«Chrétiens d'Orient – Deux mille ans d'histoire» à l’Institut du monde arabe
L’Institut du monde arabe (IMA) à Paris, en collaboration avec l’Œuvre d’Orient, une association française d’aide aux chrétiens du Moyen-Orient, expose du 26 septembre 2017 au 14 janvier 2018 les premières fresques chrétiennes connues au monde. Datant du IIIe siècle, elles proviennent de Doura-Europos, à l’extrême est de la Syrie, près de la frontière irakienne.
L’exposition «Chrétiens d’Orient – Deux mille ans d’histoire», qui réunit des pièces issues du Moyen-Orient et d’Egypte, présente des cartes, des maquettes, des documents et des archives diplomatiques. Elle veut donner au visiteur la pleine mesure de l’implication des chrétiens d’Orient dans la vie culturelle, politique et intellectuelle du monde arabe.
Une communauté plurielle
Elle éclaire l’histoire d’une communauté plurielle et son rôle majeur au Proche-Orient, aux plans tant politique et culturel que social et religieux. Au fil du parcours, des chefs-d’œuvre du patrimoine chrétien sont à découvrir, dont certains montrés en Europe pour la première fois.
Né à Jérusalem, le christianisme s’est rapidement diffusé à tout le Proche-Orient: il s’est implanté en Egypte et dans les actuels Liban, Syrie, Jordanie et Irak. Tout au long de l’histoire, les chrétiens ont joué un rôle majeur dans le développement politique, culturel, social et religieux de cette région du monde.
Une présence chrétienne menacée
Dans cette exposition, la place singulière des chrétiens dans la région est mise en lumière au travers de périodes charnières: installation du christianisme comme religion d’Etat, conciles fondateurs, conquête musulmane, essor des missions catholiques et protestantes, apport des chrétiens à la Nahda (la renaissance arabe), renouveau des XXe et XXIe siècles. L’accent est également mis sur la vitalité actuelle des communautés chrétiennes du monde arabe, menacées dans leur survie sur place par la montée du fondamentalisme islamique dans des pays comme l’Irak ou la Syrie.
Grande diversité du christianisme au Moyen-Orient
Au fil du parcours, l’accent est mis sur la très grande diversité du christianisme, avec ses Eglises copte, grecque, assyro-chaldéenne, syriaque, arménienne, maronite, latine et protestante. Chaque facette du christianisme oriental dans ses dimensions orthodoxe et catholique a sa place dans l’exposition.
Le parcours est jalonné d’œuvres patrimoniales majeures, dont de nombreux chefs-d’œuvre encore jamais montrés. Certains ont été prêtés pour l’occasion par les communautés elles-mêmes. Entre autres merveilles, les Evangiles de Rabula, un célèbre manuscrit enluminé syriaque du VIe siècle conservé à la Biblioteca Medicea Laurenziana de Florence, et les premiers dessins chrétiens connus au monde, de Doura-Europos en Syrie, datant du IIIe siècle.
L’exposition sera ensuite montée au MUba Eugène Leroy, musée des beaux-arts de Tourcoing, du 17 février au 5 juin 2018.
Pour la première fois en Europe
Plusieurs de ces pièces, confiées par des communautés de chrétiens, franchissent pour la première fois les frontières européennes, assure Charles Personnaz, chargé de mission pour les questions sur la culture et le patrimoine des chrétiens d’Orient à l’Œuvre d’Orient. Parmi elles, des fresques qui proviennent de la toute première église chrétienne connue, à Doura-Europos, en plein désert syrien, à l’Est de Palmyre.
Le site de Doura Europos a révélé l’existence d’une villa romaine transformée en lieu de culte, note Sylvain Dorient sur le site catholique Aleteia. Elle fut bâtie au début du IIIe siècle. Une «domus ecclesiae» (»maison de l’assemblée»), dont le caractère sacré est mis en évidence par une série de fresques consacrées à des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Sur l’une d’elles, le bon pasteur est représenté, en même temps qu’Adam et Eve, pour signifier que le Christ lave l’homme du péché originel. Ce catéchisme en images, constant dans l’histoire des monuments chrétiens, confirme que ce bâtiment, qui a la structure d’une villa romaine, est bien un lieu de culte.
Ces fresques rappellent celles que les premiers chrétiens romains réalisaient dans les catacombes. A quelques mètres de l’antique église de Doura-Europos se trouvait en effet une synagogue, contemporaine de l’église, elle aussi ornée de fresques telles que celle représentant Moïse recueilli par l’une des filles du Pharaon. La proximité des lieux de culte, situés de part et d’autre de la Porte de Palmyre, vient rappeler que l’histoire des chrétiens d’Orient n’est pas faite que de drames: ils ont connu des périodes de prospérité, d’ententes et d’échanges avec leurs voisins.
«Arrêtez de croire que le christianisme vient de l’Occident»
Décidé à rétablir une vision plus juste de l’histoire du christianisme, Charles Personnaz rappelle qu’il existait une Eglise en Syrie bien plus développée que celle qui existait à la même époque en Europe. A ses yeux, les œuvres d’art chrétiennes qui ont traversé les siècles jusqu’à nous sont les meilleures ambassadrices de la richesse des cultures des chrétiens d’Orient.
Parmi elles, les Evangiles de Rabula constituent un chef-d’œuvre. Rédigés au VIe siècle, ils sont ornés de motifs floraux colorés sur 292 folios, presque intacts. L’art de l’enluminure oriental a perduré plus longtemps en Orient qu’en Occident, car il a mis plus de temps à être remplacé par l’imprimerie, et il a donné jusqu’au XVIIIe siècle des pièces remarquables. Outre ces pièces, l’exposition compte des icônes et s’achève par des photos, qui rappellent l’actualité tragique qui frappe ces chrétiens. Mais les dangers qui menacent actuellement les chrétiens d’Orient s’accompagnent d’une espérance: ces chrétiens de communautés très diverses prennent conscience d’une identité commune et séculaire, basée sur une histoire commune. (cath.ch/Oeuvred’Orient/IMA/be)