Le cas du cardinal Stepinac évoqué au Vatican par le Premier ministre croate
Lors de l’audience accordée le 7 octobre 2017 par le pape François à Andrej Plenkovic, Premier ministre de Croatie, les deux hommes ont discuté des travaux autour de la figure du bienheureux cardinal Alojzije Stepinac (1898-1960). L’ancien archevêque de Zagreb a été béatifié par Jean Paul II en octobre 1998 au sanctuaire de Marija Bistrica, au nord de la Croatie.
Le pape François et Andrej Plenkovic, lors d’une rencontre «cordiale», ont abordé le travail de la Commission mixte d’experts croates et serbes au sujet de la figure – toujours controversée – du cardinal Stepinac. Après l’audience, Andrej Plenković a d’ailleurs dit souhaiter la présence du pape en Croatie pour le vingtième anniversaire de la béatification du cardinal Stepinac l’an prochain. Cette béatification avait suscité l’incompréhension des Serbes et des juifs.
Le régime génocidaire des Oustachis
Le cardinal Stepinac, archevêque de Zagreb de 1937 à 1960, a été accusé après la Deuxième guerre mondiale par le régime communiste de Tito d’avoir collaboré avec le régime antisémite et antiserbe des Oustachis, dirigé par Ante Pavelic. Ce dernier, allié d’Hitler, avait décrété que les Serbes, les Juifs et les Tziganes étaient des «races inférieures», les Juifs devant porter l’étoile jaune et les orthodoxes, le brassard bleu. Les Oustachis ont assassiné des dizaines de milliers de Serbes, de Juifs et de Tziganes dans divers camps de concentration croates, notamment à Jasenovac.
Lors de sa visite pastorale en Croatie en juin 2011, Benoît XVI avait évoqué la vie «héroïque» du cardinal Stepinac. Le 5 juin 2011, dans la cathédrale de Zagreb, le pape avait assuré que le bienheureux, accusé par certains milieux de collaboration avec le régime des Oustachis, avait su au contraire «résister à tout totalitarisme», devenant le défenseur des juifs, des orthodoxes et de tous les persécutés» sous la dictature fasciste, et un «martyr» sous le régime communiste.
Une commission mixte catholique-orthodoxe
Le 22 juillet 2016, un tribunal de Zagreb, la capitale croate, a annulé le verdict prononcé en 1946 contre le cardinal Stepinac, qui avait été à l’époque condamné par la justice yougoslave pour «collaboration» avec le régime pronazi des Oustachis. Condamné à seize années de travaux forcés, l’archevêque avait été libéré au bout de cinq ans et assigné à résidence dans le monastère de Lepoglava, placé sous contrôle des autorités yougoslaves.
Coordonnée par le Père Bernard Ardura, président du Comité pontifical pour les sciences historiques, une commission scientifique internationale mixte catholique-orthodoxe a été lancée en mai 2015 par le pape François, à la demande du patriarche de l’Eglise orthodoxe serbe Irénée, pour établir la vérité historique sur la vie du bienheureux Alojzije Stepinac. La commission était composée d’évêques et d’historiens, dont cinq représentants de l’Eglise catholique de Croatie et cinq représentants de l’Eglise orthodoxe serbe.
Les divergences demeurent
Réunis les 12 et 13 juillet 2017 au Vatican au cours de leur sixième et dernière réunion, les membres de la commission mixte d’experts croates catholiques et serbes orthodoxes ont fait savoir que divers événements, interventions, écrits, silences et prises de positions «font toujours l’objet d’interprétations diverses» et que les positions des deux côtés restent divergentes.
Les évêques croates, pour leur part, militent pour la canonisation du bienheureux Stepinac, qualifié de «trésor non seulement pour l’Eglise catholique mais, plus largement, pour toute la Croatie et pour le monde». (apic/imedia/be)