Cardinal Zuppi: «L’Europe n’en fait pas assez pour la paix en Ukraine»
Le cardinal Matteo Zuppi, envoyé spécial du pape François pour la paix en Ukraine, a reproché à l’Union européenne de ne pas soutenir le plan du Saint-Siège. Il appelé à faire renaître l’esprit européen.
«La mission voulue par le pape François consiste à soutenir tout ce qui peut contribuer à la paix, à remettre de l’humanité dans une expérience qui tue l’homme», a déclaré Matteo Zuppi dans une interview diffusée le 20 août 2023 par le média italien ilsussidario.net. «Même le retour d’un seul enfant ukrainien dans son foyer est une façon d’affirmer la paix et de vaincre la logique de la violence», a ajouté le cardinal. Il faisait référence à l’une des principales tâches que s’est donné la diplomatie du Saint-Siège, à savoir faire œuvre de médiation pour le retour des milliers d’enfants ukrainiens enlevés à leur famille et envoyés en Russie dans le cadre du conflit.
Le 20 mai dernier, le pontife a confié à l’archevêque de Bologne, qui est également président de la Conférence épiscopale italienne, la tâche de «conduire une mission, en accord avec la secrétairerie d’État, pour contribuer à l’apaisement des tensions dans le conflit en Ukraine». Il s’est déjà notamment rendu à Kiev, Moscou et Washington pour présenter aux administrations concernées les grandes lignes du plan papal.
«L’homme n’est pas une île»
Alors qu’aucun résultat concret n’est pour l’instant ressorti des démarches du cardinal, il entend poursuivre son action. «Nous devons croire qu’il existe un moyen de parvenir à une paix juste et sûre, non par les armes, mais par le dialogue», a-t-il souligné dans le cadre du Meeting de Rimini. L’événement, qui a lieu chaque année depuis 1980, est organisé par le mouvement catholique Communion et Libération.
Sans préciser quelles sont les propositions du Saint-Siège sur l’Ukraine, Matteo Zuppi a indiqué vouloir «utiliser tous les espaces possibles pour tisser la toile de la paix que la guerre a déchirée». Mais le cardinal a élargi sa vision à l’ensemble de la société. Le prélat proche de la communauté catholique Sant’ Egidio a ainsi appelé à recréer la relation entre l’Etat et l’individu, «car l’individualisme ambiant l’a brisée, à tel point que le ‘nous’ ne se définit plus que par le ‘moi’ et ses droits (…) L’homme ne peut être considéré comme une île, car il se trouve toujours en relation avec son prochain».
«Si nous ne sommes pas frères, nous devenons tous ennemis»
Pour l’archevêque de Bologne, il s’agit notamment de revenir à une conscience de l’Europe qui a été perdue. «À l’époque, la nouvelle classe politique savait ce que le nazisme, le fascisme et les totalitarismes de toutes sortes avaient signifié, elle connaissait ses responsabilités». Aujourd’hui, concernant le conflit en Ukraine, l’Union européenne «en fait trop peu, elle devrait en faire beaucoup plus. Elle devrait essayer par tous les moyens d’aider les initiatives de paix, en suivant l’appel du pape François à une paix créative.» Reprenant le leitmotiv de l’encyclique du pape Fratelli tutti (2020), Matteo Zuppi rappelle qu’être «tous frères» est «la seule façon de vivre ensemble». «Si nous ne sommes pas frères, nous devenons tous ennemis, et nous risquons de voir la logique du plus fort l’emporter». (cath.ch/ilsussidario/arch/rz)