Brésil: le CIMI révolté par les attaques de Bolsonaro contre Raoni
Le discours du président brésilien Jair Bolsonaro, le 24 septembre 2019, à la tribune de l’Organisation des nation unies (0NU), a provoqué la colère des défenseurs des peuples indigènes. Parmi eux, Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho et président du Conseil indigéniste missionnaire (CIMI).
«La vision d’un leader indigène ne représente pas celle de tous les indiens du Brésil. À plusieurs reprises, certains de ces caciques ont été manipulés par des gouvernements étrangers dans une guerre de l’information pour servir leurs intérêts en Amazonie». Alors que les indigènes du Brésil n’ont jamais été aussi exposés aux violences et à l’invasion illégale de leurs terres, cette phrase du président brésilien, adressée sans le citer au chef Raoni Metuktire Kaiapó, a été accueillie par une vague de protestations.
«L’histoire du Brésil salie»
A New York, quelques heures seulement après le discours du président, quatre représentants des peuples indigènes, membres de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil (Apib) ont manifesté leur colère. Sonia Guajajara, coordinatrice exécutive de l’Apib a ainsi qualifié ce mardi 24 septembre de «jour de terreur», durant lequel le président brésilien «a sali l’histoire du Brésil à l’ONU» et a disséminé «l’intolérance et le grotesque». Sonia Guajajara, a également rappelé que «l’accusation selon laquelle les peuples indigènes sont instrumentalisés était commune durant la dictature» (1964-1985). Et de lancer: «Nous ne sommes utilisés par personne, nous faisons entendre le cri de la Terre Mère».
Cible privilégiée de Jair Bolsonaro, le chef Raoni, âgé de 89 ans, est le leader indigène le plus connu au monde. Il a notamment été reçu par le pape François en mai 2019. En reconnaissance de sa lutte, la Fondation Darcy Ribeiro a proposé sa candidature au Prix Nobel de la Paix 2020, a d’ailleurs rappelé la coordinatrice exécutive de l’Apib. Une reconnaissance internationale également soulignée par Mgr Roque Paloshi, archevêque de Porto Velho, dans l’État du Rondônia, au cœur de l’Amazonie brésilienne et président réélu du CIMI.
«Dignité humaine bafouée»
Lors du lancement, dans la soirée du 24 septembre à Brasilia, du Rapport annuel des violences contre les peuples indigènes, Mgr Paloshi a tout d’abord exprimé sa solidarité avec ces peuples «face aux attaques du président de la république lors de son discours à l’ONU». «Nous exprimons également nos excuses pour les offenses faites au leader Raoni Metuktire Kaiapó, qui a vu sa dignité humaine bafouée internationalement par le président. En traitant Raoni et d’autres leaders indigènes de ‘manipulables’, le président met au jour ses pensées et son sentiment plein de préjugés et de racisme, marqué par le manque de connaissance des peuples indigènes du Brésil ou de mauvaise foi sur ce thème».
Pour l’archevêque, qui participera au prochain Synode sur l’Amazonie, du 6 au 27 octobre à Rome, «l’agressivité des discours du président de la République et des membres de son gouvernement alimentent la violence contre les territoires et la vie des peuples natifs, citoyens et citoyennes de la première heure de notre cher Brésil». (cath.ch/jcg/rz)
«La pire violence contre les indigènes est la destruction de leurs territoires»
Le Rapport annuel sur les violences contre les peuples indigènes du Conseil indigéniste missionnaire (CIMI) a été présenté le 24 septembre 2019 au siège de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), à Brasilia. S’appuyant sur des statistiques de 2018, le document révèle que les peuples indigènes font face à une augmentation substantielle d’occupations illégales de terres, de vol de bois, d’extraction illégale d’or, d’invasions de terres et même de développement de colonies au cœur-même de leurs territoires traditionnels.
Ainsi, en 2018, 109 cas «d’invasions et d’accaparements de terres, d’exploitation illégale de ressources naturelles et de dommages divers au patrimoine» ont été enregistrés. En 2017, 96 cas avaient été comptabilisés. Pour 2019, selon des données partielles du CIMI, déjà 160 occurrences ont été recensées entre janvier et juillet. Avec 135 victimes en 2018, le nombre d’assassinats d’indigènes est également en hausse par rapport à 2017 (110 cas).
D’après le CIMI, de nouvelles méthodes, plus violentes, ont vu le jour concernant l’invasion de terres indigènes. «Généralement, les envahisseurs entraient sur les terres, volaient le bois, les minerais, détruisaient la biodiversité, etc… mais, à un moment ou un autre, finissaient par partir. Désormais, et ce dans de nombreuses régions, ils envahissent les terres avec l’intention d’y rester. Certains ont même été jusqu’à morceler les terres indigènes en lots pour les vendre. Or, l’usufruit de ces terres, qui appartiennent à l’État fédéral, est exclusivement destiné aux peuples indigènes. Donc, on peut dire que c’est toute la société brésilienne qui subit un préjudice et qui, d’une certaine manière, est victime d’extorsion, sans oublier les dommages irréversibles à l’environnement», a expliqué Antônio Eduardo Cerqueira de Oliveira, secrétaire exécutif du CIMI. JCG