Cameroun: L'Eglise, un potentiel facteur de réconciliation
L’Eglise catholique du Cameroun pourrait aider à sortir le pays de la «dangereuse impasse» dans laquelle il se trouve depuis la crise séparatiste des deux régions anglophones du Nord-ouest et du Sud-Ouest. Un constat publié par l’ONG international Crisis Groupe (ICG) dans un rapport du 26 avril 2018.
Pour ICG, seule l’Eglise catholique peut jouer un rôle de médiateur entre les deux parties en conflit. Elle est présente dans les dix régions du Cameroun. Elle est l’une des institutions «les plus fortes» du pays où près d’un tiers de population est de confession catholique. Elle gère un réseau dense d’écoles et d’hôpitaux. Sa voix et très écoutée.
ICG déplore cependant la division interne au sein de l’Eglise catholique camerounaise entre clergé anglophone et clergé francophone. Il a les exhorte à s’unir, afin de de jouer un «rôle constructif» dans le règlement de la crise. Ils devraient se réunir dans une déclaration publique pour affirmer leur neutralité sur la question la plus controversée de la crise – celle du fédéralisme contre la décentralisation – et affirmer leur volonté de médiation, a-t-elle préconisé.
L’Eglise doit surmonter ses divisions
L’Eglise devrait également renouveler ses appels à mettre fin à la violence et à ce que les dirigeants anglophones et le gouvernement entament des négociations. Elle peut jouer un rôle dans les coulisses pour permettre une communication indirecte entre le gouvernement et la rébellion anglophone, étant donné que, pour l’instant, des pourparlers directs entre les deux parties semblent peu probables.
Elle pourrait utilement pousser à la libération des prisonniers et à une certaine forme d’amnistie pour les dirigeants anglophones qui ont fui le pays, deux conditions préalables probables à des pourparlers.
Selon toujours ICG, l’Eglise catholique pourrait continuer à travailler avec d’autres institutions religieuses, telles que l’Eglise presbytérienne du Cameroun, qui s’est déclarée prête à servir de médiateur en janvier 2017, la Convention baptiste du Cameroun, ainsi que des associations crédibles de la société civile et des dirigeants traditionnels.
«Alors que la violence est sur le point de s’intensifier, à cause notamment de l’approche de l’élection présidentielle de 2018 au Cameroun, les médiateurs et artisans de paix potentiels sont peu nombreux. L’Eglise devrait surmonter ses divisions, se positionner comme arbitre neutre et aider à résoudre une crise de plus en plus meurtrière et inquiétante», a encore souligné ICG.
Elle a invité les acteurs internationaux à soutenir les éventuelles initiatives de l’Eglise catholique, et à encourager une plus grande unité au sein du clergé. «Mais, il incombe aussi à l’Eglise elle-même de faire preuve d’une plus grande cohérence».
Crise indépendantiste
Cette crise indépendantiste a éclaté en octobre 2016 dans deux provinces qui comptent trois millions d’habitants au total, sur les 17,3 millions que compte le Cameroun. Elle s’est transformée en conflit larvé entre les forces de sécurité et des rebelles, de mieux en mieux armés, combattant au «nom de la minorité anglophone marginalisée».
Ces derniers réclament le droit pour les habitants des zones anglophones, de pouvoir utiliser l’anglais dans le cadre de l’enseignement et des activités administratives et adopter un système de droit commun de type anglo-saxon en lieu et place du droit fondé sur un code inspiré du droit français. Ils réclament aussi l’indépendance de leurs régions et l’instauration d’un Etat fédéral au Cameroun. Par plusieurs fois, l’Eglise s’est prononcée contre cette indépendance, proposant au contraire, une décentralisation plus poussée.
Depuis le début des troubles, plus de 100 civils, au moins 43 membres des forces de sécurité et un nombre indéterminé de séparatistes armés ont été tués au cours des sept derniers mois. En plus, 34’000 réfugiés ont fui leurs foyers et vivent dans des conditions précaires au Nigeria. Environ 40’000 personnes sont déplacées dans la région anglophone du Sud-Ouest.
L’Union africaine et les pays occidentaux ont appelé au dialogue. Le gouvernement y est favorable à la nécessité de pourparlers, mais rejette l’idée de médiation extérieure et à toute discussion sur le fédéralisme, telle qu’émise par les rebelles anglophones dont il a emprisonné de nombreux dirigeants anglophones avec qui il discutait. (cath.ch/com/ibc/pp)