Canada: Les évêques quittent Kairos, coalition œcuménique dédiée à la justice sociale

«Après mûre réflexion et discernement», la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) a décidé, lors son Assemblée plénière d’automne, de mettre fin à son adhésion à Kairos, la plus importante coalition œcuménique nationale dédiée à la justice sociale, fondée en 2001.

Les dirigeants des Eglises et des organismes religieux membres de Kairos ont été informés de cette décision dans une lettre envoyée le 7 octobre 2016 par le président de la CECC, Mgr Douglas Crosby, évêque de Hamilton, précise le communiqué des évêques canadiens.

Selon les évêques, «cette décision fait suite à des consultations avec le Conseil permanent de la CECC, le Bureau de direction, la Commission pour la justice et la paix, et la Commission pour l’unité chrétienne, les relations religieuses avec les juifs et le dialogue interreligieux».

«Avec regret»

«Les évêques ont exprimé une satisfaction particulière pour l’attention que Kairos donne aux droits autochtones et à l’environnement, tout en reconnaissant que la CECC peut souvent prendre une approche différente à ces thèmes importants. La CECC reste déterminée à travailler au niveau œcuménique sur les initiatives de la justice et la paix qui sont conformes aux principes fondamentaux de l’œcuménisme. Cependant, les évêques du Canada ont déterminé que la façon dont Kairos est structuré, tout en étant parfaitement légitime, ne favorise pas le genre d’engagement œcuménique dont ils ont besoin…», écrit la CECC, qui dit avoir mis fin «avec regret» à sa participation à Kairos.

Des raisons restées vagues

Le communiqué de la CECC reste vague sur les raisons de sa décision, relève pour sa part le journaliste François Gloutnay, de l’agence d’information religieuse Présence, à Montréal, sur le site de la radio québécoise Radio VM (anciennement Radio Ville-Marie).

Depuis 15 ans, Kairos offre aux différentes Eglises chrétiennes du Canada de poser des gestes et de parler d’une seule voix dans des dossiers de justice sociale, de désarmement et de protection de l’environnement. Onze Eglises et institutions en sont membres, dont l’Eglise anglicane du Canada, l’Eglise presbytérienne au Canada et l’Eglise Unie du Canada. Parmi les organismes qui en font partie, on note le Comité central mennonite et le Fonds du primat pour le secours et le développement mondial, lié à l’Eglise anglicane. Trois institutions catholiques en sont aussi membres: la Conférence religieuse canadienne (CRC), Développement et Paix et, jusqu’à tout récemment, la Conférence des évêques catholiques du Canada. La CECC est d’ailleurs un des membres fondateurs de Kairos.

«La CECC ne rendra pas publique» cette lettre, a toutefois déclaré à l’agence de presse Présence le porte-parole de la conférence épiscopale, René Laprise.

En 2016, la CECC a versé une somme de quelque 43’000 francs suisses pour le fonctionnement et les activités de Kairos. Le budget annuel de la coalition œcuménique est de plus 1,5 million de francs suisses. La décision de quitter Kairos a été prise lors de l’assemblée plénière de la CECC tenue à Cornwall du 26 au 30 septembre. Les discussions ont toutefois eu lieu en privé alors que les dirigeants d’autres Eglises chrétiennes, toujours présents aux premières heures de la rencontre annuelle des évêques, avaient quitté la salle, tout comme les représentants des médias.

«Pas une surprise»

La décision de la CECC de se retirer de Kairos ne devrait «pas être une surprise, ni pour Kairos, ni pour nos partenaires œcuméniques», dit Mgr Lionel Gendron, vice-président de la conférence épiscopale. Il explique que le débat sur la participation ou non de la CECC à Kairos n’est pas récent. «La décision de se retirer n’a pas été prise de gaieté de cœur», mais le fonctionnement même de la coalition œcuménique suscitait «quelques irritants qui semblaient incompatibles avec ce que nous sommes». Le vice-président de la CECC mentionne par exemple que le logo de la CECC se trouvait constamment sur les lettres de Kairos, «comme si nous étions signataires de toutes les positions de l’organisme».

Des réactions

Les réactions n’ont pas tardé lorsque la nouvelle du retrait des évêques catholiques de la coalition œcuménique a été connue publiquement. «Nous avons une longue histoire de collaboration avec la CECC. On accepte cette décision, mais avec regret», dit le révérend Desmond Jagger-Parsons, président du conseil d’administration de Kairos. «Notre relation change, mais notre amitié demeure», ajoute-t-il tout en soulignant que les catholiques canadiens seront encore très présents au sein de Kairos, grâce à l’œuvre d’entraide Développement et Paix et aux 70 congrégations religieuses qui sont regroupées par la Conférence religieuse canadienne CRC.

Kairos est né du regroupement de plusieurs groupes œcuméniques liés à diverses questions comme le désarmement, le sort des réfugiés, la justice économique, la situation des femmes, le développement international et les relations avec les peuples autochtones. «Je peux comprendre que la CECC soit plus confortable avec les processus du Conseil canadien des Eglises (CCE). Mais nous ne sommes pas d’abord un lieu où l’on entreprend un dialogue œcuménique. Notre travail est bien différent», rappelle le révérend Desmond Jagger-Parsons.

L’Eglise Unie du Canada, la plus importante Eglise protestante du Canada, qui dit accepter cette décision «avec regret», ne va pas quitter les rangs de la coalition. «L’Eglise Unie du Canada demeure entièrement engagée auprès de Kairos», a-t-il déclaré à l’agence de presse Présence. (cath.ch-apic/rvm/presence/be)

 

 

 

 

 

 

 

Le journaliste François Gloutnay, de l'agence d'information religieuse canadienne Présence
17 octobre 2016 | 11:26
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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