Chili : une visite du pape «chère» et «mal préparée»
Attendue avec enthousiasme par la population, la visite du pape au Chili, du 16 au 18 janvier 2018, soulève aussi des critiques. En cause, le manque de consultation des organisations ecclésiales de base, le coût du voyage et l’attitude de la hiérarchie locale .
Dans une interview publiée le 8 janvier 2018, dans le journal chilien «La Tercera», le Père Mariano Puga, surnommé le «prêtre ouvrier», chantre de la lutte pour le respect des droits humains sous la dictature d’Augusto Pinochet, critique la manière dont la visite du pape a été préparée. «Je pense que les pauvres n’ont pas été consultés pour la préparation de la venue du pape François et que ce voyage a été organisé dans leur dos.»
«Rien n’a été fait pour expliquer au peuple chilien qui est ce pape, quelle est sa réflexion sur la situation des pauvres, sur le rôle de l’Église à leur égard, sur la responsabilité des prêtres et sur le système économique. Tout cela, le peuple l’ignore,» déplore le «prêtre ouvrier».
Un sentiment partagé par le Père jésuite Felipe Berríos, qui vit dans un bidonville à Antofagasta, à 1’300 kilomètres au nord de Santiago. Pour lui, l’organisation de cette visite pontificale est un peu énigmatique, et il aurait aimé que les communauté ecclésiales de bases soient d’avantage consultées.
Un voyage trop cher
«Beaucoup de Chiliens ne viendront pas à la rencontre du pape, car la seule chose qu’ils ont retenue est que ce voyage coûtera 4’000 milliards de pesos» (6,43 millions de CHF), estime par ailleurs le Père Mariano Puga.
Au-delà du coût, le Père Berríos juge que «les organisateurs n’ont pas été très habiles car ils n’ont pas suffisamment expliqué le sens et le contenu de la visite du pape. Je pense que cela renforce le rejet de nombreux fidèles chiliens à l’égard de la hiérarchie de l’Église du pays.» Le jésuite estime cependant que ce rejet ne concerne pas le pape, qui peut apporter un souffle d’espoir pour beaucoup.»
Une autre Église
Le Père Puga compare la prochaine visite du pape François avec celle effectuée par Jean-Paul II, en 1987. «Les contextes historique, politique et ecclésial sont très différents. Lors de la visite papale de 1987, nous étions dans un Chili qui sortait d’un régime dictatorial ayant systématiquement écrasé les droits humains. Il existait alors une Église chilienne dans laquelle le peuple, les secteurs de la société civile les plus actifs et les chrétiens s’étaient impliqués pour le respect des droits humains».
«Aujourd’hui, poursuit le prêtre, cette Église là n’existe plus. En revanche, ce qui a changé c’est que nous avons un pape qui s’adresse aux pauvres, aux migrants et à ceux dont les droits sont méprisés.»
Le Père Berríos estime que le pape va découvrir «un Chili beaucoup plus démocratique que celui visité par Jean-Paul II. Un pays où les gens sont plus responsables et dotés d’un esprit de liberté et une société beaucoup plus critique.» Et de conclure : «Le pape François risque d’être surpris par une Église silencieuse et refermée sur elle-même. Une Église qui n’est plus à l’avant-garde des changements de la société chilienne». (cath.ch/jcg/mp)