Chine: Tobias Brandner dénonce la répression croissante des chrétiens
Le théologien réformé suisse Tobias Brandner travaille à Hong Kong. Dans la Neue Zürcher Zeitung du 27 juillet 2020, il porte un regard incisif sur les Eglises chrétiennes en Chine, placées sous le radar croissant de Xi Jin Ping et du Parti communiste.
Pour le théologien Tobias Brandner, professeur associé à la Divinity School du Chung Chi College, l’Université chinoise à Hong Kong (CUHK), le constat est clair. «La répression religieuse s’accroît en Chine populaire depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jin Ping en 2012», dit-il dans une interview au quotidien alémanique. Toutefois, concède-t-il, la présence de chrétiens chinois se rendant à l’étranger favorise également l’expansion souterraine du christianisme dans les rangs des migrants chinois.
Installé en Chine depuis 1996, l’enseignant suisse travaille à la CUHK comme professeur de théologie. Sous l’égide de Mission 21, anciennement Mission de Bâle (ou Société évangélique des missions de Bâle), il est également aumônier de prison. Ses recherches présentes portent sur les mouvements de population vers l’étranger, dans le contexte de la Nouvelle Route de la soie.
Perte de repères
Présent sur le continent chinois depuis près d’un quart de siècle, Tobias Brandner déplore l’évolution très individualiste de la société chinoise qui engendre une perte de repères ainsi que le déclin de la solidarité et des valeurs morales.
«Cela contribue à ce que nombre de personnes sont en quête de sens spirituel, ils sont comme sans foyer, indique le chercheur suisse. Dans les religions, ils trouvent de nouveaux repères, une vision nouvelle, des valeurs renouvelées. Et c’est le christianisme qui croît le plus, même si le bouddhisme progresse». Il y aurait 80 millions de chrétiens en Chine.
Mais la répression contre les croyants s’accentue: Elle frappe d’abord les personnes les plus visibles, dit Tobias Brandner. Du coup, les chrétiens chinois sont dans une situation conflictuelle: «pour eux, c’est Dieu qui détient l’autorité suprême et pas le chef du Parti, Xi Jin Ping».
Sous le radar du Parti
La distinction entre les Eglises reconnues et les Eglises indépendantes reste subtile et pour éviter la répression, ces dernières se sont retirées dans la clandestinité. Le Parti tolère leur existence aussi longtemps qu’elles restent sous son radar. Les Eglises indépendantes se sont donc dispersées en petites communautés, pour se protéger. Leurs membres se réunissent en petits groupes de 6 à 10 personnes. Ce peut être dans une salle de restaurant ou dans une maison privée ou un bureau.
Pour Tobias Brandner, les sociétés autoritaires engendrent une certaine schizophrénie: la majorité des Chinois ne croient plus à l’idéologie du Parti communiste, et ils doivent se contenter de belles paroles. Et si la croissance économique porte des fruits, la population constate aussi les dégâts qu’elle provoque.
Nouvelle Route de la soie
Vivant depuis longtemps à Hong Kong, le théologien suisse confie à la NZZ que l’image du missionnaire occidental, qui se rend dans les pays dits «pauvres», est dépassée aujourd’hui. «Les échanges religieux internationaux vont dans tous les sens, confie-t-il. A Hong Kong, quand je dis que je suis missionnaire, les gens trouvent cela chouette. Car c’est quelqu’un qui ne travaille pas pour le profit, mais pour la vision. Mais si, en Suisse, je dis que je suis missionnaire, les gens vont penser: «Est-ce que ce gars a encore toute sa tête ?».
Mais l’idée de mission fait son chemin dans les milieux chinois. Grâce à la nouvelle Route de la soie, vaste projet d’échanges de la Chine avec le reste du monde, des milliers de travailleurs chinois se déplacent à l’étranger. Cette population déracinée constitue un milieu propice pour les missionnaires, car ouverte aux échanges sur les questions religieuses.
L’étranger pour parler de religion
Mais les choses peuvent se gâter si les missionnaires chinois entrent en conflit au sein du pays d’accueil, qui ne veut parler que de commerce. C’est ainsi que l’Etat islamique a tué deux missionnaires chinois au Pakistan, raconte Tobias Brandner. Et l’Etat chinois a été choqué d’apprendre que des compatriotes se servaient de ce projet de Nouvelle Route de la soie pour parler de religion à l’étranger.
L’expression religieuse reste toutefois limitée en Chine. La dernière fois que Brandner a prêché en Chine continentale, c’était en 2018, et en 2019, il a encore pu visiter une église, mais avec grandes difficultés. (cath.ch/nzz/bl)