Ce que pense le cardinal Marc Ouellet du célibat sacerdotal
«Il faut se poser la question de savoir s’il ne serait pas contre-productif pour l’évangélisation d’introduire une alternative au célibat sacerdotal», écrit le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation des évêques, dans son livre Amis de l’époux (ed. Paroles et Silence, 2019). À la veille de l’ouverture, au Vatican, du symposium sur le sacerdoce, I.Média revient sur la façon dont le cardinal pense le sacerdoce ordonné.
Dans son ouvrage publié en 2019, le cardinal Marc Ouellet décrit «une vague de contestation sans précédent sur l’Église et sur le sacerdoce», et «des assauts du dehors et même de l’intérieur pour diviser l’Église». Les 400’000 prêtres de par le monde «se sentent inconfortables dans leur rôle, plus que jamais incompris», note-t-il alors que la figure du prêtre se trouve entachée par les scandales des abus.
Le célibat du prêtre «ridiculisé»
Dans «un monde qui n’estime pas la chasteté et ne croit pas à un engagement d’amour définitif», le cardinal canadien constate que «le célibat du prêtre est non seulement soupçonné d’hypocrisie et ridiculisé, mais parfois même honni et dénoncé comme une honteuse mascarade».
Pourtant, «ce n’est pas en baissant pavillon devant les contestations ou les lamentations, ni en abaissant les exigences de la formation qu’on suscitera de nouvelles vocations», écrit celui qui invoque son histoire personnelle de prêtre ordonné en mai 1968 «dans une ambiance de contestation généralisée».
Cette époque, ajoute-t-il, «aurait pu faire dévier ou même interrompre ma course, comme ce fut le cas pour beaucoup de prêtres et de religieux à cette époque». Si le cardinal – qui après son ordination a rejoint la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice – a survécu aux turbulences, confie-t-il, «c’est grâce à l’expérience missionnaire, l’amitié sacerdotale et la proximité des pauvres».
Au fil de son ouvrage apologétique, il exhorte à ne rien sacrifier «des valeurs permanentes de la tradition chrétienne». Sous peine d’être condamnée à l’échec, explique-t-il, la nouvelle évangélisation ne peut être «une modernisation des mœurs et des coutumes afin de rendre le christianisme plus recevable».
Par un argumentaire théologique, le cardinal Ouellet entend montrer la pertinence de la loi du célibat. «L’heure présente de l’Église ›en sortie’ ne gagnerait pas, à mon sens, à réduire les exigences du sacerdoce au nom d’impératifs culturels et pastoraux régionaux», martèle-t-il.
Il souligne que l’abandon de cette pratique aurait «un impact incalculable et tout à fait prévisible» sur la vie religieuse: «Si le célibat n’est plus une valeur décisive pour l’exercice du ministère sacerdotal, la vie religieuse elle-même en ressort dévalorisée et reléguée au second plan au profit de la fonction sacerdotale.»
Retrouver l’amour et la foi
Dans ses nombreuses conférences, notamment à Ars en France, retranscrites dans cet ouvrage, le préfet canadien tente une nouvelle approche de la question qui sorte de la dialectique de «l’idéal de la virginité», ou d’une perspective «purement ascétique et spirituelle». Les motivations anciennes ne suffisent plus, reprend-il en leitmotiv, il faut une conversion en profondeur.
Alors, quelle est la nouvelle direction à emprunter? Voir le sacerdoce comme une «représentation du Christ-Époux», répond-il. Tout comme Jésus «a livré son Corps une fois pour toutes», le prêtre est alors appelé à «une réponse du même ordre, c’est-à-dire totale, irrévocable et sans condition». Le cardinal Ouellet souhaite que les prêtres gardent «une vive conscience d’agir in persona Christi» – en la personne du Christ.
Cette vision théologique est aussi, selon le cardinal sulpicien, «une réponse à la prétention féministe au ministère ordonné».
En filigrane de la vocation au sacerdoce ordonné, le préfet du dicastère chargé de la nomination des évêques dans le monde insiste sur l’amour: «C’est la conscience d’un appel personnel d’amour, soutenu par la grâce, qui est la première condition pour réussir le dépassement de soi qu’exige le célibat sacerdotal».
Il inscrit plus globalement «la crise du célibat dans une cause anthropologique», à savoir la «perte du sens de la nuptialité et de la fécondité» qui touche aussi les laïcs.
Mais au fond, pour le cardinal Ouellet, le point crucial est de retrouver la foi. Car sans elle, affirmait-il à I.MEDIA, le célibat sacerdotal «est incompréhensible». (cath.ch/imedia/ak/bh)
Amis de l’époux. Éditions Parole et Silence, 2019.