Caritas Fribourg invite à la solidarité chrétienne avec «l’étranger qui vient à nous»
Si la responsabilité de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour accueillir les migrants et les réfugiés revient principalement à l’Etat, «nous sommes tous concernés par la crise migratoire», écrit Petra Del Curto, directrice de Caritas Fribourg, dans l’édition d’avril 2016 de Caritas.mag.
«L’étranger qui vient à nous est une réalité que nous avons tous à affronter, qu’il soit vu comme une menace, comme quelqu’un qui a besoin de notre aide ou comme un ami potentiel», écrit Petra Del Curto dans Caritas.mag.
Cette édition du journal des Caritas romandes présente les actions de Caritas, les initiatives citoyennes, ainsi que les propositions des Eglises locales et des communautés chrétiennes fribourgeoises. Elles ont été lancées en partenariat avec la Direction de la santé et des affaires sociales (DSAS) pour répondre à la carence de lieux d’hébergement ou de logements pour les requérants d’asile attribués par la Confédération au canton de Fribourg.
Philoxenia, l’amour de l’étranger, à l’opposé de la xénophobie
Les témoignages recueillis dans le cadre des deux initiatives fribourgeoises «Osons l’accueil» et «Don de Dieu, don de l’autre» mettent en relief le principe de la gratuité et du don, mais pas uniquement. «Elles font appel à notre hospitalité, à notre disposition à faire une place pour l’autre dans notre propre univers. L’hospitalité, du grec philoxenia, indique l’amour de l’étranger, attitude inverse de la xénophobie».
«L’hospitalité chrétienne, si bien illustrée par la parabole du bon Samaritain, conclut la directrice de Caritas Fribourg, nous invite à voir en l’étranger, le migrant ou le réfugié, l’autre qui est dans le besoin, le prochain que nous sommes appelés à servir».
Etre chrétien, c’est être solidaire !
En charge notamment du dicastère Solidarité et ouverture au monde, le Père spiritain Gérald Mayor reçoit cath.ch à la cure de Saint-Aubin, dans la Broye fribourgeoise. Le curé in solidum au sein de l’Unité pastorale (UP) Notre-Dame de Tours, a été missionnaire au Congo-Brazzaville pendant presque quinze ans, dans les années terribles de la guerre civile. Le solide Valaisan n’y va pas par quatre chemins: être chrétien, c’est être solidaire !
L’appartement au-dessus de la cure était vide et la paroisse cherchait des locataires. «Nous avons signalé notre intérêt, et la société ORS, chargée par le canton de Fribourg de l’accueil des requérants d’asile, est venue nous voir. Puis un jour, après un mois et demi, ils étaient là: Samson et sa fille Nardos, âgée de 12 ans, des requérants d’asile venant d’Erythrée. Ils sont arrivés chez nous au début de décembre. Ils ont rallié la Suisse en septembre et ont passé par des centres pour requérants à Neuchâtel et à Broc. La mère et les autres enfants sont encore au pays. Ils possèdent un livret N et, dès qu’ils auront un autre permis, Samson pourra chercher du travail… La famille s’est cotisée pour qu’ils puissent partir du pays et payer le voyage. Ils vont rembourser petit à petit».
On accueille non pas des «étrangers», mais des «voisins»
Dans son village natal, en Valais, Gérald Mayor a grandi au milieu des saisonniers qui venaient travailler dans les vignes, ce qui lui a appris à s’ouvrir aux autres. De par sa sensibilité missionnaire aiguisée, pour le Père Mayor, il était tout à fait logique d’accueillir non pas des «étrangers», mais des «voisins». «La crainte des autres, de l’inconnu, c’est normal. Il faut se connaître. La peur, c’est à nous de l’enlever !»
Le Conseil de paroisse a approuvé la démarche. Depuis leur arrivée, des gens se sont révélés: «Nous avons découvert des pépites d’or dans cette paroisse ! Des gens viennent tout simplement leur dire bonjour, demander s’ils ont besoin de quelque chose… Un enfant à l’école a cherché un dictionnaire français-anglais pour savoir comment dire bonjour à Nardos, car elle ne parlait, au départ, que tigrinya et anglais».
Découverte de pépites d’or dans la paroisse
En effet, des gens de toute l’UP, de Payerne, de Cousset, d’autres lieux, sont venus donner un coup de main, offrir des cours de français à cette famille. «Ce sont des paroissiens, mais aussi d’autres personnes que je ne connaissais pas du tout. Je ne leur demande pas leur religion. Chez nous, nous ne laissons personne dehors. L’accueil, c’est exigeant, mais c’est beau ! En outre, c’est moins lourd que l’on nous avait dit. Nous n’avons pas besoin d’être là 24 heures sur 24».
