Burkina Faso: les terroristes visent la coexistence interreligieuse
Au lendemain de la sanglante attaque terroriste du 1er décembre 2019 visant l’église protestante de Hantoukouri, à l’Est du Burkina Faso, le président Roch Kaboré a dénoncé les intentions des terroristes. Leurs attentats ont pour but de déstabiliser le pays et de miner la coexistence interreligieuse.
«Les terroristes veulent créer une désaffection de l’ensemble des populations vis-à-vis du pouvoir et faire en sorte que le peuple se soulève» contre le gouvernement, a déclaré le 2 décembre le Premier ministre Christophe Dabiré. Il a fait part des condoléances du gouvernement en se rendant au siège de la Fédération des Eglises et Missions évangéliques (FEME) sis dans la capitale burkinabè Ouagadougou.
L’attaque de la petite communauté évangélique de Hantoukouri, près de la frontière avec le Niger, menée par une dizaine d’assassins arrivés à moto, a coûté la vie à au moins 14 personnes, dont des enfants, et fait de nombreux blessés.
Des enfants froidement abattus
«Ceux qui ont été froidement abattus, ce sont des enfants de dix, douze, quatorze ans. Il il y avait une seule personne d’un âge un peu avancé (peut-être 40 ans et plus). Les femmes ont été épargnées, ils les ont appelées à l’intérieur de l’église et ont fait sortir les hommes, les ont couverts et ont tiré sur chacun d’eux dans la tête. Ils ont été froidement et lâchement abattus de cette façon-là», a expliqué aux médias burkinabè le président de la FEME, le pasteur Henri Yé.
«Depuis des mois, nous, les évêques, nous dénonçons ce qui se passe au Burkina Faso, mais personne ne nous écoute», déplore Mgr Justin Kientega, évêque de Ouahigouya, dans le nord du pays. Réagissant à l’attaque du dimanche 1er décembre, il affirme qu’effectivement «les chrétiens du Burkina Faso sont persécutés, ils sont de plus en plus pris pour cible… Le niveau d’insécurité sans précédent, explique l’évêque de Ouahigouya, limite sévèrement l’action de l’Eglise, dont les prêtres ne peuvent plus se rendre dans les villages pour prendre soin des fidèles».
Appel à la communauté internationale
Face à cette situation dramatique, l’évêque lance un appel à la communauté internationale: «Le monde doit regarder ce qui se passe au Burkina Faso et les puissances occidentales doivent arrêter ceux qui commettent ces crimes, au lieu de leur vendre les armes qu’ils utilisent aussi pour tuer les chrétiens. Nous sommes persécutés mais nous gardons notre confiance dans le Seigneur et nous espérons que tout cela finira bientôt!»
«L’attaque n’a pas été revendiquée, tout comme les précédentes, nous ne savons pas si c’est un ou plusieurs groupes. Ce qui est certain, c’est qu’ils font de la propagande islamiste et tentent de déclencher un conflit entre les religions dans un pays où chrétiens et musulmans se sont toujours bien entendus», affirme Mgr Justin Kientega.
S’emparer des terres et des biens
Mgr Kientega relève que les auteurs de ces actes de banditisme, qui terrorisent les communautés chrétiennes, ont également pour but de s’emparer de leurs terres et de leurs biens.
«En raison de la violence dans plusieurs régions, de nombreux chrétiens ont abandonné leur foyer. L’Eglise s’occupe de milliers de personnes déplacées à l’intérieur du pays».
Les attaques contre des lieux de culte chrétiens et musulmans, de plus en plus fréquentes, font partie intégrante d’une stratégie dénoncée par le président burkinabè Roch Kaboré et par les évêques du pays. Les terroristes cherchent à provoquer une guerre interconfessionnelle. Le 11 octobre 2019, 15 personnes ont été tuées au cours de la prière du vendredi dans la mosquée de Salmossi, dans la région d’Oudalan, à la frontière malienne.
Religieux chrétiens et musulmans visés
Plusieurs responsables religieux chrétiens, catholiques et protestants, ont été tués dans le cadre de meurtres ciblés, tout comme plusieurs imams, assassinés par des djihadistes dans le nord du pays au cours d’attaques qui ont commencé il y a déjà plus de quatre ans. Depuis des années, le Mali, le Niger et certaines zones du Tchad et du Nigeria subissent des assauts de la part de différents groupes djihadistes.
Miner la coexistence pacifique entre les différentes communautés religieuses et provoquer des conflits intercommunautaires est le but recherché par les terroristes. Le Burkina Faso constitue encore aujourd’hui un exemple de cette coexistence pacifique pour tous les Etats de la région. Jeter ce pays dans le chaos signifierait miner la sécurité du Sahel et des zones limitrophes.
Pays d’Afrique de l’Ouest comptant 20 millions d’habitants, le Burkina Faso peine à faire face aux incursions terroristes d’Ansarul Islam, du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et du groupe Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Ces attaques ont fait près de 700 morts depuis 2015, et l’armée nationale burkinabè, sous équipée mais appuyée par les forces françaises de l›Opération Barkhane, actives dans la région du Sahel, a subi des lourdes pertes. (cath.ch/fides/com/be)
Narcotrafiquants et bandes criminelles
Depuis 2015, le Burkina Faso, pays de 274’400 km2, peuplé de 60% de musulmans, de 25 % de chrétiens (dont près de 20% de catholiques), et d’adeptes des religions traditionnelles, subit des attaques récurrentes dont les civils sont les premières victimes. La violence touche les régions du Sahel, du Nord, du Centre-Nord, et de la Boucle du Mouhoun, au Nord-Ouest.
Crise humanitaire sans précédent
En proie à des attaques terroristes toujours plus fréquentes, le pays fait face à une crise humanitaire sans précédent: près de 500’000 personnes sont déplacées, dépourvues des soins élémentaires, tandis que 2’000 écoles sont fermées.Dans les régions de forte présence djihadiste, la société est paralysée, les activités économiques fortement réduites, la population cherche refuge en dehors des zones «contaminées». Des bandes criminelles et des narcotrafiquants sont également très actifs dans la région Est du pays, sur lesquels peuvent se greffer des djihadistes. JB