Erwin Tanner, le secrétaire de la Conférence des évêques suisses (Photo: Bernard Hallet)
Suisse

Les catholiques: Une minorité en voie de disparition en Turquie

Le groupe de travail ‘Islam’ de la Conférence des évêques suisses a effectué, au début du mois de mai, un voyage de huit jours en Turquie. Le but: saisir les mutations de la société turque et leurs conséquences pour les chrétiens. De retour en Suisse, le responsable du groupe, Erwin Tanner, revient sur les enseignements à tirer de cette visite dans un pays où les catholiques sont une minorité en voie de disparition.

La délégation suisse a rencontré la Conférence des évêques catholiques de Turquie. Qu’en avez-vous retenu ?

Erwin Tanner: Les chrétiens qui vivent dans des conditions difficiles désirent profondément ne pas être abandonnés à leurs soucis, mais pouvoir les partager avec d’autres. J’ai eu diverses occasions de parler avec des représentants des Eglises en Turquie et de me faire ainsi une image de leur situation. La visite du Groupe de travail ‘islam’ de la Conférence des évêques suisses a été très appréciée. Nous avons été reçus à bras ouverts.

Avez-vous pu comprendre quels sont les points les plus délicats de la situation des catholiques en Turquie ?

Les catholiques en Turquie forment une petite communauté en voie de disparition qui est, en outre, divisée en plusieurs rites. Le clergé provient en grande majorité de l’étranger et se compose de religieux. Il n’est pas assez familier des réalités linguistiques et culturelles du pays. Ainsi, l’Eglise n’a pas de stabilité structurelle et organisationnelle. Même si le nombre de croyants d’origine turque progresse, elle n’est pas une minorité nationale et n’a pas de statut légal.

Selon le droit, les chrétiens bénéficient de la liberté de vivre leur religion, mais dans la vie quotidienne, ils se heurtent aux limites d’une société imprégnée par l’islam. A cause de leur appartenance religieuse, ils ont des difficultés sur le marché du travail. Ils ne peuvent pas construire d’église où se rassembler.

Est-il toujours impossible pour l’Eglise catholique de former des prêtres en Turquie? Voit-on une amélioration possible?

Comme auparavant, l’Eglise catholique forme ses prêtres à l’étranger. Les évêques désirent ardemment un clergé formé dans le pays, à l’aise aussi bien avec la langue turque qu’avec les usages de la société  et qui se soucie de la continuité ecclésiale. Cet aspect a une importance fondamentale pour la pastorale. Mais dans la situation actuelle, aucune amélioration n’est en vue.

Vos interlocuteurs ont parlé de progrès dans le domaine de la liberté de religion en Turquie. Quels sont-ils ?

Nos interlocuteurs chrétiens, mais aussi musulmans, ont souligné que la Turquie, en tant qu’Etat laïc, garantit la liberté de religion et que selon la Constitution une conversion de l’islam vers le christianisme est sans autre possible. La tendance à l’islamisation, à l’»osmanisation» de la société, ne s’y oppose pas, ou du moins pas encore.

On souligne aussi que malgré l’existence d’un Etat turc séculier, contrairement aux Etats européens, les religions jouent toujours un grand rôle social et que les dignitaires ecclésiaux sont respectés.

Au cours de ce voyage de huit jours, vous avez rencontré diverses personnalités. Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus impressionné ?

Deux rencontres m’ont particulièrement marqué. Il s’agit de celle du président de la Conférence des évêques catholiques de Turquie, Mgr Levon Boghos Zekiyan. Malgré les soucis, il rayonne d’espérance et de reconnaissance, tout en ayant une vision claire de l’Eglise en Turquie. La deuxième est celle du directeur du praesidium pour les affaires religieuses du gouvernement (Diyanet), le professeur Mehmet Görmez. En regard de la situation de Jérusalem, il se prononce en faveur d’une charte entre les trois religions monothéistes, dans laquelle les directives éthiques et légales pour une coexistence pacifique pourraient être formulées.

Comment ce voyage peut-il porter du fruit pour le dialogue interreligieux ici en Suisse?

Ce voyage a été très enrichissant pour nous. Avec les informations recueillies et les expériences vécues, nous pouvons poser notre dialogue avec l’islam turc en Suisse sur de bonnes bases. Car une part importante des musulmans de Suisse est originaire de Turquie. Nous aurons désormais matière à approfondir le dialogue avec eux. (cath.ch-apic/kath.ch/bal/mp)

Erwin Tanner, le secrétaire de la Conférence des évêques suisses
2 juin 2016 | 16:00
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 3  min.
Erwin Tanner (22), Islam (393), Turquie (114)
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