Sénégal: Le pays est assis sur une bombe, affirme l’agronome Souleymane Bassoum
›Ceux qui réussissent le mieux au Sénégal sont dans le blanchiment de l’argent de la drogue’
Lucerne, 23 juin 2011 (Apic) Le Sénégal est assis sur une bombe… Les trafiquants de drogue latino-américains qui, ces dernières années, ont investi la Guinée Bissau, ont désormais pris pied au Sénégal, confie à l’Apic l’agronome sénégalais Souleymane Bassoum. Coordinateur du programme de l’Action de Carême (AdC) au Sénégal, il était parmi les invités le week-end dernier à Lucerne lors des festivités du 50ème anniversaire de l’AdC.
«Les gens qui réussissent le mieux chez nous sont ceux qui blanchissent l’argent de la drogue et l’Etat n’est plus en mesure de faire voter une loi contre le blanchiment d’argent provenant du narcotrafic», lâche cet homme qui n’a pas encore atteint la cinquantaine. Père de huit enfants, le militant qui a étudié l’agronomie à Uppsala, en Suède, et à Montpellier, en France, vit à Thiès, troisième plus grande ville du Sénégal, située à 70 km à l’est de Dakar.
La région de l’Afrique de l’Ouest, notamment la zone subsaharienne, s’est transformée ces dernières années en une plaque tournante de trafic de drogue dure en provenance de l’Amérique latine, constate-t-il.
En vertu de la loi «Abdou Latif Guèye» votée en 2007 par le Parlement sénégalais et qui criminalise fortement le trafic international de drogue dure, la peine contre les trafiquants de drogue varie désormais entre 10 et 20 ans de réclusion, en plus d’être assortie d’une amende à hauteur du triple de la valeur de la drogue saisie.
Mais aujourd’hui, les milieux de la justice sénégalaise relèvent que cette loi est à l’origine du surpeuplement carcéral dans les prisons de Dakar et les maisons de détention des autres régions du Sénégal. Ils demandent une révision du Code des drogues, en affirmant que les dispositions de 2007 ont été adoptées pour des «raisons politiques». Pour éviter l’encombrement des tribunaux et le surpeuplement carcéral, ils souhaitent que l’on qualifie le trafic international de drogue dure (cocaïne et autres) comme un simple délit passible devant le tribunal correctionnel.
«Quand on voit le grand nombre de grosses cylindrées qui circulent à Dakar…
«Quand on voit le grand nombre de grosses cylindrées qui circulent à Dakar et les résidences somptueuses qui se construisent dans la capitale, on comprend vite que cela ne peut se faire avec l’argent tiré des activités économiques du pays», lâche Souleymane Bassoum. Et les trafiquants achètent des complicités autour d’eux, corrompant notamment des chefs religieux et des marabouts. Pour le coordinateur du programme de l’Action de Carême (AdC) au Sénégal, cette évolution est très dangereuse pour l’avenir du pays.
Samedi dernier, le ministre de l’Intérieur sénégalais Ousmane Ngom a promis publiquement à Dakar de mener «une lutte farouche et sans pitié» contre les trafiquants et les consommateurs de drogue dans le pays.
Le ministre avertit les trafiquants de drogue
«J’avertis les trafiquants de drogue que l’Etat du Sénégal va mener une lutte farouche et sans pitié pour éradiquer le fléau de la drogue au Sénégal», a affirmé Ousmane Ngom lors d’une manifestation marquant le démarrage de la semaine nationale de mobilisation et de lutte contre la drogue. Le ministère de l’Intérieur organise une campagne de sensibilisation sur les dangers de la drogue, jusqu’au dimanche 26 juin, décrété par l’ONU Journée Internationale contre l’abus et le trafic illicite de drogues.
«Depuis 2009, au plan international, la drogue a pris de nouvelles dimensions, a déclaré à la presse sénégalaise Ousmane Ngom. Elle passe par l’Afrique de l’Ouest, qui en a consommé 13 tonnes. Donc, tous les pays doivent se mobiliser pour la lutte contre la drogue».
Le ministre préconise que l’argent de la drogue soit confisqué pour financer la sensibilisation et la mobilisation, mais aussi pour la réinsertion des personnes victimes de ce mal, notamment les filles, «de plus en plus présentes dans la vente et la consommation de drogue, chose inhabituelle et méconnue dans nos traditions et coutumes». (apic/be)