Ces catholiques allemands qui ont sauvé des juifs
Alors qu’on célèbre, le 26 janvier 2020, le 75e anniversaire de la libération du camp de concentration à Auschwitz, d’aucuns questionnent l’attitude de l’Eglise catholique allemande durant la guerre. Le Père Helmut Moll, auteur du Martyrologe allemand du XXe siècle, défend l’attitude anti-nazie de nombre de catholiques.
«Selon nos dernières recherches, bien plus de catholiques allemands ont sauvé des juifs que ce nous savions jusque-là», révèle Helmut Moll à l’hebdomadaire allemand Die Tagespost. Le prêtre du diocèse de Cologne connaît bien le sujet.
En 1996, à la demande du cardinal Joachim Meisner de Cologne, le Père Moll a dirigé un groupe de travail qui a élaboré le Martyrologe allemand du XXe siècle. Ce catalogue complet détaille des récits de vie des martyrs catholiques allemands. La première édition de l’ouvrage date de novembre 1999. Son succès a été tel qu’il a été constamment réactualisé: fin 2019, il en est déjà à sa 7e édition.
Sauver des «non-Aryens»
Les catholiques recensés dans le Martyrologue «étaient issus de toutes les couches sociales, de tous les groupes d’âge, hommes et femmes, prêtres et laïcs, indique Helmut Moll. Ainsi, le prêtre Gustav Meinertz, de Cologne, a arraché des rouleaux de la Torah à une synagogue en feu, en 1938 et les a rapportés à la communauté juive après la guerre. Mais il faudrait aussi mentionner tous ceux qui ont procuré aux juifs persécutés un logement, du travail ou de la nourriture».
Autre exemple, celui de Lieselott Neumark, rattachée à l’organisation d’entraide du vicariat de Berlin. Par son courage, elle a sauvé nombre de «non-Aryens». «Dans toutes les régions d’Allemagne, nous avons trouvé des figures de catholiques qui ont aidé des juifs et ont perdu la vie à cause de cela, indique le Père Moll. La lecture du Martyrologue allemand va ouvrir les yeux à nombre de personnes».
C’était évident d’aider
Alors pourquoi une telle discrétion sur la solidarité manifestée avec la communauté juive? «Après la guerre, les survivants avaient d’autres soucis. Il fallait reconstruire le pays, assurer des moyens de subsistance, explique Helmut Moll. Ainsi Josef Höffner, qui devint plus tard cardinal de Cologne, se demandait pourquoi il n’avait pas parlé davantage de l’aide qu’il avait apporté à une fillette juive, Sarah. Mais c’était tellement évident… Et ce genre d’exemples a existé partout». Aider, un geste naturel pour nombre de fidèles catholiques.
Les actes de bravoure émanent aussi des rangs des évêques. Pas tous, mais certains ont clairement pris position en faveur des juifs, contre l’idéologie nationale-socialiste. A Munich, dès 1933 le cardinal Michael von Faulhaber dénonce dans ses homélies de l’Avent l’idéologie nazie: «Nous ne devons jamais l’oublier: nous ne sommes pas rachetés par notre sang allemand, mais par celui de Jésus-Christ». En 1934, dans son ouvrage Judentum, Christentum, Germanentum (Judaïté, christianité, germanité), il écrit: «Un nationalisme morbide déferle sur notre peuple… Prêter l’oreille au premier hurleur venu, ce n’est pas là faire œuvre de patriote». En 1937, von Faulhaber va rédiger le brouillon initial de l’encyclique Mit brennender Sorge, hostile au national-socialisme. Le cardinal secrétaire d’Etat de Pie XI, Mgr Eugenio Pacelli (futur Pie XII) va encore durcir le texte.
Nuit de Cristal
L’évêque de Münster Clemens August von Galen (béatifié en 2005) veut protester après la Nuit de Cristal de 1938, qui causa l’incendie de la synagogue de Münster. Le rabbin de la synagogue l’en dissuade, craignant qu’une protestation officielle des catholiques nuise encore davantage à la communauté juive. Von Galen se range à cet avis.
Au sein de l’épiscopat allemand, l’évêque de Berlin Konrad von Preysing et celui de Rottenburg-Stuttgart Johann Baptist Sproll sont considérés, comme les adversaires les plus résolus à Hitler. Grâce à eux, le 12 septembre 1943, les évêques allemands publient une lettre pastorale sur le Décalogue, fustigeant les dérives idéologiques du national-socialisme. (cath.ch/bl)
Chrétiens héroïques
Margarete Sommer (1893-1965), élevée au rang de «Juste parmi les Nations» par le mémorial Yad Vashem à Jérusalem, a mis son énergie à sauver des juifs. Opposée à l’idéologie nazie, elle travaille dès 1939 à l’œuvre d’entraide de l’évêché de Berlin. Elle permet ainsi à nombre de juifs de fuir l’Allemagne, les préservant de la déportation et de la mort dans les camps. Lorsque le prévôt de la cathédrale Bernhard von Lichtenberg est arrêté par les nazis, elle lui succède. Margarete cache des enfants dans les maisons d’enfants catholiques, dans la chaufferie d’une paroisse de Berlin et même dans sa propre maison.
La famille paysanne de Maria et Heinrich List, d’Ernsbach, dans le Bade-Wurtemberg, hébergent un réfugié juif, Ferdinand Strauss, en danger de mort. «J’ai été pris de compassion pour lui, car nous nous connaissions bien et avions de bonnes relations de travail». Mais en 1942, Heinrich est dénoncé par un voisin. Ferdinand réussira à fuir en Suisse, mais Heinrich sera déporté au camp de concentration de Dachau où il décédera. (bl)
> Zeugen für Christus. Das deutsche Martyrologium des 20. Jahrhunderts. Schöningh, Paderborn u. a. 1999, 7e éd. actualisée en 2019.