Chili : Pressions autour de la visite de Mgr Charles Scicluna, qui enquête sur Mgr Barros
A la demande du pape François après son voyage pastoral du 15 au 18 janvier au Chili, Mgr Charles Scicluna, archevêque de La Valette, à Malte, se rend le 20 février 2018 au Chili pour tenter de faire la lumière sur le cas de Mgr Juan Barros Madrid, soupçonné d’avoir couvert les abus sexuels du Père Fernando Karadima.
Une mission déjà périlleuse, mais rendue plus difficile encore par les tentatives de pression exercées par le nonce apostolique du Chili, écrit la presse chilienne.
Mais Mgr Scicluna, ancien promoteur de justice de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, est connu pour sa grande fermeté dans les affaires d’abus sexuels. Au milieu des années 2000, il avait notamment été chargé par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, d’enquêter sur les accusations visant le Père Marcia Maciel Degollado, fondateur des Légionnaires du Christ. Devenu pape, Benoît XVI prendra la décision d’écarter le Père Maciel, dont les crimes sexuels seront finalement révélés au grand public après sa mort.
Mais la visite de Mgr Scicluna au Chili, à partir du 20 février, se déroulera dans un climat pesant. A vrai dire, la pression sur l’envoyé spécial du pape chargé d’éclaircir les soupçons qui pèsent sur Mgr Juan Barros Madrid, l’évêque d’Osorno, va débuter dès le 17 février. Ce jour-là, l’archevêque de Malte rencontrera en effet Juan Carlos Cruz, ex-victime de Fernando Karadima et considéré comme le principal témoin de l’affaire. Ce n’est que trois jours plus tard que Mgr Scicluna débutera les auditions des autres possibles témoins. En théorie du moins
Note écrite préalable
Car depuis deux jours, les principaux journaux chiliens ont relayé une information qui secoue une partie de l’Eglise catholique, mais aussi des milieux politique et diplomatique chiliens. Selon plusieurs sources, Mgr Ivo Scapolo, nonce apostolique du Chili depuis juillet 2011, aurait en effet demandé à ce que les trois personnes qui accusent Mgr Barros d’avoir couvert les abus sexuels commis par Fernando Karadima, ainsi que le mouvement des laïcs qui conteste la nomination du prélat à la tête du diocèse d’Osorno en janvier 2015 par le pape François, fassent d’abord parvenir par écrit et de manière synthétique ce qu’ils comptent dire à l’envoyé du pontife.
«La vérité, sans interférence»
Juan Carlos Claret, porte-parole de l’Association laïque d’Osorno, a immédiatement déclaré qu’il ne faisait «pas confiance à 100% à cette enquête du Vatican». Il a surtout insisté sur la détermination de l’association à «vouloir collaborer jusqu’au terme de l’enquête, dans l’espoir que Mgr Scicluna puisse parvenir à faire la vérité sur cette affaire et ce, sans interférence». Si le porte-parole de l’association a accepté l’idée de donner à la nonciature des informations protocolaires, il a néanmoins réaffirmé que «les informations de fond, faisant référence au cas, ne seront données qu’à l’envoyé du pape».
«Loin des griffes de l’Eglise»
Sollicité dans le même sens par le nonce apostolique, Juan Carlos Cruz, le premier témoin à être entendu, a répondu pour sa part qu’il «est important de mener cette enquête loin des griffes de l’Eglise chilienne». Juan Carlos Cruz a d’ailleurs affirmé qu’il a communiqué directement avec Mgr Scicluna qui lui aurait simplement «demandé de lui faire parvenir quelques documents», et non au nonce apostolique à Santiago.
Le nonce critiqué
Le nonce est d’ailleurs de plus en plus considéré comme persona non grata par de nombreuses personnalités politiques chiliennes, par une bonne part de l’opinion publique ainsi que par de très nombreux évêques. Selon plusieurs médias chiliens, nombre d’entre eux auraient même demandé à plusieurs reprises au Vatican le changement de diplomate. Des demandes également appuyées par la conviction que Mgr Scapolo est l’un des responsables directs des graves difficultés rencontrées par le pape durant sa visite au Chili.
A la reconquête des fidèles
En attendant, la décision d’envoyer au Chili un ex-procureur de justice de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ayant collaboré avec celui qui n’était encore à l’époque que le cardinal Joseph Ratzinger, est plutôt bien accueillie. Si la tâche de Mgr Scicluna s’annonce ardue, il bénéficie d’un a priori plutôt positif quant à sa capacité d’enquêter sur des affaires délicates comme cela a été le cas avec Marcial Maciel Degollado, le puissant fondateur des Légionnaires du Christ. En cas de succès, l’archevêque de La Valette pourrait non seulement démontrer la détermination du pape à vouloir clarifier définitivement une affaire qui lui a déjà coûté cher en terme d’image. Mais un succès pourrait surtout permettre à l’Eglise chilienne, institution décriée par beaucoup, de regagner la confiance des fidèles. (cath.ch/jcg/be)