Avec le blocus israélien, l'aide de Caritas Suisse à Gaza est compromise | © DYKT Mohigan/Flickr/ CC BY 2.0
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Caritas Suisse: le blocus israélien met en péril la vie des Gazaouis

Depuis le 2 mars 2025, le gouvernement israélien a bloqué toute l’aide humanitaire entrant à Gaza, y compris le carburant et l’électricité, menaçant l’approvisionnement en eaux des Gazaouis. À l’instar d’autres ONG internationales, Caritas Suisse ne parvient plus à apporter son aide à la population que de manière limitée. Elle demande au Conseil des États de ne pas suspendre les versements à l’UNRWA.

Pour la deuxième fois depuis le début de la guerre – le premier blocus a eu lieu en octobre 2019 – Israël a interrompu toutes les livraisons de marchandises destinées aux habitants de la bande de Gaza. Depuis plus de deux semaines, l’aide humanitaire n’arrive donc plus jusqu’à la bande de Gaza. Tel Aviv cherche ainsi à faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte ses conditions à la prolongation de la première phase de cessez-le-feu.

L’aide de Caritas n’arrive que de manière très limitée

«Même les produits commerciaux comme la nourriture et l’essence sont retenus aux postes-frontières», indique Caritas Suisse. La situation de la population civile se détériore de plus en plus, et les prix des denrées alimentaires augmentent chaque jour. Cela a des conséquences directes sur les activités de ses partenaires, informe l’œuvre d’entraide. «Ils doivent limiter la distribution de marchandises car l’essence n’arrive plus jusqu’à la bande de Gaza, à cause du blocus», rapporte Sarah Buss, responsable de l’aide en cas de catastrophe chez Caritas Suisse. «Sans carburant, ils ne peuvent plus atteindre nos centres d’approvisionnement – ni les personnes en détresse», poursuit-elle. Certains Gazaouis brûlent du plastique pour fabriquer du carburant artisanal, les hydrocarbures étant essentiels au fonctionnement des voitures, mais aussi des nombreux générateurs utilisés sur le territoire palestinien, note des observateurs du place.

Ce blocus persistant touche également un projet que Caritas Suisse mène avec la Chaîne du Bonheur. «Depuis des mois, nous essayons d’acheminer du matériel d’hygiène dans la bande de Gaza. On nous a d’abord fait emprunter la route de livraison depuis la Jordanie, puis celle depuis l’Égypte. Cela rend la logistique extrêmement difficile. Maintenant, les deux sont fermées», déplore Sarah Buss. Une distribution de couches pour enfants, de produits d’hygiène pour les femmes, de shampooings et de savons devait avoir lieu ces derniers jours. Au lieu de cela, la marchandise attend dans un entrepôt au Caire jusqu’à ce que le transport soit à nouveau possible.

Actuellement, seul ce qui est déjà en stock dans la bande de Gaza peut être distribué. Les nouveaux biens comme les tentes, la nourriture et les couvertures n’arrivent pas dans la région presque entièrement détruite par la guerre. Pourtant, les besoins sont énormes: une grande partie des logements a été détruite et les personnes déplacées vivent dans des abris de fortune, exposées au vent et aux intempéries de la zone côtière. 

Plus d’électricité, donc plus d’eau potable?

Pire encore, l’État hébreu a coupé depuis le 10 mars l’approvisionnement en électricité à Gaza, menaçant par la même occasion le traitement des eaux usées et l’accès à l’eau potable de la population. Les conditions humanitaires, déjà désastreuses dans le territoire, vont prendre un tournant proprement dramatique. Les usines de dessalement de ce territoire qui manque d’eau ont besoin d’électricité pour produire de l’eau potable. La coupure d’électricité pourrait également affecter les pompes à eau et les installations sanitaires.

Des responsables travaillant avec l’Unité des eaux des municipalités côtières de Gaza (CMWU) ont déclaré à Human Rights Watch que les réserves de carburant ne suffiraient à assurer le fonctionnement des installations d’eau que pendant une semaine, après quoi la quasi-totalité de l’eau produite par les puits et l’une des deux installations de dessalement en état de marche à Gaza ne pourraient plus fonctionner.

Malnutrition et déshydratation

Selon ces mêmes responsables, les autorités israéliennes ont également rejeté les demandes du CMWU pour la réparation de l’une des trois conduites d’eau qui approvisionnent Gaza depuis Israël, hors service depuis six semaines en raison des opérations militaires.

Pour faire pressions sur le Hamas, Israël a encore menacé de couper son approvisionnement en eau. Comme l’a expliqué dans un communiqué la mairie de Gaza, Mekorot, une société israélienne de distribution d’eau, assure environ 70% des besoins quotidiens en eau de la ville. «Si l’approvisionnement en eau de ce réseau de distribution est interrompu, cela pourrait entraîner une grave pénurie d’eau, menaçant la vie des civils et provoquant une détérioration de la santé publique, avec la propagation potentielle de maladies», a-t-elle averti.

Pour Human Rights Watch, des milliers de Palestiniens à Gaza risquent ainsi de mourir des suites de la malnutrition, de la déshydratation et de maladies résultant du blocus israélien.

Les versements suisses à l’UNRWA

Dans ce contexte de crise humanitaire majeure, Caritas Suisse en appelle à la poursuite du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas et à la libération des otages. Elle demande aussi au Conseil des États, qui se penchera le 18 mars sur la situation humanitaire dans la bande de Gaza, de ne pas suspendre les versements à l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour l’aide aux Palestiniens.

Seul l’UNRWA dispose des structures, du personnel et de l’expertise nécessaires pour assurer l’approvisionnement suffisant en biens de secours essentiels et leur distribution adéquate, avait rappelé Alliance Sud en avril 2024, avant que le National ne décide en septembre 2024 de ne plus soutenir l’UNWRA, sous prétexte de soupçons de terrorisme. Si les conseillers d’État confirment le vote du National, la Suisse serait le troisième pays – après les Etats-Unis et la Suède – à couper les fonds de cette agence employant 30’000 personnes venant en aide à plusieurs millions de réfugiés. (cath.ch/com./lb)

Avec le blocus israélien, l'aide de Caritas Suisse à Gaza est compromise | © DYKT Mohigan/Flickr/ CC BY 2.0
17 mars 2025 | 11:48
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 4  min.
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