numéro deux du Patriarcat de Moscou «considère les propos de M. Steinmeier comme une forme de pression grossière de la part d’un représentant haut placé des autorités de l’État sur la plus ancienne organisation inter-chrétienne, comme une immixtion dans les affaires internes du COE, comme une remise en question du caractère pacifique et de la neutralité politique de ses activités».

Quant à Ioan Sauca, secrétaire général intérimaire du COE, il a souligné l’importance de la présence à l’Assemblée de représentants du Patriarcat de Moscou: «Celle-ci découle de la vocation de la plus grande des organisations inter-chrétiennes, qui est de contribuer au dialogue, à la paix et à la concorde». Le secrétaire général du COE a déclaré, lors d’une rencontre avec une délégation de l’Église russe, que le Conseil œcuménique des Églises parle «le langage de la foi, pas celui de la politique», rapporte le Patriarcat de Moscou, et que cette organisation est ouverte à tous et que «l’Église orthodoxe russe est une partie à part entière de notre fraternité».  (cath.ch/mospat/coe/be)