Pour favoriser l’intégration, il encourage les nouveaux venus à participer aux activités villageoises, comme la Fête de la Saint-Nicolas. Pour les habits et la nourriture, les «voisins» du Père Mayor sont aidés financièrement par l’ORS, mais ils se gèrent de façon indépendante. «Il faut respecter leur liberté… et passer beaucoup de temps à expliquer des tas de petites choses qui nous semblent, à nous, tout à fait naturelles: comment fonctionne la machine à laver, le chauffage, etc. Il faut aussi tenir compte des différences culturelles. Ils doivent ‘apprendre la Suisse’, comme moi, j’ai dû ‘apprendre l’Afrique’ quand je suis parti en mission». A l’adresse de ses confrères prêtres, le Père Mayor lance: «Cela fait du bien d’avoir quelqu’un à qui parler, de savoir que la maison est habitée: on peut partir, et il y a de la lumière à l’étage!»
En Veveyse, Caritas est chargée de l’accueil des migrants
Ancien membre de la Corporation ecclésiastique catholique du canton de Fribourg, longtemps président de paroisse à Semsales, Jean-Pierre Sonney a, lui aussi, été interpellé par l’appel du pape François en faveur de l’accueil des migrants et des réfugiés.
Curé modérateur de l’Unité pastorale Saint-Denis, l’abbé Petru Popa a confié à la section Caritas Veveyse le mandat pastoral de la diaconie pour les sept paroisses du district de la Veveyse, depuis le 1er février dernier. L’œuvre d’entraide catholique est ainsi officiellement chargée de l’aide aux personnes exclues, démunies et en situation de précarité, ainsi qu’aux migrants et aux réfugiés.
Ne pas faire les choses en parallèle
«A la demande de l’évêque, on devait se préparer à l’accueil des réfugiés et des requérants d’asile, voir si des logements seraient libres dans nos villages, trouver des bénévoles». Pour répondre à cette demande de disponibilité à l’accueil, l’Unité pastorale Saint-Denis, regroupant les paroisses de Porsel, Saint-Martin, Le Crêt-Progens, Châtel-Saint-Denis, Remaufens et Attalens, a décidé d’agir. Une entente et une vision commune se sont ainsi construites entre l’équipe pastorale, le conseil de gestion de l’Unité pastorale, les conseils paroissiaux et les conseils pastoraux de chaque paroisse, ainsi que Caritas Fribourg.
«Tout le monde était d’accord: il fallait mandater Caritas Veveyse, qui a accepté de relever le défi. C’est l’acteur majeur, sinon exclusif, de l’action en faveur des plus démunis sur notre territoire, souligne l’abbé Popa. On a élargi notre comité pour prendre en charge cette nouvelle tâche et mobiliser de nouveaux bénévoles». La section est soutenue par Caritas Fribourg. L’abbé Petru Popa et Jean-Pierre Sonney, président de Caritas Veveyse, s’accordent à dire: «Cette démarche demande de mettre nos compétences et notre disponibilité au service des plus démunis dans une logique de complémentarité avec les projets existants».
L’Unité pastorale, Caritas Veveyse et «Osons l’accueil» s’organisent et se préparent avec enthousiasme et responsabilité. «Nous allons travailler avec ‘Osons l’accueil’, compléter son réseau, car il ne sert à rien de faire les choses en parallèle. Nous allons rencontrer une fois par trimestre les familles qui accueillent les requérants d’asile et tirer un bilan final de l’accueil, trouver des interprètes bénévoles, des personnes qui peuvent donner des cours de langues, des chauffeurs pour accompagner les requérants chez le médecin ou faire les courses», témoigne Jean-Pierre Sonney.
Travailler à l’entre-connaissance
L’entrepreneur retraité voit déjà des premiers signes encourageants: un migrant égyptien, à qui Caritas avait apporté son aide pour un cours de langue, a spontanément offert ses services pour les traductions: il connaît l’arabe, le tigrinya et le farsi. Caritas Veveyse cherche encore des bénévoles, car il en manque toujours. Elle a déjà reçu des habits, tandis qu’elle va développer ses relations avec l’ORS, en charge des requérants, les communes et les paroisses. Elle va également soigner ses communiqués de presse, «car nous devons travailler en toute transparence avec la population veveysanne!»
Estimant que le sport est un important facteur d’intégration des migrants, notamment pour les plus jeunes, Caritas Veveyse va approcher les sociétés locales et les clubs sportifs, mais également les organisateurs d’autres activités, comme le théâtre et les arts (dessin et peinture).
Les jeunes sont davantage ouverts à l’accueil des migrants
«Se connaître, cela permet d’éviter les préjugés», affirme Jean-Pierre Sonney, qui souligne que les jeunes, davantage que les personnes plus âgées, sont ouverts à l’accueil des migrants. Il va également travailler avec les enseignants. «Nous devons faire rencontrer les migrants avec la population veveysane, trouver des lieux et des moments adéquats, travailler à l’entre-connaissance !»
Pour plus d’informations sur l’accueil des requérants d’asile dans le canton de Fribourg, voir le numéro d’avril 2016 de Caritas.mag, le journal des Caritas romandes. L’entièreté du dossier «Le défi des nouveaux exils – Les engagements de Caritas. Dans le canton de Fribourg, l’accueil n’est pas un vain mot !» est disponible sur: www.caritas-fribourg.ch.