Christiane Elmer: «Dans mon métier, je vais visiter Dieu»
Première laïque responsable du mensuel angelus, Christiane Elmer prendra sa retraite à l’été 2024. La journaliste revient avec cath.ch sur 30 ans d’engagement au service du bulletin quadrilingue de la paroisse de Bienne et région, à l’occasion du Dimanche des médias.
Les actuels bureaux de l’angelus se trouvent dans les locaux du Centre paroissial St-Nicolas à Bienne. Lorsque Christiane Elmer reçoit quelqu’un à l’entrée, c’est avec un sourire généreux. Même si le moment n’est pas opportun, – car le journalisme exige de devoir souvent surfer entre les différents mandats – elle s’arrange autant que possible pour prendre le temps de recevoir, et de bien recevoir.
Une foi qui guide
De même lorsqu’elle se rend chez quelqu’un en vue d’un article. La raison? «Dans mon métier, je vais visiter Dieu: à travers chaque personnes que je rencontre et que j’interviewe, quelque chose de Dieu m’est transmis», révèle la Biennoise.
Aujourd’hui, plus que jamais, c’est sa foi qui la guide dans ce qu’elle fait et vers les personnes qu’elle rencontre. Une certitude qu’elle avoue avoir pris du temps à construire. «Lorsque j’ai commencé dans le métier, j’étais ce qu’on appelle une catholique d’étiquette, avec une foi en stand by», confie Christine Elmer. Même si le premier défi auquel elle a été confrontée dans la vie active n’est pas d’ordre spirituel, mais linguistique.
L’épreuve du bilinguisme
Née à La Chaux-de-Fonds en 1959, elle effectue des études en lettres à l’Université de Neuchâtel, avant de bifurquer vers le journalisme, comme stagiaire à l’hebdomadaire Biel/Bienne. «Toutes les séances étaient quasi entièrement en ‘tütsch‘, et j’avais vraiment de la peine avec le bilinguisme. Mais cela m’a appris une chose: de s’intégrer demande de l’humilité».
Et c’est ce qui lui permettra de contribuer plus tard pour la radio bilingue biennoise Canal 3, avec l’ancienne émission religieuse Paraboliques, de 1994 à 2020, et à TeleBielingue, avec l’ancienne émission œcuménique TélÉglise, de 1999 à 2004.
Une année décisive
1994 est une année décisive pour Christiane: sa maman découvre une annonce pour un travail de rédaction à l’angelus et lui en fait part. La journaliste va alors se présenter à l’entretien sans grande attente et prétention, sachant que ses connaissances dans le domaine ecclésial sont très limitées. «Mais ils m’ont rappelé et c’est comme ça que j’ai su que j’avais le poste. C’est mon enthousiasme qui, paraît-il, a été déterminant dans leur choix», se souvient-elle, remplaçant ainsi le poste qu’occupait un prêtre jusque-là.
S’en suivent 30 ans – et 685 numéros – à la rédaction francophone de ce bulletin plurilingue. «Les ‘difficultés’ ont été multiples, mais elles sont souvent devenues ‘opportunités’, dans le contact avec les différentes paroisses, les équipes pastorales, les communautés linguistiques, les personnes d’autres confessions ou d’autres religions. J’ai aussi dû parfois faire face à l’agressivité ou l’incompréhension de personnes se disant athées ou sceptiques, y compris parmi des amis journalistes».
Une évolution professionnelle et spirituelle
Le travail a beaucoup évolué. «Nous avions bossé sur de gros ordinateurs à disquette et aujourd’hui sur des portables en télétravail. Et nous faisions des recherches dans des bibliothèques, alors que maintenant nous nous fions aux moteurs de recherche sur internet».
«Ce métier m’a aussi ‘travaillée’ spirituellement. D’abord catholique d’étiquette, je suis devenue chrétienne. Au départ, j’appréciais les ”tu écris bien” des autres, qui flattaient mon ego. Ensuite, ce sont les ”ce que tu as écrit m’a fait du bien” qui m’ont nourri. C’était devenu une mission: être là pour transmettre la foi par mes articles. Passer le témoin. Finalement, nous faisons le même job qu’un prêtre… un boulot habité, une vocation», décrit-elle à cath.ch.
Des rencontres enrichissantes
Le métier de Christiane Elmer lui a permis de rencontrer quelques personnalités: Sœur Emmanuelle, Jacques Gaillot, Guy Gilbert, Enzo Bianchi, Georges Haldas, Pierre Tritz, Stan Rougier et Jean Paul II, entre autres. Mais, insiste-t-elle, chaque rencontre est unique et enrichissante. Rien qu’à Bienne, elle a interviewé des personnes venant d’Italie, d’Espagne, du Portugal, de Pologne, de Croatie, d’Ukraine et d’Érythrée. «Bienne, c’est complexe, mais génial», aime-t-elle répéter.
Être à la tête de la rédaction francophone de l’angelus lui a demandé de l’organisation personnelle, de l’anticipation, de savoir rappeler les délais aux contributeurs, «de faire la maman… ce qui m’a valu quelque fois le surnom de Madame Angélus», plaisante-t-elle.
Pas de regrets, mais des projets
Des regrets? «Non, si ce n’est de ne pas avoir étudié la théologie dans mon cursus, et de ne pas avoir écrit plus d’enquêtes pastorales pour l’angelus. Moi qui ai la chance de ne jamais avoir connu le syndrome de la page blanche en 30 ans, j’aurai désormais celui de la page manquante», sourit-elle.
Aux portes de la retraite, Christiane Elmer projette de continuer à écrire, mais dans un style plus poétique et méditatif. Elle a du reste déjà publié en 2020 un recueil dans ce genre, intitulé L’étreinte de la grâce. Elle continuera également ses engagements bénévoles au sein de l’Église: lectrice, ministre de la communion, visiteuse, responsable d’un groupe de chapelet, co-responsable d’une École d’oraison et déléguée à l’Assemblée régionale du Jura bernois pour l’Église nationale catholique romaine dans le canton de Berne. Et en lien avec le journalisme, comme membre du comité de l’Association suisse des journalistes catholiques (ASJC).
Prendre le temps
Mais, en priorité, elle souhaite s’occuper d’elle-même, en cultivant sa vie spirituelle. Et en consacrant du temps à son mari qui prend également sa retraite, à sa maman qui vit au Tessin, et à ses dix filleul-e-s qui ont entre 2 et 30 ans. (cath.ch/gr)
L’angelus en dates
D’abord hebdomadaire, son premier numéro paraît à Noël 1909. En 1912, il paraît pour la première fois en deux langues (allemand et français), et passe de 4 à 6 pages. En 1970, la Mission italienne dispose d’une page, tout comme la Mission espagnole, dès 1986. En 1985, la rédaction germanophone est confiée à un laïc. Et en 1994, la rédaction francophone prend une laïque et journaliste à sa tête. Les deux rédacteurs, alémanique et francophone, sont tous deux des journalistes professionnels.
En 2003, il devient bimensuel, distribué 25 fois par an dans 14’200 ménages et compte 20 pages. En 2006, il comporte 24 pages, et les Missions linguistiques ont chacune deux pages. L’angelus se décline également sur le page internet www.cathberne.ch et www.cathbienne.ch, et dans émission radio œcuménique Respirations sur RJB. En 2017, il devient mensuel, et comprend également la région de La Neuveville et du plateau de Diesse. Il est actuellement tiré à 13’000 exemplaires. GR
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