C. Ducarroz: «Ne pas effacer tout le bien qu’a pu faire l’abbé Pierre»
Le choc a été grand après la révélation, le 17 juillet 2024, d’accusations venant de plusieurs femmes d’agressions sexuelles de la part de l’abbé Pierre. Tout en pensant d’abord aux victimes, le chanoine Claude Ducarroz appelle à ne pas réduire à cela l’œuvre du prêtre français.
Claude Ducarroz a été, comme beaucoup de catholiques de par le monde, «surpris et attristé» par le rapport du mouvement Emmaüs relayant les témoignages de sept femmes sur des comportements de l’abbé Pierre s’apparentant à des agressions ou à du harcèlement sexuels, entre la fin des années 1970 et 2005. Des agissements allant de contacts non consentis sur la poitrine à des baisers forcés, parfois suivis de sollicitations, de la part du prêtre décédé en 2007.
Même si, comparés à d’autres cas, les actes de l’abbé Pierre ne paraissent pas d’une gravité extrême, «la faute est toujours déterminée par le ressenti des victimes», note Claude Ducarroz. «De tels gestes déplacés peuvent avoir un impact très négatif sur les personnes», rappelle-t-il, qui doivent être reconnues comme victimes et bénéficier de tout le soutien nécessaire. «Les divers scandales qui ont touché de grandes figures de l’Église nous apprennent en tout cas que le vedettariat ne garantit pas la sainteté.»
«Il faut toujours rendre justice au bien qui réside dans la personne»
L’ancien prévôt de la cathédrale de Fribourg s’est profondément interrogé, au cours de sa vie, sur la nature du mal. En 1978, alors aumônier de jeunesse à Fribourg, il a notamment volontairement effectué un séjour de deux mois en prison, afin de mieux comprendre les détenus et leur histoire. Une expérience racontée dans le livre Prisonnier volontaire. Un curé dans la peau d’un taulard (St-Augustin). De ses contacts avec les détenus, il a acquis la conviction que même les pires des criminels ont en eux une part de lumière. «Même si cela ne supprime pas le mal que l’on a pu faire, il faut toujours rendre justice au bien qui réside dans la personne.»
Claude Ducarroz n’a jamais rencontré personnellement l’abbé Pierre. Mais le chanoine a toujours été enthousiaste de son action auprès des plus démunis. Il est, de son côté, l’un des piliers de l’initiative citoyenne «Osons l’accueil», qui se mobilise pour offrir des places d’accueil privées aux requérants d’asile.
Le prêtre espère ainsi que les révélations sur l’abbé Pierre n’effacent pas tout ce que ce dernier a pu apporter, notamment les fruits de son combat contre l’injustice sociale. Surtout, Claude Ducarroz souhaite que cela n’entache pas les bénéficiaires de son rayonnement. «Les résurrections opérées grâce à son action, la générosité qu’il a allumée chez les autres, le mouvement international lancé», ne doivent pas être ternis à cause des actes de son fondateur. (cath.ch/arch/rz)