Caritas Suisse plaide pour «la formation professionnelle contre la pauvreté»

Caritas, qui occupe en Suisse une place de choix en matière de politique du développement, met en place, dans les pays du Sud, des programmes de formation professionnelle pour lutter contre la pauvreté.

Les personnes démunies ont besoin d’une formation qui ouvre des perspectives permettant de briser le cercle vicieux de la misère, peut-on lire dans l’Almanach de politique du développement 2016 de Caritas Suisse qui vient de paraître (*).

La formation professionnelle est le thème de cet ouvrage qui rassemble des expériences, des réflexions et un regard critique de différents acteurs du Nord et du Sud, d’analystes et de praticiens de la formation professionnelle ainsi que des partenaires de la coopération au développement.

Savoir lire et écrire ne suffit pas

Lorsqu’on pense formation dans le contexte de la coopération internationale, on pense surtout aux enfants qui vont à l’école primaire. «Ce n’est pas faux, affirme Caritas Suisse, car il s’avère que sans les aptitudes acquises à l’école primaire, les jeunes n’ont aucune chance de sortir de la pauvreté. Mais savoir lire et écrire ne suffit pas: seule une bonne formation professionnelle leur permettra plus tard de trouver leur place durablement dans le monde professionnel. Et c’est ainsi partout dans le monde!»

L’Organisation des Nations Unies a inscrit la formation professionnelle dans son Agenda 2030 et le Conseil fédéral veut également renforcer la formation professionnelle dans sa coopération au développement. Et à raison: beaucoup des personnes les plus pauvres dans les pays du Sud n’ont ni les moyens ni le temps de suivre un apprentissage professionnel formel après l’école primaire. L’accès à ce genre de formation leur est rendu difficile ou impossible. L’aide au développement doit donc créer des possibilités de formation pour permettre aux gens d’augmenter leur chance de trouver un emploi et d’assurer leur existence à long terme, estime l’oeuvre d’entraide catholique basée à Lucerne.

Les propositions de l’Almanach de politique du développement 2016

Caritas Suisse souhaite poser des questions de fond sur la formation professionnelle et ses différentes formes en tant que stratégie de lutte contre la pauvreté dans la coopération au développement.

L’Almanach précise de quoi l’on parle lorsqu’on évoque la formation professionnelle dans la coopération au développement, à quoi doit ressembler une formation professionnelle efficace pour les personnes les plus pauvres et comment Caritas met en place des programmes de formation professionnelle pour lutter contre la pauvreté.

Formation professionnelle, pourquoi ?

Ces 30 dernières années, la coopération au développement s’est surtout penchée sur l’éducation de base. Dans les années 2000 encore, les Objectifs du millénaire, qui ont précédé les Objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, ne parlaient pas de formation professionnelle. Dans les pays très pauvres comptant un grand nombre de personnes analphabètes, il semblait évident qu’il fallait insister sur l’éducation de base puisqu’une formation professionnelle n’est pas imaginable pour une personne ne sachant pas lire, écrire ou compter.

«Augmenter considérablement le nombre de jeunes et d’adultes disposant des compétences, notamment techniques et professionnelles, nécessaires à l’emploi, à l’obtention d’un travail décent et à l’entrepreneuriat», peut-on lire l’Agenda 2030. La formation professionnelle est ainsi à nouveau au centre de la coopération au développement. Le Conseil fédéral également a dit vouloir renforcer la formation professionnelle dans son Message sur la coopération internationale 2017-2020. Caritas Suisse souhaite par conséquent une discussion sur les meilleurs moyens d’utiliser la formation professionnelle pour lutter contre la pauvreté.

Ne pas simplement calquer le système suisse de formation professionnelle

«Le système dual de formation professionnelle est un instrument qui contribue à un haut niveau d’emploi et à la compétitivité en Suisse. Mais l’inscrire dans un contexte totalement différent, tel que celui de la coopération au développement, mérite mûre réflexion», écrit Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse, «car un simple calque est à coup sûr voué à l’échec!»


Système dual suisse et réalités du Sud

La Suisse est fière de son système de formation professionnelle duale, qui mène en parallèle l’enseignement pratique et l’enseignement théorique, ce qui garantit une bonne efficacité au système de formation professionnelle, écrit Caritas Suisse. «Ce système fonctionne bien en Suisse, notamment parce que l’Etat, les entreprises et la société poursuivent les mêmes objectifs, ce qui permet d’établir des relations politiques, sociales et économiques stables et régulières».

Dans la plupart des pays pauvres, la situation n’est pas aussi simple. Beaucoup de leurs habitants travaillent dans l’économie informelle — un système qui n’est pas régi par une réglementation contractuelle des relations de travail. Les plus pauvres eux aussi peuvent gagner un petit revenu dans cette économie informelle, mais pour pouvoir y prétendre, ils doivent posséder toute une série d’aptitudes qui dépassent largement celles nécessaires au métier proprement dit. Par exemple, en plus d’une éducation de base et de connaissances dans d’autres domaines spécialisés, ils doivent avoir des aptitudes telles que la fiabilité ou la persévérance.

Dans ce système, les aptitudes professionnelles sont également informelles: des professionnels expérimentés transmettent leur savoir en dehors de toute formation formelle, aux membres de leur famille ou au sein de réseaux sociaux de proximité. Les avantages de ce genre d’apprentissage sont évidents : ils sont extrêmement pratiques et se basent sur les aptitudes de vie.

Un apprentissage lacunaire

Mais ce genre d’apprentissage est lacunaire, car il est coupé des exigences du marché, même du marché informel, montre l’étude de Caritas Suisse. En effet, les formateurs transmettent ce qu’ils ont eux-mêmes appris, et leurs apprentis n’ont ainsi pas de connexion avec les connaissances et technologies actuelles.

«De plus, la perspective à long terme est mise à mal: les gens sont formés dans des professions qui n’ont pas d’avenir et qui n’offrent de perspective de gain qu’à court terme. Souvent, il n’y a pas d’alternative. Une formation professionnelle permettant de lutter contre la pauvreté tient compte de l’économie informelle et de l’apprentissage. Elle intègre de nouvelles connaissances dans la formation, ce qui permet d’établir des chances d’emploi sur le plus long terme. Et surtout, elle crée pour toutes et tous un accès au marché du travail local par le biais d’offres à un prix abordable». (cath.ch-apic/caritas/com/be)

 

(*) La formation professionnelle pour lutter contre la pauvreté Almanach Politique du développement 2016 Editions Caritas Lucerne, septembre 2016, 256  pages www.caritas.ch/shop

Caritas Suisse Almanach Politique du développement
14 septembre 2016 | 10:02
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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