Brésil: les évêques soutiennent les indigènes devant la justice
Première dans l’histoire du Brésil, l’Eglise catholique est conviée par la Cour Suprême à exprimer son avis sur le droit d’un peuple indigène à occuper une terre.
C’est une première historique depuis l’adoption de la Constitution brésilienne, en 1988. Dans le cadre d’un jugement qui va définir à qui appartient une terre revendiquée par le peuple indigène Xokleng, dans l’Etat de Santa Catarina, au sud du Brésil, mais convoitée par de puissants secteurs économiques, la Cour suprême fédérale, l’équivalent de la Cour Suprême et plus haute instance institution juridique du Brésil, a admis la Conférence Nationale des Evêques du Brésil (CNBB) en qualité d’amis de la Cour («amicus curiae»).
L’enjeu de ce jugement est de taille, car la Cour suprême fédérale devra composer entre les articles de la Constitution et une législation toujours plus défavorable aux peuples indigènes, en particulier depuis l’élection de Jair Bolsonaro en janvier 2019. En avril 2019, la haute instance judiciaire avait estimé que le jugement de ce litige entre le peuple Xokleng et divers acteurs économiques était de sa compétence, puisque ce conflit foncier en appelait à l’application de la Constitution du 5 octobre 1988.
«Les peuples sont les occupants originaux de la terre»
La loi légitimait en effet pour la première fois les droits des 817 963 indigènes que compte le pays, soit 0,44% de sa population, selon l’Institut Brésilien de géographie et de statistiques (IBGE). «Deux articles, les n°231 et 232, reconnaissaient enfin les droits des peuples natifs, précise Lindomar Padilha, membre du Cimi. Outre l’accès à une santé et à une éducation différenciée, ils se voyaient également reconnaître le droit à la terre. La Constitution indiquait que l’homologation des terres devait même être bouclée au plus tard en 1993». Un vœu pieu puisqu’aujourd’hui, 654 terres indigènes sur les 1’113 que compte le pays attendent toujours d’être enregistrées.
Cette participation de la Conférence Nationale des Evêques du Brésil à ce processus juridique est loin d’être anecdotique. «Ce sera l’occasion pour l’Eglise catholique de rappeler qu’il n’est pas possible de trancher la question, sans prendre en compte les peuples qui sont les occupants originaux de la terre et les multiples violences dont ils souffrent depuis l’occupation portugaise, dans la mesure où leurs terres ne sont pas reconnues», peut-on lire dans un communiqué publié par le Conseil indigéniste missionnaire (Cimi).justice
Une jurisprudence pour les autres conflits
Le Cimi a d’ailleurs exprimé sa satisfaction après la décision de la Cour suprême fédérale de convier la Conférence des Evêques en tant qu’»amis de la Cour», rappelant que la décision prise dans cette affaire pourrait faire jurisprudence pour les très nombreux autres conflits liés à l’absence de démarcation des terres indigènes au Brésil. (cath.ch/jcg/cp)