Brésil: l’Eglise protège les fidèles contre l’avis du président
Alors que le Brésil a dépassé le millier de personnes infectées par le Covid-19, l’Eglise Catholique se mobilise pour éviter tout risque de contamination et célébrer les messes via les réseaux sociaux. En dépit des critiques de Jair Bolsonaro.
Les photos ont fait le tour des réseaux sociaux et ont été largement reprises par les médias nationaux. On y voit le Père Archimedes Neto célébrer la messe le 18 mars dans sa paroisse de Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Itamari, une petite ville située sur la côte de l’Etat de Bahia, au nord-est du Brésil. Covid-19 oblige, les bancs de la paroisse baignée de lumière sont vides. Ou presque.
Le prêtre d’une quarantaine d’année a en effet collé sur chaque siège des feuilles de papier. Sur chacune d’entre elles figure le nom des fidèles restés chez eux. «Carmen», «Andreia», «Miguel», «Tania»… «J’ai noté les noms des 480 fidèles de la paroisse. Pour cette messe, ils étaient avec moi. J’étais avec eux. Le Seigneur était avec nous en ces moments de grande difficulté», commente le prêtre.
«Etre attentifs à la prévention»
Alors que le Brésil commence à son tour à être lourdement impacté par le Covid-19, (1’259 personnes infectées, 25 morts au 22 mars) l’Eglise catholique brésilienne a adopté une série de mesures pour tenter de contenir la propagation du nouveau coronavirus. Elle a commencé par annuler l’ensemble des réunions pastorales déjà prévues, notamment la 58ème Assemblée Générale de la Conférence Nationale des Évêques du Brésil (CNBB), prévue du 22 au 30 avril.
Parallèlement, Mgr Walmor Oliveira de Azevedo, archevêque de Belo Horizonte et Président de la CNBB a rappelé dans un communiqué aux fidèles que la Campagne de Fraternité de cette année interpelle sur la question de «l’attention». Il a donc invité les fidèles à être vigilants en étant particulièrement attentifs à la prévention. «Pour le moment, nous devons respecter les distances sociales comme forme d’attention à nous-mêmes et aux autres», a t il souligné.
«Dieu n’a pas souhaité la pandémie»
Plusieurs archevêchés avaient cependant pris les devants. Mgr Washington Cruz, l’archevêque de Goiânia, au centre du pays, a été l’un des premiers à avoir pris des mesures, dès le 14 mars. Lors d’une homélie, il avait appelé les fidèles à se conformer aux invitations au confinement, non obligatoire au Brésil à ce jour. «L’expérience de ce mal commun [Covid-19] nous révèle l’importance du bien commun. C’est pour cela qu’il nous faut éviter d’ouvrir des brèches, en proscrivant les comportements irresponsables et en respectant les dispositions restrictives édictées par les autorités compétentes, en nous comportant avec prudence et responsabilité».
Cet appel à rester chez soi a été largement repris dans l’ensemble du Brésil au fur et à mesure que la pandémie commençait à se répandre dans le pays. Ainsi, Mgr Jaime Spengler, l’Archevêque de Porto Alegre et Vice-Président de la CNBB, capitale de l’Etat du Rio Grande do Sur, a décidé d’annuler, dès le 16 mars, des messes, catéchèses et autres processions programmées. «Nous vivons une pandémie qui n’a a pas été souhaitée par Dieu mais qui a été permise par lui, a estimé le prélat dans une note officielle. Cela doit aussi nous appeler à la conversion vers des valeurs éternelles. Il est temps de reconstruire l’espérance, promouvoir la solidarité et inciter à la prière».
«Pas de messe en pyjama!»
Les suspensions de célébrations de messes en public et de tous les regroupements sont désormais actées dans l’ensemble des diocèses du pays. Et les fidèles sont largement invités à communier lors de messes célébrées via les réseaux sociaux. Une adaptation aux circonstances sanitaires qui ne doit pourtant pas s’accompagner d’un laisser-aller. Le prêtre de la paroisse d’Alto Piquiri, dans le sud du pays, a d’ailleurs fait parvenir à ses fidèles un guide très détaillé de la «messe à domicile». Parmi les recommandations, figure «la préparation de l’esprit», en «entrant dans un climat de spiritualité comme lorsque l’on pénètre dans une Église».
Autre impératif ? Le fidèle est tenu de «préparer son corps», en se rappelant que « l’extérieur correspond à l’intérieur ». Donc «Pas de messe en pyjama!», rappelle le guide. «Lève toi du lit pour la messe et habille-toi!». D’autres conseils sont également formulés comme la «préparation de la maison», dans laquelle doit être «créée une ambiance de célébration, avec une serviette sur la table, une bougie, une croix et la Bible ouverte. «Ta maison est ton Eglise domestique». Suivent également des conseils sur la liturgie de a Parole et Eucharistique.
Bolsonaro contre la suspension des messes en public
Si les célébrations de messes à domicile via les réseaux sociaux sont largement répandues dans les églises catholiques, la tendance est loin d’être la même chez les néo-pentecôtistes. Par exemple, Silas Malafaia, pasteur et leader de l’Assemblée de Dieu – la plus importante église évangélique au Brésil avec près de 13 millions de fidèles – n’a pas hésité à citer le psaume 91 la Bible: «Au nom de Jésus, aucun mal ne t’arrivera, aucun fléau n’approchera de ta tente», en invitant les fidèles à ne pas craindre la pandémie de coronavirus. Cette invitation, diffusée sur ses réseaux sociaux, est intervenue quelques heures seulement après la recommandation du Gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, João Doria, aux églises et temples «de suspendre les cultes et les messes qui favorisent l’agglomération de fidèles».
L’invitation est d’ailleurs devenue obligatoire puisqu’elle a été entérinée le 20 mars par le Tribunal de Justice de l’État de Sao Paulo… au grand dam de Jair Bolsonaro, le président brésilien. «Pour satisfaire leurs électeurs, certains gouverneurs prennent des mesures absurdes, en fermant les centres commerciaux et les églises, ultimes refuges du peuple», a ainsi déclaré le président d’extrême droite, ex-catholique et proche des églises évangéliques, dont les leaders – parmi lesquels figure notamment Silas Malafaia – ont appelé à voter pour lui en novembre 2019. Des déclarations qui n’ont suscité aucune réaction de la part des autorités de l’Église catholique. (cath.ch/jcg/bh)