Camp-voc' "Goudurix". Les jeunes entament la journée de marche. Ils se relaieront pour porter la croix tout au long du parcours. | © Bernard Hallet
Suisse

Les Camps-vocations: prier autrement

«Goudurix», a rassemblé une quinzaine de jeunes Romands durant toute la semaine à Bex (VD). Ce camp-vocations (camp-voc’)leur permet de prier « autrement » et de rencontrer d’autres jeunes croyants.

Entre un quiz sur la sauvegarde de la planète et un atelier d’échanges, les 2 garçons et 13 filles du Camp-Voc Goudurix se livrent timidement. «Cela fait du bien de me retrouver avec d’autres croyants. Cela m’aide à réfléchir sur ma foi». Nora, 15 ans, est venue de Bovernier (VS) avec sa meilleure amie. La jeune fille vit son sixième camp-voc’, elle reconnaît qu’elle n’est pas très pratiquante et trouve l’occasion de prier pendant une semaine «à sa manière». Angélique, 15 ans, participe à son septième et camp profite de cette semaine pour réfléchir sur sa foi et pour échanger avec d’autres jeunes, croyants comme elle. Le propos revient systématiquement. «Pas facile d’être d’être les seuls jeunes à la messe et les seuls croyants de son cercle d’amis». Même son de cloche chez Pierre et Jean-Baptiste, deux frères venus de Thônex (GE) pour leur premier camp-voc’. Ils viennent saisir «une opportunité de passer une semaine avec des jeunes, parler de leur foi et profiter des animations qu’ils disent apprécier».

En marche

Le groupe a commencé la journée, placée sous le thème «Lève-toi…», par une courte marche jusqu’à la chapelle Notre-Dame-des-Neiges, aux Plans-sur-Bex (VD). Au préalable l’abbé Vincent Lafargue a lancé la journée en évoquant l’encyclique «Laudato Si’» du pape François. Il parle aux jeunes du message du pape sur la création à sauvegarder, dont ils font partie intégrante. «Talitha koumi! (Jeune fille lève toi, je te le dis)» lance l’abbé aux adolescents et animateurs réunis dans la chapelle. Il cite, dans l’évangile selon Saint-Marc, (chap. 5, 41), la parole par laquelle Jésus ressuscite une jeune fille. «L’abbé Vincent» a confié une croix aux jeunes qui se sont remis en marche. Ils la porteront à tour de rôle.

Le dialogue se noue entre les adolescents et les adultes, deux couples avec des enfants en bas âge, François Perroset, agent pastoral dans le canton de Genève, et Emilie, une jeune enseignante de 25 ans. Ces marches sont des moments propices au dialogue. Plusieurs sont d’ailleurs prévues durant la semaine. On fait connaissance, le groupe a le temps de marcher une heure sur un sentier qui remonte le long de l’Avençon, jusqu’à ce qu’une pluie de plus en plus abondante, ne contraigne les animateurs à interrompre le programme.

Dialogue inter-génération

«Le contact avec les jeunes est extraordinaire, leurs questions simples et directes remettent parfois en cause notre foi. Ils nous apportent une grande fraicheur durant ces semaines», s’enthousiasment Nathalie et Yves Thétaz, responsables de ce camp-voc’. «Cette semaine de camp permet à des jeunes de se forger leur propre foi et de grandir spirituellement». L’abbé Lafargue anime, des camps-voc’ depuis 2006, «avec beaucoup de bonheur» et ces semaines sont pour lui une excellente occasion de rejoindre les jeunes dans ce qu’ils vivent, «ce qu’on ne peut plus faire à la messe du dimanche. Il faut faut leur donner la parole». François Perroset, y voit la preuve qu’on peut parler de Jésus en dehors d’une salle mal chauffée. «Avec ces camps, on sort de l’acquis du milieu paroissial», estime l’agent pastoral. Il dit recevoir beaucoup de ces ados et parle du «devoir de transmettre l’amour de l’Eglise».

Camp-voc' "Goudurix". Répétition des chants. La Pelouse, Bex le 9 août 2016. (Photo: Bernard Hallet) Camp-voc’ «Goudurix». Répétition des chants. La Pelouse, Bex le 9 août 2016. (Photo: Bernard Hallet)

Elvire, 13 ans, vient du Jura. Elle apprécie la motivation des animateurs, et la possibilité d’échanger avec eux de manière informelle. «On n’a pas tous les jours la chance de pouvoir dialoguer avec un prêtre», relève pour sa part Nora. La jeune fille se réjouit d’obtenir des réponses à ses interrogations sur la foi, sur Dieu ou de pouvoir partager avec les animateurs. La pluie battante n’a pas empêché les uns et les autres de discuter durant la descente vers les voitures. «Ils abordent parfois des thèmes existentiels, des questions de foi qui surprennent, c’est une richesse», témoigne Samuel Crausaz, un des animateurs de la semaine.

