Brésil: la Pastorale des prisons dénonce un nouveau massacre
Après une mutinerie qui a fait 62 morts le 29 juillet 2019, dans une prison de l’Amazonie brésilienne, la Pastorale catholique des prisons dénonce les conditions inhumaines dans cet établissement, comme dans le reste du pays.
La mutinerie entre deux bandes rivales au Centre de détention régional d’Altamira, dans l’État du Pará, avait fait dans un premier temps 58 morts. Mais quatre des survivants ont été assassinés durant leur transfert d’Altamira vers la prison de Marabá, dans le même Etat amazonien.
D’après les informations de médias brésiliens, des détenus issus d’une zone réservée à une faction criminelle ont fait irruption dans un quartier de prisonniers faisant partie d’un gang ennemi. La zone a d’abord été incendiée, causant la mort par asphyxie de nombreux détenus. Armés de machettes, des membres de la bande rivale ont ensuite arpenté les lieux. 16 personnes ont été décapitées. Sur les réseaux sociaux, des images d’une grande violence circulent. On y voit notamment des hommes jouer au football avec des têtes humaines.
«L’État n’assume pas ses responsabilités»
Dans un communiqué publié le 2 août, la Pastorale des prisons du Brésil critique la version officielle de l’Intendance supérieure du système pénitentiaire de l’État du Para (Susipe). Pour cet organisme en effet, l’origine du conflit proviendrait du trafic de cocaïne, particulièrement actif dans cette région du Brésil. C’est dans le cadre d’un règlement de compte que la tragédie aurait eu lieu. «Avec cette version des faits, l’État n’assume pas ses responsabilités sur les dizaines de morts, qui sont pourtant la conséquence inévitable du système carcéral, dont le fonctionnement entraîne douleur et souffrance», affirme la Pastorale des prisons. Pour cet organisme rattaché à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), «les facteurs qui ont engendré ce massacre ne sont pas naturels. Altamira, avant la construction du complexe hydroélectrique du Belo Monte, était une ville avec un faible taux de violence. L’arrivée de nombreuses entreprises dans la ville, qui a provoqué une augmentation vertigineuse de la population à cause du chantier, a complètement changé la physionomie de la cité».
La métamorphose d’Altamira
La Pastorale des prisons appuie ses dires sur un indicateur officiel: «En 2000, Altamira enregistrait seulement 9,1 morts pour 100’000 habitants. En 2015, suite à la construction du barrage, Altamira est devenue la ville la plus violente du Brésil«. La Pastorale rappelle à ce propos que le Consortium Norte Energia, responsable de la construction du Belo Monte, s’est engagé à financer la construction d’un nouveau complexe carcéral dans la ville, en guise de «contrepartie à la construction du barrage».
La Pastorale des prisons rappelle également que le centre pénitentiaire d’Altamira est une unité surpeuplée, accueillant 343 détenus pour seulement 163 places. Un rapport publié récemment par le Conseil National de Justice (CNJ) qualifie d’ailleurs de «mauvaises» les conditions d’incarcération dans cet établissement.
La Susipe a pour sa part affirmé qu’elle ne pouvait pas savoir qu’un tel massacre allait se produire. Pourtant, une note interne datée du 20 mai 2019 affirmait que des familles avaient manifesté devant les portes de l’organisme étatique pour exprimer leur inquiétude quant à la sécurité et la vie de leurs proches emprisonnés.
Peur rétrospective pour le Père Amaro
La nouvelle du massacre a ému l’ensemble de la population. Y compris le Père José Amaro, ancien prêtre d’Anapu, une petite ville située à 80 km d’Altamira, sur la Route transamazonienne. Ce religieux, membre de la Commission pastorale de la terre (CPT), est considéré comme l’héritier de la lutte menée par la religieuse américaine Sœur Dorothy Stang, assassinée en février 2005 par des grands propriétaires terriens de la région.
Incarcéré du 27 mars au 29 juin 2018 dans ce même établissement pénitentiaire, avant d’être remis en liberté à la faveur d’un Habeas Corpus, le Père Amaro est notamment accusé d’invasions illégales de terres et d’extorsion de fonds. Ceci sur la (seule) base de témoignages de grands propriétaires de la région. Ses très nombreux soutiens avaient alors exprimé leur crainte qu’une telle mutinerie se produise durant son séjour dans la prison. Mais le drame est survenu plus d’un an après sa sortie. (cath.ch/jcg/rz)