Claude Ducarroz regrette le silence du pape sur les 'viri probati'
Claude Ducarroz regrette que le pape François ne soit pas entré en matière sur l’ordination sacerdotale d’hommes mariés dans son exhortation post-synodale «Querida Amazonia», publiée le 12 février 2020. Sur RTS La Première, le 13 février, l’ancien prévôt de la cathédrale de Fribourg, a estimé que «l’obligation universelle du célibat entre dans le multi-pack des causes de la crise».
«C’est étonnant et dommage», a confié Claude Ducarroz à propos de l’absence de décision du pape François concernant la possibilité d’ordonner des hommes mariés (viri probati) dans la région amazonienne, où le manque de prêtres se fait durement sentir. Invité de l’émission de la RTS La Matinale, le chanoine a rappelé que le pontife avait lui-même évoqué cette option en son temps. «Il a convoqué un synode à Rome, dans lequel une majorité des participants se sont déclarés favorables à cette évolution. Et tout à coup, à la fin du processus, il n’en parle pas, ce qui est quand même une manière de dire qu’il n’entre pas en matière sur le sujet», souligne Claude Ducarroz.
Le pape en «garant de l’unité»
Il affirme ne pas pouvoir mesurer l’influence des pressions subies par le pape en rapport à cette question. Notamment suite à la publication du livre du cardinal Robert Sarah, en soutien au célibat. Le prêtre fribourgeois souligne que «le pape se sent le garant de l’unité dans l’Eglise. Et s’il y a des courants relativement forts qui jouent sur ce ministère d’unité en lui faisant peur face à d’éventuels schismes ou divisions, ça peut peut-être faire reculer un pape conscient de sa grande et unique responsabilité». Même s’il souligne qu’il faut attendre d’autres décisions, Claude Ducarroz «craint» cependant que l’on soit arrivé à la fin de l’ère réformiste du pape François.
S’il ne veut pas s’exprimer directement sur le récent scandale qui touche le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), dont l’un des prêtres est accusé d’abus sexuels, le prêtre fribourgeois estime que l’obligation du célibat est l’un des facteurs de la crise qui ébranle l’Eglise. «Un prêtre qui n’assume pas bien son célibat peut lui-même se sentir fragilisé dans sa manière de vivre son corps, sa sexualité, ses relations avec les autres, surtout s’il y a en plus la solitude, la difficulté dans le ministère». «C’est beau d’être prêtre, ça fait 55 ans que je le vis, mais c’est aussi difficile, admet Claude Ducarroz. Il peut y avoir une sorte de vertige, qui peut conduire à des sorties de routes graves».
Eglise et sexualité
Il note que les affaires sont souvent révélées «grâce aux victimes, qui ont le courage de sortir de l’anonymat». Pour le chanoine, ces victimes osent nous ramener à la vérité, mais aussi à la responsabilité». Et de souhaiter que «tout cela nous amène maintenant à la réforme».
Des changements qui devraient également selon lui concerner le «cléricalisme, soit le fait qu’un prêtre, parce qu’il est prêtre, se croie au dessus des gens, des lois, et qu’il peut faire de son autorité un pouvoir qui abuse. Le caractère sacré de sa mission peut devenir un moyen de pression, voire d’oppression.»
De manière générale, Il admet que quelque chose n’est pas réglé dans la position de l’Eglise catholique face à la sexualité. Tout en rappelant les valeurs et le message «prophétique» de l’Eglise dans «l’ambiance actuelle», le chanoine estime qu’elle doit «accepter que la société ait quelque chose à lui dire» dans ce domaine. «Toutes sortes de sciences humaines nous aident à situer sans doute autrement, de manière moins culpabilisante, moins taboue, les belles réalités de la sexualité, du couple et finalement du mariage.»
Revenir au centre
Face à la multiplication des scandales, Claude Ducarroz pense toutefois que les prêtres ne doivent pas tous être discrédités. En référence aux récents propos de Mgr Charles Morerod, évêque de LGF, sur la prévention des abus, le chanoine affirme: «Je dis oui à la prudence, mais je suis triste qu’on doive en arriver à la méfiance. Beaucoup de prêtres ne sont pas parfaits, mais ils donnent leur vie pour les gens, pour le Christ et l’Evangile. Si on établit une méfiance générale à leur égard, ça peut les faire souffrir injustement et handicaper leur ministère».
Face à ce profond dégât d’image et de crédibilité, «nous sommes tous appelés, les prêtres en premier, à revenir au centre, au cœur de notre vocation, qui est de donner sa vie pour l’Evangile, pour le Christ, au milieu des gens qu’on sert humblement, qu’on aime», conclut le prêtre fribourgeois. (cath.ch/rts/rz)