Célibat sacerdotal: le caillou de Benoît dans le soulier de François
L’éventualité d’ordonner prêtres des hommes mariés ayant fait leurs preuves, les viri probati, a fait réagir Benoît XVI. Le pape émérite estime, dans un ouvrage cosigné par le cardinal Sarah à paraître le 15 janvier 2020, «ne pas pouvoir se taire» face à cette possibilité.
Eléments du débat ou intervention maladroite? L’intervention surprise du pape émérite Benoît XVI est interprétée par certains comme une pression avant la publication par le pape François, dans les prochaines semaines, de son exhortation apostolique suite au Synode sur l’Amazonie tenu à Rome en octobre dernier, un document qui était attendu fin 2019.
Opposition à la ligne du pape François
Le pape émérite, âgé de 92 ans, et le cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements – connu pour son opposition à la ligne du pape François – signent un livre intitulé Des profondeurs de nos cœurs publié chez Fayard. Cet ouvrage est dédié au sacerdoce, dévoile le quotidien français Le Figaro le 12 janvier 2020. Ensemble, le pape émérite et le cardinal guinéen y réaffirment comme principe fondamental le célibat sacerdotal.
L’ouvrage, publié le 15 janvier prochain, est le fruit de rencontres entre les deux hommes et de correspondances épistolaires pendant le synode sur l’Amazonie, alors qu’est débattue la question de l’ordination des viri probati, ces hommes mariés d’âge mûr. Publié au terme des discussions, le document final, approuvé à une large majorité le 26 octobre dernier, a vivement recommandé l’application de cette mesure extraordinaire pour pallier au manque de prêtres en Amazonie.
Deux mois plus tard seulement, le pape émérite «prend fermement position contre l’ordination sacerdotale d’hommes mariés», peut-on lire dans un article du Figaro intitulé Célibat sacerdotal: le cri d’alarme de Benoît XVI. «Nous avons échangé nos idées et nos préoccupations. Nous avons prié et médité dans le silence», selon des extraits publiés par le quotidien français.
Des «mensonges diaboliques»
«La similitude de nos soucis et la convergence de nos conclusions nous ont décidés à mettre le fruit de notre travail et de notre amitié spirituelle à la disposition de tous les fidèles (…) Nous le faisons dans un esprit d’amour de l’unité de l’Eglise», assurent le pape émérite et le cardinal Sarah. Pour eux, il est urgent que tous les fidèles, évêques et prêtres «ne se laissent plus impressionner par les mauvais plaidoyers» et «les mensonges diaboliques» qui «veulent dévaloriser le célibat sacerdotal».
Les deux hommes, qui s’affirment cependant «en filiale obéissance au pape François», estiment ne pas pouvoir se taire face aux demandes d’ordination l’ordination sacerdotale de diacres permanents mariés. Ils les voient comme une tentative de «dévaloriser le célibat sacerdotal».
«Lien ontologico-sacramentel entre le sacerdoce et le célibat»
Le pape émérite et le cardinal guinéen emploient des arguments percutants: «Il est urgent, nécessaire, que tous, évêques, prêtres et laïcs, ne se laissent plus impressionner par les mauvais plaidoyers, les mises en scène théâtrales, les mensonges diaboliques, les erreurs à la mode qui veulent dévaloriser le célibat sacerdotal, estiment ainsi Benoît XVI et le cardinal Sarah. Il est urgent, nécessaire, que tous, évêques, prêtres et laïcs, retrouvent un regard de foi sur l’Eglise et sur le célibat sacerdotal qui protège son mystère».
«Il y a un lien ontologico-sacramentel entre le sacerdoce et le célibat», estime en conclusion de l’ouvrage le cardinal Sarah. Le prélat guinéen affirme que «tout amoindrissement de ce lien constituerait une remise en cause du magistère du Concile et des papes Paul VI, Jean Paul II et Benoît XVI».
Le pape émérite avait pourtant promis le silence
«Aujourd’hui, Joseph Ratzinger, le pape émérite Benoît XVI, brise encore le silence qu’il avait promis de maintenir après sa démission retentissante et prend position sur le célibat sacerdotal», écrit pour sa part La Stampa le 13 janvier 2020.
Le quotidien italien rappelle que le célibat sacerdotal est le thème qui a dominé les discussions du Synode sur l’Amazonie convoqué par François au Vatican et pour lequel le pape François devrait se prononcer dans l’exhortation post-synodale qu’il devrait publier dans les prochaines semaines.
«Qui est contre le pape est ipso facto hors de l’Eglise»
Tout en répétant sa «fidélité au pape», le cardinal Sarah, qui déclarait encore au printemps dernier au Corriere della Sera «qui est contre le pape est ipso facto hors de l’Eglise», – a cependant émis, au cours des dernières années, des positions diamétralement opposées à celles de François. Le pape argentin, à plus d’une occasion, l’a publiquement corrigé, note pour sa part La Stampa.
Le quotidien italien relève que certains craignent que l’éventualité d’une telle réforme dépasse les frontières de l’Amazonie – qui souffre d’un cruel manque de prêtres – ne génère une déchirure dans la tradition ecclésiale. Celle-ci conduirait alors à l’abolition définitive du célibat, qui, rappelle La Stampa, n’est pas un dogme mais une pratique que chaque pape ou Concile pourrait abolir.
Et les Eglises catholiques de rite oriental?
Comme l’eucharistie est considérée comme la source et le sommet de la vie chrétienne, que les communautés autochtones, dans la forêt amazonienne, ont difficilement accès à un prêtre, et que le célibat des prêtres n’est pas un dogme, le Synode sur l’Amazonie a recommandé l’ordination de viri probati.
D’autre part, l’Eglise catholique connaît la tradition des Eglises orientales qui permettent l’ordination d’hommes mariés. Les prêtres catholiques de rite oriental (copte, syriaque, chaldéen, maronite, syro-malabar, byzantin, arménien, guèze), sont reconnus et leurs Eglises sont depuis des siècles en communion avec l’évêque de Rome. (cath.ch/imedia/croix/ag/be)