Une retraite ludique

Les jeunes font à leur manière une retraite. Hors des horaires et des contraintes qu’imposent l’agenda scolaire le reste de l’année, les adolescents profitent des sessions, des ateliers, des jeux et des temps de réflexion et de partage. Des temps de pause émaillent les journées denses qui se déroulent sans précipitation ni excitation. La plupart sont issus de familles pratiquantes et sont eux-mêmes engagés en Eglise, au Mouvement d’Apostolat Des Enfants et Préadolescents (MADEP) ou dans les groupes Relais. La plupart ont connu les camps-voc’ dans le cadre familial et ils succèdent à leurs frères ou sœurs.

Douchés, réchauffés, toute le groupe se retrouve dans la grande salle de La Pelouse pour la session «Lève toi… pour la planète», animée par l’abbé Lafargue. Au terme d’un quiz sur le climat, le prêtre sollicitent les adolescents sur la manière de prendre soin de la planète. Deux vidéos sur l’environnement viennent compléter les débats. Après un temps de «désert» (prière personnelle), des atelier bricolage, chant, puis le groupe file à la chapelle pour assister aux vêpres avec les Sœurs. «J’ai mis cet office au programme parce que je trouvais intéressant qu’ils participent à la vie de la communauté qui les reçoit», explique le prêtre.

L’Eglise de demain

«L’Eglise de demain est là. Nous sommes un peu le terreau qui donnera du fruit», se réjouit Nathalie Thétaz. Nous ne sommes pas une fabrique de religieux et de religieuses, sourit-elle. Nous abordons aussi la vocation au mariage et plus globalement l’engagement laïc en Eglise que pourraient ressentir ces jeunes au cours de leur vie». Pour Yves, il faut soutenir et encourager les camps-voc’. «Ils ont toute leur place dans un parcours de catéchèse qui prolongerait la communion ou la confirmation. C’est une grande richesse et un bel encouragement à prier pour ces jeunes». Il souhaite voir passer les évêques «ne serait-ce qu’une journée pour une rencontre avec les ados. Ce serait là un signe fort envers ses jeunes».

Certains adolescents l’affirment clairement: ils se détachent de plus en plus de la pratique religieuse de leur parents mais sans renoncer à leur foi chrétienne qu’ils souhaitent vivre autrement. Ils s’interrogent sur le sens qu’ils veulent donner, en tant que chrétien, à leur vie. «Nous devons au moins provoquer ce questionnement et faire en sorte que ces jeunes trouvent non pas une réponse mais leur réponse», ajoute Yves Thétaz.

Camp-voc' "Goudurix". Célébration des vêpres à la chapelle de la communauté des Sœurs de Saint-Maurice à La Pelouse. (Photo: B. Hallet) Camp-voc’ «Goudurix». Célébration des vêpres à la chapelle de la communauté des Sœurs de Saint-Maurice à La Pelouse. (Photo: B. Hallet)

Et après

Un sondage rapide montre que la plupart des jeunes reviennent au camp-voc’, conquis par l’expérience de vivre leur foi «autrement». Ils sont enthousiastes. Certains restent en contact à travers les réseaux sociaux, «du moins pendant un temps. Il est difficile de traverser la Suisse romande pour se revoir quand on n’est pas autonome», tempère Angélique. «Ces jeunes sont nos meilleurs ambassadeurs. Nous les encourageons à parler des camps autour d’eux», explique Nathalie et Yves. Il n’est pas toujours facile pour les adolescents de convaincre leurs amis de les suivre. Ceux qui ont accepté ne regrettent pas. «Quand on a commencé, on ne peut plus s’arrêter!».


Les Camps-Voc’

«Vivre une semaine avec d’autres filles et garçons de ton âge: apprendre la vie de groupe, réfléchir sur les orientations de ta vie, les choix, les responsabilités, tes rêves et tes projets, ton rôle dans le monde, dans l’Église d’aujourd’hui et de demain», annonce le site des camps-voc’ sous la rubrique «Leurs buts». La semaine est animée par des couples, un prêtre, un séminariste et des jeunes adultes.

«Les camps-vocation existaient déjà avant la création du Centre romand des vocations (CRV), en 1967. Disons qu’ils ont été officialisés avec le CRV», explique Nathalie Thétaz. Elle fait partie du comité, avec son mari Yves, et deux autres personnes. Les camps-voc’ constituent une des branches du CRV. L’organisme finance la communication et la publicité et intervient pour combler l’éventuel déficit financier d’un camp. Il donne le thème de chaque année.

«On comptait 15 à 20 camps, il y a 25 ans. Des camps montagne, vélo, bateau. Des camps pour garçons, pour filles, des camps montagne», relève Nathalie Thétaz. Aujourd’hui, une centaine de bénévoles s’activent chaque année pour assurer la douzaine de camp programmés tout au long de l’été. Ces rendez-vous estivaux rassemblent de 250 à 300 jeunes, selon les années. «Ce chiffre s’est stabilisé», assurent les responsables. Ils cherchent des bénévoles pour mettre en place de nouveaux camps. Les JMJ de Cracovie (Pologne) ont fortement impacté la fréquentation des camps 2016 pour les 15-20 ans. (cath.ch-apic/bh)

Camp-voc' «Goudurix». Les jeunes entament la journée de marche. Ils se relaieront pour porter la croix tout au long du parcours. | © Bernard Hallet
12 août 2016 | 08:00
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 6  min.
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